De nombreuses stations-service à court d’essence ont fermé au Liban et les prix ont de nouveau grimpé samedi en raison d’une pénurie du billet vert résultant d’une grave crise économique, moteur essentiel d’une contestation inédite contre le pouvoir.
Les restrictions sur les retraits ou les conversions imposées par les banques depuis août en raison de la crise économique ont été renforcées avec la contestation déclenchée le 17 octobre, les banques ayant fermé pendant deux semaines, ravivant les craintes sur la situation monétaire et bancaire du pays.
Les réserves de plusieurs stations-service se sont épuisées et l’importation de dérivés pétroliers devient compliquée et coûteuse en raison de la raréfaction du billet vert sur le marché.
Au Liban, le dollar américain est utilisé au même titre que la livre libanaise, indexée sur le dollar depuis 1997 au taux de 1.507,5 livres pour un dollar.
Le marché noir de dollar américain
Les propriétaires des stations-service, qui paient leurs fournisseurs en dollars et encaissent en monnaie locale, déplorent un taux plus élevé sur le marché noir que celui de la Banque centrale : dans les bureaux de change, il oscille entre 1.650 et 1.800 livres pour un dollar.
« Les stations-service qui ont ouvert aujourd’hui (samedi) sont celles qui ont encore des réserves. Elles fermeront dès que leur stock sera épuisé », a indiqué à l’AFP le président du syndicat des propriétaires de stations-service, Sami Brax.
Une pénurie des produits de première nécessité
Dans le but d’enrayer une pénurie des produits de première nécessité, la Banque centrale a adopté début octobre de nouvelles régulations permettant aux stations-service d’honorer 15% du montant dû aux importateurs en dollars et le reste en livres libanaises. « Notre demande est de pouvoir payer l’ensemble des montants en livres libanaises », a affirmé M. Brax. Si « aucune solution n’est trouvée d’ici mardi, nous (…) devrons fermer boutique ».
Depuis le 17 octobre, les Libanais manifestent quotidiennement pour réclamer le départ de l’ensemble de la classe dirigeante, jugée corrompue et incapable de mettre fin au marasme économique. La contestation a entraîné la démission le 29 octobre du Premier ministre Saad Hariri, mais les tractations traînent pour la formation d’un nouveau gouvernement.
Samedi, un sit-in a été organisé devant le bâtiment du ministère des Affaires étrangères, dont le locataire démissionnaire Gebran Bassil, également gendre du chef de l’Etat, est conspué presque unanimement depuis le début du mouvement.
Craintes concernant la situation monétaire et bancaire
« Si le gouvernement n’est pas formé bientôt, la situation risque d’empirer », a prévenu une source bancaire. Ces derniers jours, les craintes concernant la situation monétaire et bancaire ont été ravivées par les restrictions sur les retraits. « La pression sur les banques a augmenté de la part des clients locaux et des expatriés », admet Nassib Ghobril, directeur de la recherche à la Byblos Bank.
Des scènes d’échanges tendus entre clients, interdits de retirer les montants réclamés, et employés de banques, soucieux d’appliquer les nouvelles régulations, ont défrayé la chronique. La peur d’une crise bancaire est alimentée, selon M. Ghobril, par des rumeurs sur de possibles coupes dans les dépôts des particuliers par les banques, un scénario « inenvisageable ».
Par ailleurs, les prix sur le marché connaissent une forte volatilité depuis quelques jours. Selon le président de l’Association du consommateur, Zouheir Berro, les prix de certains aliments, à l’instar de la viande et des légumes ont augmenté respectivement de 7% et 27% au cours des quatre derniers jours.
Mercredi, la Banque mondiale a appelé les autorités à former un nouveau gouvernement dans les plus brefs délais, mettant en garde contre une « récession plus grave » en cas d’impasse.
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