Comment la Russie souffle sur les braises pour déstabiliser la France

Par Germain de Lupiac
4 juin 2024 13:34 Mis à jour: 4 juin 2024 16:03

Faux cercueils, mains taguées  sur le mémorial de la Shoah, fausses informations, etc. la Russie a accéléré son ingérence contre la France. Le but, accentuer les conflits en jouant sur les opinions pour monter les Français les uns contre les autres.

En cause, le soutien occidental à l’Ukraine, les valeurs démocratiques défendues par l’Occident, que le régime autoritaire russe, à l’image de son partenaire chinois, voit comme une menace à son propre pouvoir et dans son jeu de déstabilisation à l’échelle mondiale.

Des stratégies utilisées depuis des décennies par les régimes communistes dont le but est de détruire les démocraties occidentales et leurs valeurs universelles, menaces existentielles pour leur système autoritaire.

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Des attaques pour amplifier les dissensions et les fractures internes à la société française

Selon une note de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) publiée en février, les services de renseignement russes ont mis en place des « modes opératoires mobilisant des réseaux » intermédiaires « dans le but de mener des activités d’ingérence », prenant généralement la forme de dégradation de biens publics (graffitis, tags), des placardages d’affiches, de stickers et des distributions de flyers. C’est pourquoi, elle a demandé aux forces de l’ordre à signaler les délits et « signaux faibles » qui pourraient servir un but tiers.

Selon la DGSI, ces opérations d’ingérence visent en effet à « amplifier les dissensions et fractures internes à la société française, tous sujets confondus, voire à soutenir ouvertement les intérêts de la Russie en dénonçant la politique étrangère de la France, les États-Unis, ou l’Otan ».

Des campagnes de désinformation sont menées également avec des usines de faux comptes sur les médias sociaux. Le Centre d’analyse des menaces de Microsoft a ainsi détecté deux groupes d’influence russe, Storm-1679 et Storm-1099, qui associent « des tactiques anciennes à de l’intelligence artificielle (IA) pour mener des activités nuisibles » visant les Jeux olympiques de Paris, et qui consistent notamment à faire monter les craintes d’actes violents durant l’événement.

Tous les sujets sensibles de l’actualité en France sont visés pour entraîner une situation chaotique: le conflit israélo-palestinien, les Jeux olympiques 2024, la guerre en Ukraine, le président Macron, etc.

Des « mains rouges » sur le mémorial de la Shoah aux cercueils de la Tour Eiffel

Dans la nuit du 13 au 14 mai, 35 tags représentant des mains rouges ont été peints sur le Mur des Justes, à l’extérieur du Mémorial, où sont apposées des plaques portant les noms des 3.900 hommes et femmes qui ont contribué à sauver des Juifs pendant la Seconde guerre mondiale. Ces mains rouges font référence au lynchage, en octobre 2000, de deux soldats israéliens entrés par erreur dans Ramallah et battus à mort par la foule avec l’appui des autorités palestiniennes.

La vidéosurveillance a permis aux policiers de repérer trois suspects et de retracer leur cheminement jusqu’à un hôtel de l’est de Paris, « puis leur départ vers la gare routière » et « leur départ pour la Belgique », avait indiqué le parquet. « Les investigations ont également établi que les réservations avaient été effectuées depuis la Bulgarie ».

Les tags ont suscité une vive indignation, dans la communauté juive et jusqu’au sommet de l’État. Ils ont aussi engendré des messages qui critiquaient le président de la République sur les réseaux sociaux, relayés dans la foulée par des comptes aux allures de « bots » – des comptes automatiques créés à la chaîne relayant du contenu sur les réseaux sociaux. D’après les premiers éléments de l’enquête, les soupçons s’orientent vers une opération de déstabilisation depuis la Russie.

En octobre, la découverte d’étoiles de David taguées sur des immeubles en région parisienne avait fait craindre une contagion du conflit israélo-palestinien. Un couple de Moldaves avait été interpellé et l’opération avait été imputée par les autorités françaises aux services de sécurité russes (FSB).

Le samedi 1er juin 2024 dans la matinée, sur le quai Branly, trois personnes ont déposé cinq cercueils de taille réelle recouverts d’un drapeau français, avec mention « soldats français de l’Ukraine ». L’exploitation du téléphone du conducteur de la camionnette ayant transporté les cercueils a démontré un lien avec un homme de nationalité bulgare, qui avait été « identifié » par les enquêteurs dans l’affaire des tags sur le mémorial de la Shoah.

Dans les deux cas, ce sont « des commanditaires payés pour déstabiliser et appuyer sur les clivages de la société française », a estimé le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné.

Une loi pour lutter contre les ingérences étrangères

Députés et sénateurs veulent renforcer l’arsenal de lutte contre les ingérences étrangères en France. « L’actualité nous prouve qu’il est utile que la France se dote des moyens de se défendre face aux risques d’ingérences qui pèsent sur le pays, et d’en renforcer l’information au public », a expliqué la sénatrice (LR) Agnès Canayer, rapporteure à la chambre haute.

La proposition de loi entend instaurer une obligation pour des représentants d’intérêts étrangers qui font du lobbying en France, notamment auprès d’élus, de s’inscrire sur un registre national, avec un régime de sanctions pénales pour les contrevenants. Elle prévoit également l’élargissement aux cas d’ingérences étrangères d’un dispositif expérimental de surveillance algorithmique lancé en 2015, destiné à repérer des données de connexions sur internet, ce qui était jusque là restreint à la finalité du terrorisme. Le texte final prévoit également la possibilité de geler des avoirs financiers de personnes, entreprises ou entités se livrant à des activités d’ingérence définies.

Lors des travaux de la commission d’enquête au Sénat en mars, le professeur d’histoire à Sciences Po Paris David Colon avait alerté sur les ingérences russes : « Nous sommes dans un contexte de guerre informationnelle qui, du point de vue du Kremlin, est une guerre totale dirigée contre les démocraties. Vladimir Poutine mène une guerre pour sa survie politique, une guerre totale, puisque la Russie s’appuie sur tous les moyens à sa disposition pour la mener ».

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