Après avoir mis à mort la presse libre de Hong Kong en provoquant la fermeture du journal pro-démocratie Apple Daily, le régime communiste chinois ne rencontrera que peu de résistance pour s’emparer complètement de la ville, selon Mark Simon, directeur général de la publication.
« Une fois que le génie est sorti de la bouteille, il ne va pas rester là, il continuera à aller de l’avant, aussi vite qu’il le souhaite », a déclaré Mark Simon dans une interview.
M. Simon, cadre supérieur depuis 21 ans chez Next Digital, la société mère d’Apple Daily, s’est entretenu avec Epoch Times le dernier jour de ses 26 ans d’activité, le 24 juin dernier. Depuis minuit, les supporters faisaient la queue dans les kiosques à journaux de la ville, parfois sous la pluie battante, pour mettre la main sur la dernière édition de l’Apple Daily. L’édition a été vendue à 1 million d’exemplaires, soit plus de 10 fois sa distribution habituelle de 80 000 exemplaires.
La une du dernier numéro montrait un employé sur le toit du bâtiment de l’Apple Daily, saluant la foule à l’extérieur. « Les Hongkongais font des adieux douloureux sous la pluie », titrait la publication.
Une voix des plus audible de la ville pour critiquer le Parti communiste chinois, l’Apple Daily est la dernière et la plus grande victime de la loi draconienne sur la Sécurité nationale, imposée par Pékin l’année dernière pour réprimer les forces pro-démocratiques de la ville.
Un coup dur pour une ville libre
Pour Mark Simon et beaucoup d’autres, la fermeture brutale du tabloïd pro-démocratie, connu pour publier des potins sur des célébrités, des opinions pro-démocratiques et des enquêtes sur des dirigeants corrompus, signifie plus que la mort d’un journal. Elle signifie le démantèlement de tout ce qui a fait de Hong Kong une ville dynamique, du « pilier » sur lequel a été fondé « l’un des grands miracles économiques du monde ».
« Hong Kong est une société libre. Elle est basée sur des marchés libres. Elle est basée sur la libre circulation de l’information. Et elle est principalement fondée sur l’État de droit. Ces trois éléments ont pris un coup », a-t-il déclaré, faisant référence aux institutions occidentales dont la ville a hérité lorsqu’elle était sous domination britannique pendant 99 ans, jusqu’à ce que le régime chinois prenne le pouvoir en 1997.
« En anéantissant la presse libre, vous impactez les marchés libres puisque les gens ne reçoivent plus les informations nécessaires pour fonder leurs jugements économiques. Et puis, en faisant complètement fi du système judiciaire, comme ils l’ont fait à Hong Kong en nous réduisant au silence, eh bien, c’est l’État de droit que fondamentalement vous détruisez », a-t-il déclaré. « Il n’y a plus de raison à Hong Kong maintenant. »
Il est fier de l’Apple Daily qui exige des comptes au pouvoir et « défend les intérêts du peuple ».
« S’il y avait un problème quelque part, et que c’était un problème légitime, vous saviez que vous pouviez le rapporter à l’Apple Daily, et qu’il en ferait l’écho. Vous saviez que les politiciens seraient interrogés. Vous saviez que les policiers, s’ils battaient quelqu’un et étaient filmés, le journal les montrerait. »
Une vaste opération de répression
Le journal a fermé ses portes après que les autorités ont gelé ses actifs dans le cadre d’une enquête de la loi de Sécurité nationale. Une semaine plus tôt, 500 policiers ont fait une descente au siège de la publication. Ils ont arrêté cinq des principaux dirigeants de l’entreprise, accusés de mettre en danger la sécurité nationale. Deux d’entre eux ont ensuite été inculpés de collusion avec des forces étrangères en vertu de la loi sur la sécurité et se sont vu refuser la liberté sous caution.
C’est la première fois que le gouvernement de Hong Kong applique la loi sur la sécurité nationale à l’encontre de professionnels des médias pour des articles qu’ils ont publiés.
Le 23 juin, Yeung Ching-kee, 55 ans, chroniqueur principal, a été le sixième employé arrêté. Le même jour, un autre employé a également été convoqué par la police pour interrogation, mais n’a pas été détenu, a précisé M. Simon.
Le jour du raid, la police a appelé les journalistes par leur nom pour les interroger, selon M. Simon. « Ils avaient une liste et notaient des informations détaillées », a-t-il déclaré.
La police a demandé les numéros de téléphone et lieux de résidence des journalistes, a rapporté Mark Simon. « [Recueillir] ces informations n’a qu’une seule raison d’être : aller chercher les gens. »
Le groupe de médias disposait d’environ 521 millions de dollars de Hong Kong (56 millions d’euros) de liquidités à la fin du mois de mars, ce qui était suffisant pour maintenir l’entreprise à flot pendant 18 mois, selon une déclaration boursière fournie par Mark Simon. En interrompant la négociation de ses actions et en gelant ses comptes bancaires, le gouvernement de Hong Kong a empêché l’entreprise d’utiliser ses fonds existants, la mettant à mort.
Pour remuer le couteau dans la plaie, la Société du parc scientifique et technologique (Science and Technology Park Corporation), relevant du gouvernement, a entrepris de récupérer le terrain qu’elle louait à l’Apple Daily le jour même où la publication a imprimé son dernier numéro, au motif que la société avait violé son contrat.
Sans préciser lesquels, les autorités ont affirmé que plus de 30 articles ont appelé à des sanctions des pays occidentaux à l’encontre les gouvernements de Hong Kong et chinois. Certains d’entre eux datent de 2019, avant l’entrée en vigueur de la loi sur la sécurité nationale, bien que le gouvernement de Hong Kong ait précédemment déclaré que la loi ne serait pas rétroactive.
M. Simon ne pense pas que les autorités seront disposées à fournir des preuves à l’appui des accusations.
« Elles ne nous diront jamais quels articles sont en cause », a-t-il déclaré. « Parce que des gens ont fouillé dans nos archives, pour essayer de trouver les articles. Et s’ils avaient été là, vous pouvez parier votre dernier dollar que la presse pro-Chine en aurait fait état. »
Le 23 juin, le journal pro-Pékin Wen Wei Po a imprimé une section détachable de 24 pages célébrant la fermeture d’Apple Daily, arborant une photo de son propriétaire, Jimmy Lai, emprisonné, et le qualifiant de « Lai, le traître de la Chine [avec son] Apple poison » en titre.
« État policier »
Parallèlement à la suppression de la presse, autrefois libre, de Hong Kong, Pékin semble consolider sa répression de ce qui reste du contingent pro-démocratie de la ville.
Signe de la consolidation de l’emprise du régime sur la ville, le secrétaire à la Sécurité, John Lee, a été promu le 25 juin au poste de secrétaire en chef, le deuxième poste en importance à Hong Kong. La position intransigeante de M. Lee lors du mouvement pro-démocratie de 2019, à titre d’ancien commissaire de police, ainsi que son rôle récent dans le démantèlement de l’Apple Daily, rendent cette promotion inquiétante. Pour les opposants du régime, il s’agit de la complétion de la transformation de Hong Kong en État policier.
La législatrice Alice Mak, de la Fédération des syndicats, favorable à Pékin, affirme toutefois qu’il n’y a pas de quoi s’inquiéter.
« S’il s’agit d’un État policier, pourquoi pas ? Je ne pense pas qu’il y ait de problème avec un État policier », a-t-elle déclaré lors d’une conférence de presse le 25 juin, ajoutant que « lorsque nous disons un État policier […] Nous mettons l’accent sur la sécurité. »
Dans une interview à une radio locale le 23 juin, John Lee a déclaré que la police a arrêté 110 personnes et en a poursuivi 64 autres dans le cadre de 12 affaires de sécurité nationale depuis l’année dernière. Parmi eux figurent Jimmy Lai, le militant Joshua Wong et la députée de l’opposition Claudia Mo, dont le message sur WhatsApp échangé avec des journalistes occidentaux est devenu une preuve pour le tribunal pour lui refuser la liberté sous caution.
Mark Simon, qui garde la trace des Hongkongais visés pour des crimes politiques, a déclaré disposer d’une liste de 180 noms, incluant des individus inculpés et emprisonnés pour des charges non liées à la sécurité.
Ces prisonniers politiques se disent probablement : « Hé, aidez-nous un peu. Nous sommes prêts à [continuer nos démarches] », a déclaré M. Simon.
Il espère que l’attention internationale contribuera à « maintenir vivante l’histoire [des événements] de Hong Kong », ajoutant que sa plus grande crainte est que « les gens passent à autre chose ».
« Je peux vous assurer que le nom de Jimmy Lai disparaîtra rapidement des pages des journaux pro-Chine et pro-Pékin », a-t-il déclaré.
« C’est ce que font les communistes, ils essaient simplement de vous faire disparaître. »
En même temps, le régime communiste a également besoin que Hong Kong demeure un centre financier international pour que l’argent continue d’affluer, a déclaré Mark Simon.
« Tant qu’il y aura des prisonniers politiques, Hong Kong ne sera jamais une ville internationale. »
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