Compagnons des devoirs : et si le plus beau des patrimoines, c’était le travail ?

14 septembre 2016 09:25 Mis à jour: 21 octobre 2016 11:59

Les 16 et 17 septembre se dérouleront en France les journées du Patrimoine. L’occasion pour le visiteur curieux de repartir à la découverte des musées et de tisser ou retisser le lien avec l’histoire de France. Comme souvent, l’art et les chefs-d’œuvre s’accompagnent de l’histoire de leurs auteurs. Classés au patrimoine immatériel de l’humanité en 2010 par l’Unesco pour leur « réseau de transmission des savoirs et des identités par le métier », les artisans des Compagnons des devoirs font partie de ceux qui ont écrit cette histoire.

Cela a commencé avec les bâtisseurs de cathédrales, quelque part au XIIe siècle. Les premières sociétés compagnoniques se sont établies, assurant la formation des jeunes apprentis, et défendant leurs intérêts et protections sociales. Quelques siècles plus tard, les Compagnons restent une solide fratrie. Répartis en six corps de métier, ils favorisent l’intégration et l’apprentissage au sein d’une communauté.

Itinérance au programme

Loin de l’image parfois austère de l’apprentissage et face aux indicateurs pointant un manque de main-d’œuvre dans certaines industries dont le BTP, le compagnonnage affiche un dynamisme rafraîchissant. L’association des Compagnons forme 10 000 apprentis chaque année. L’aspirant commence sa formation en alternance pendant un an dans un centre, puis passe un an dans une entreprise. Le parcours se découpe en phases : apprentissage, adoption et réception, durant lesquelles il devra répondre de la valeur de son ouvrage et de la solidité de ses connaissances.

« On doit montrer notre motivation et nos acquis en réalisant une pièce de réception engageant entre 500 et 1 000 heures de travail. Moi, j’ai réalisé un escalier courbe en bois. Entre la période de formation et la réception, il s’écoule environ 4 à 6 ans », témoigne Thomas Bauer, charpentier et Compagnon. La présentation des chefs-d’œuvre est un moment important de la vie des Compagnons. Il arrive, selon les témoignages, que si un chef-d’œuvre est « raté », celui-ci sera détruit. Certaines traditions et rites demeurent incontournables. D’après l’association, « leurs fonctions sont de transmettre une morale, d’affirmer la fraternité du groupe, d’éduquer, de conférer de la dignité, d’élever l’ouvrier au-dessus de ses actes quotidiens ».

Les valeurs d’effort et de loyauté sont au cœur de l’apprentissage. Les rapports humains et les échanges de savoirs sont déterminants dans la progression de chaque Compagnon. Le « Tour de France » est ainsi un passage formateur pour les apprentis, qui dès leur seconde année, ont l’opportunité de voyager et d’être accueillis dans les différents centres ou chez les Compagnons partout en France.

Modernité

D’après un membre de l’association, « quand un architecte dessine les plans d’un pont, même s’il utilise un logiciel, il demande l’avis d’un Compagnon ». Pour rester à la pointe de leur savoir-faire, les Compagnons des devoirs ont su s’adapter aux exigences du marché et aux évolutions techniques : on pourrait citer l’exemple du Centre du Devenir des métiers où, d’après un communiqué, des professionnels organisent « une veillée technologique à un niveau international ». Ou encore, la création d’un Pôle d’excellence des métiers autour de matériaux souples, ouvert à Pantin en septembre 2015, destiné à travailler de pair avec les grands noms de la maroquinerie de luxe parisien.

Loin des sociétés ouvrières d’autrefois, le réseau des Compagnons navigue maintenant sur des mers un peu différentes. Thomas Bauer, qui a voyagé jusqu’en Guyane pour accomplir sa formation, continue aujourd’hui son Compagnonnage en métropole, en itinérance avec sa famille. D’après lui, les Compagnons ne travaillent plus « dans des ateliers mais en entreprise ». « On ne parle plus de maître et de disciple. Mais ce qui reste inchangé dans l’esprit du compagnonnage, c’est d’apprendre un métier pas seulement pour gagner sa vie, mais pour devenir un homme en traversant des épreuves durant son apprentissage », conclut-il.

3 questions à José Fonseca, directeur de la communication et délégué à l’International des Compagnons des devoirs

 L’expérience personnelle est importante ?

Depuis un certain nombre d’années, nous permettons aux jeunes qui sont en formation de vivre une expérience à l’international. Cela permet aux jeunes d’avoir une expérience supplémentaire et de pouvoir aller à la rencontre de techniques et de méthodes différentes dans leurs corps de métier. En même temps, cela développe aussi le sens du voyage et les facultés d’adaptation. Quand ils arrivent dans un pays, ils doivent fondamentalement s’intéresser aux gens, aux cultures. Ils n’arrivent pas en Terre conquise, avec l’idée de montrer ce qu’ils savent faire, non… Ils y vont pour s’imprégner de la culture, des techniques, pour donner ce qu’ils peuvent donner et recevoir ce qu’ils ont à recevoir. Tout simplement. De plus, nous restons convaincus que pour la pratique des métiers de demain, parler une ou plusieurs langues serait un atout.

Comment communiquez-vous avec les artisans des autres pays ?

Le service international des Compagnons des devoirs reste l’interlocuteur des partenaires hors métropole, mais nous nous appuyons également au-delà des entreprises ou des organismes partenaires sur des Compagnons sédentaires qui se sont installés un peu partout dans le monde. On en compte 800 à ce jour.

Quel accueil fait-on aux Français à l’étranger ?

Les Compagnons sont moins connus quand vous sortez de la France ou de l’Allemagne. Effectivement, les entreprises accueillant les jeunes Compagnons et ensuite qui continuent à en prendre sont satisfaites et contentes d’avoir des jeunes qui vont passer une année à l’international. Souvent, cela montre une certaine motivation, une autonomie et cela plaît aux entreprises.

Je pense que le parcours de formation initiale, au même titre que pour les Allemands ou les Suisses, est plutôt bien construit. On a des jeunes hommes qui, à 21 ou 22 ans, ont un très bon niveau : ils arrivent avec des fondamentaux plutôt solides, de bonnes bases de métier et des connaissances intéressantes. Les entreprises apprécient cet aspect-là. Ensuite, il y a un savoir-faire à la française qui est reconnu sur des métiers spécifiques comme les métiers du cuir et des matériaux souples, les cordonniers, les maroquiniers, les tapissiers, les métiers du bois, de la boulangerie et pâtisserie.

 

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