En regardant un ciel dégagé le soir, nous sommes habitués à voir la Lune qui nous apparaît comme une boule lumineuse avec des tâches grisées. La compagne de la Terre est beaucoup plus petite que celle-ci puisque sa masse représente environ 1% de celle de la Terre.
La plupart des gens sont familiers avec l’idée que la Lune tourne autour de la Terre et non l’inverse ou que la Lune est responsable des marées. Il est bien moins courant de se demander comment la Lune s’est formée et depuis combien de temps elle accompagne la Terre dans son périple autour du Soleil.
Ces deux questions simples font pourtant l’objet de débats intenses, depuis que l’homme a pris conscience de son existence. George Darwin, le fils de Charles, connu pour sa théorie de l’évolution, proposa que la Lune aurait été formée en s’étant séparée de la Terre sous l’effet d’une rotation rapide, il y a très longtemps. Dans les détails, cette théorie n’a plus cours, mais elle ressemble tout de même par certains côtés avec les théories actuelles. En effet, George Darwin a suggéré que la rotation rapide de la Terre a pu engendrer la formation de la Lune qui représenterait un morceau de Terre qui se serait détaché à cause de l’instabilité lié à la rotation de la Terre.
Une collision phénoménale
Actuellement, nous penchons pour une explication sensiblement différente. Il semble plus vraisemblable que la Lune se serait formée à partir d’un impact géant, c’est-à-dire une collision entre la Terre et un objet de taille planétaire dont la taille pourrait varier entre celle de la Lune et de Mars, voire plus gros.
Il existe plusieurs justifications à cette théorie. L’une d’elles est que la composition chimique de la Lune telle qu’elle a pu être mesurée avec les échantillons rapportés par les missions Apollo des années 1969 à 1972 montre que la Lune et la Terre ont des compositions presque semblables pour une bonne partie des éléments de la classification périodique de Mendeleïev.
Cependant, la Lune est différente de la Terre, car elle est plus pauvre que la Terre pour tous ses éléments volatils, c’est-à-dire des éléments qui se vaporisent à des températures modérées (comme le zinc, l’étain ou le potassium). Ceci implique sans aucun doute que la Lune a dû se former à des températures très élevées pour que ces éléments-là n’aient pu se condenser en même temps que les autres.
Une autre caractéristique importante de la Lune est que contrairement à Mars, Vénus, ou la Terre, son noyau métallique est très petit (seulement 1 ou 2% de sa masse, alors qu’il représente 32% de la masse de la Terre), ce qui implique un mode de formation qui doit être très différent de celui de Mars ou la Terre.
Il semblerait qu’une des conditions qui permettent d’obtenir une Lune qui ressemble autant à la Terre est qu’avant l’impact géant, la Terre aurait dû tourner sur elle-même à grande vitesse, ce qui rejoint étrangement le modèle proposé par George Darwin. Mais un ingrédient important supplémentaire est qu’il y ait eu un impact, une idée que n’avait pas imaginée Darwin.
À la suite de cet impact géant, l’énergie colossale libérée par l’impact a pu vaporiser la matière éjectée dans l’espace, puis à la faveur d’un refroidissement, cette matière éjectée a pu à nouveau se condenser pour former un liquide. Des gouttelettes de ce liquide ont pu s’agglomérer et, petit à petit, former la Lune. Pour les conditions de température et pression qui régnaient dans cet environnement très chaud jusqu’à au moins 4000 °C, il est possible de calculer les compositions chimiques de la matière qui se condensent et la comparer à celle de la Lune.
Un aspect critique est que ces calculs doivent reproduire la composition moyenne mesurée dans la Lune. Nos travaux ont ainsi pu montrer qu’il était possible d’obtenir la composition de la Lune en calculant la composition de condensation et de préciser les températures auxquelles se sont formées ces condensats. Ces résultats sembler invalider d’autres propositions qui attribueraient la composition de la Lune à une perte par évaporation qui se serait produite plus tard, alors que la Lune se serait déjà formée et serait une boule fondue qu’on appelle océan de magma par analogie aux océans terrestres.
Quel est l’âge de la Lune ?
Une autre question brûlante est celle de l’âge de la Lune. Il faut bien avouer que déterminer l’âge de la Lune est une tâche délicate qui ne peut être réalisée que de façon indirecte. Une approche simple pourrait consister à identifier les roches échantillonnées à la surface de la Lune et de prendre la plus vieille pour en déduire un âge de la Lune en utilisant par exemple la méthode de datation uranium-plomb ou lutétium-hafnium.
En utilisant cette méthode sur Terre, on aurait une idée fausse sur l’âge de la Terre, d’environ 300 millions d’années car les roches terrestres présentes à la surface de la Terre ne sont pas aussi anciennes que la Terre elle-même. Pour la Lune, cette approche est un peu plus justifiée car l’histoire géologique de la Lune est considérée comme étant plus brève, les roches lunaires les plus jeunes ont pour la plupart plus de trois milliards d’années (même si une récente mission chinoise Chang’e a trouvé des roches de deux milliards d’années).
De ce fait, la surface de la Lune a été moins remaniée que celle de la Terre par une histoire tectonique complexe qui aurait fait disparaître les roches anciennes présentes en surface. Suite à l’impact géant mentionné ci-dessus, la Lune serait une boule de magma qu’on nomme couramment un océan de magma. Ces océans de magma ont une durée de vie limitée (de quelques millions d’années !) car ils se refroidissent rapidement par leur surface. Il s’y forme alors une croûte qui dans le cas de la Lune aurait pu subsister jusqu’au temps présent.
Cette histoire si elle est vraie justifierait l’approche consistant à dater les roches de la surface de la Lune. La datation de la croûte lunaire la plus ancienne donne un âge de 4,36 milliards d’années, contre un âge de 4,52 milliards d’années pour la Terre environ. Ceci implique que la Lune se serait formée environ 210 millions d’années après le début du Système solaire.
Une autre méthode indirecte fondée sur les analyses des isotopes du tungstène donne quant à elle, un âge maximum d’environ 50 Ma, après le début du Système solaire, pour la Lune, ce qui est bien plus ancien que les âges des roches lunaires les plus anciennes. Dans ce cas, le principe de la datation repose sur une comparaison des abondances des isotopes du tungstène entre la Lune et de la Terre.
Pour expliquer le principe de cette méthode de datation, il faut faire appel à la présence de 182Hf qui est un isotope radioactif que l’on trouve en trace dans les objets les plus anciens du système solaire. En se désintégrant le 182Hf produit du 182W dont l’abondance peut être mesurée en laboratoire.
En faisant l’hypothèse que la Terre et la Lune sont issues des mêmes matériaux originels, on peut estimer que la Lune a dû se former après 50 Ma après le début du système solaire afin d’expliquer les très faibles différences en 182W observées entre la Lune et la Terre. D’autres méthodes dont le principe est très différent donnent un résultat cohérent avec ce dernier. Il subsiste donc encore des doutes sur l’âge exact de la Lune. Trancher entre ces deux possibilités n’est pas encore possible. Il existe encore d’autres méthodes plus ou moins complexes qui sont en accord l’âge ancien mais leur crédibilité n’est pas forcément plus forte. On peut espérer que les futures missions à destination de la Lune, comme les missions sous la bannière Artemis ou les missions chinoises nous aideront à résoudre ce dilemme.
Article écrit par Bernard Bourdon, Directeur de Recherche, École Normale Supérieure de Lyon
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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