Plus de 200 personnes qui s’opposaient à la pose de compteurs Linky à leur domicile ont été déboutées mardi en référé à Bordeaux, avec un bémol pour 13 d’entre elles, considérées comme « électro-hypersensibles », pour lesquelles le juge a enjoint à Enedis de poser un « filtre » protecteur.
Enedis « a prévu de faire appel de cette décision », a-t-elle précisé en début de soirée. Pour la filiale d’EDF, la décision du tribunal de Bordeaux « conforte aussi bien le principe du remplacement des compteurs que notre démarche d’écoute à l’égard de certains de nos clients qui se déclarent électro-sensibles ».
Il s’agit de cas « extrêmement rares pour lesquels nos équipes mettent en œuvre un accompagnement personnalisé et adapté à chaque situation particulière », souligne Enedis. La société rappelle que « toutes les mesures réalisées par les organismes indépendants mettent en évidence des niveaux de champs électriques et magnétiques très largement inférieurs aux limites réglementaires ».
Le juge des référés du tribunal de grande instance avait été saisi par 206 requérants, réunis pour certains en associations, qui réclamaient l’arrêt du déploiement ou le retrait de ces « compteurs intelligents » controversés, invoquant des raisons de santé, une atteinte au libre choix, à la vie privée, ou le manque de professionnalisme des poseurs.
Pour le juge, il apparait que les demandeurs « ne justifient pas de l’existence d’un trouble manifestement illicite, que ce soit par rapport au droit à la consommation ou au RGPD » (Règlement général sur la protection des données). « Ils ne justifient pas davantage d’un dommage imminent, que se soit par rapport à leur santé, à la sécurité des personnes et des biens ou à la qualité du travail demandé aux installateurs », ajoute-t-il, dans une décision à laquelle l’agence France Presse (AFP) a eu accès.
En revanche, le juge des référés a considéré que treize des requérants qui avaient, certificats médicaux à l’appui, invoqué des symptômes (maux de têtes, insomnies, notamment) à l’audience en mars, « justifient d’un trouble manifestement illicite par manquement d’un principe de précaution », car la pose d’un Linky s’est faite chez eux « sans la pose d’un filtre les protégeant des champs électromagnétiques ».
Dans leurs cas, il a donc condamné Enedis à poser sous deux mois un « dispositif de filtre les protégeant » de ces champs.
Les demandeurs ont été déboutés de leurs autres demandes et la procédure va suivre son cours sur le fond.
Leur avocat Me Pierre Hurmic a salué « une première brèche dans ce qui était jusqu’à présent la pensée dominante », à savoir que « les champs électromagnétiques, même quand il y a un « cocktail de champs », il n’y a aucun danger ». « Là, précisément, le juge dit « dans certains cas, on peut considérer que cela représente un danger pour la santé publique » ».
Me Hurmic a toutefois regretté une « brèche timide, incomplète », car elle « n’interdit pas la pose » et « ne concerne que quelques demandeurs ». Il a évoqué la décision « plus audacieuse » du juge des référés à Toulouse en mars, où treize personnes souffrant d’hypersensibilité aux ondes avaient obtenu le droit de ne pas être équipées contre leur gré d’un Linky.
À l’audience, l’avocat d’Enedis avait assuré que les compteurs Linky ne développaient « pas plus d’effet significatif que d’autres objets du quotidien », tels que les babyphones, prises de smartphones, plaques à induction, le wi-fi, etc.
Le compteur Linky, dont Enedis pilote l’installation pour relever à distance et en direct la consommation, fait l’objet de controverses récurrentes depuis son déploiement en 2015.
Vingt-deux tribunaux ont été saisis d’actions conjointes. La grande majorité des plaignants, plusieurs centaines à ce jour, ont été déboutés -à Rennes, a Toulouse, à Bordeaux-, hormis une poignée « d’électrosensibles ».
D. S avec AFP
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