Le Premier ministre canadien Justin Trudeau a annoncé le 14 février le recours exceptionnel à la loi sur les mesures d’urgence pour mettre fin aux blocages « illégaux » des manifestants anti-mesures sanitaires en cours dans le pays depuis plus de deux semaines.
« Le gouvernement fédéral invoque la loi sur les mesures d’urgence pour compléter les pouvoirs provinciaux et territoriaux et faire face aux blocages et aux occupations », a-t-il déclaré, précisant que l’armée ne serait pas déployée et que les nouvelles mesures seraient « limitées dans le temps et géographiquement ».
Le mouvement de contestation canadien qui a débuté fin janvier est parti de camionneurs protestant contre l’obligation d’être vacciné pour passer la frontière entre le Canada et les États-Unis. Mais les revendications se sont étendues à un refus de l’ensemble des mesures sanitaires et, pour de nombreux manifestants, à un rejet du gouvernement de Justin Trudeau.
Plusieurs Premiers ministres provinciaux opposés à l’état d’urgence national
La loi sur les mesures d’urgence peut être invoquée en cas de « crise nationale » et donne au gouvernement fédéral davantage de pouvoirs pour y mettre fin en lui permettant d’autoriser « à titre temporaire des mesures extraordinaires ».
Plusieurs Premiers ministres provinciaux ont exprimé avant la prise de parole de Justin Trudeau leur opposition à la mise en place de cette disposition, qui correspond à un état d’urgence national.
En 1970, le gouvernement de Pierre Elliott Trudeau l’avait invoquée pour envoyer l’armée au Québec et prendre une série de mesures d’urgence, après l’enlèvement par le Front de libération du Québec d’un attaché commercial britannique, James Richard Cross, et d’un ministre québécois, Pierre Laporte.
M. Cross avait été libéré après des négociations, mais le ministre avait été retrouvé mort dans le coffre d’une voiture.
« Avec cette loi, le gouvernement peut réquisitionner des biens, des services, des personnes. Le gouvernement peut dire aux gens où aller, où ne pas aller. Il y a vraiment peu de limites à ce que peut faire le gouvernement », a expliqué Geneviève Tellier, professeure d’études politiques à l’université d’Ottawa.
« Maintenir la pression »
La police était parvenue dimanche soir, après sept jours de blocage, à rouvrir le pont Ambassador, qui relie Windsor en Ontario à la ville américaine de Detroit au Michigan. La paralysie de cet axe frontalier majeur avait poussé Washington, inquiet des conséquences économiques, à intervenir auprès de Justin Trudeau.
Le Premier ministre de l’Ontario a annoncé lundi matin la levée prochaine de la quasi-totalité des mesures sanitaires, dont le passeport vaccinal. Mais à Ottawa, les opposants aux mesures sanitaires occupaient toujours les rues du centre-ville. Quelque 400 camions sont installés appuyés par une organisation bien rodée : tentes pour se réchauffer, feux de camp, stands de nourriture…
Depuis l’instauration de l’état d’urgence vendredi, ils risquent une amende pouvant aller jusqu’à 100.000 dollars canadiens (69.500 euros), voire un an d’emprisonnement.
Partir « n’est pas dans mes plans », expliquait lundi matin Phil Rioux, barbe de trois jours et yeux bleus au volant de son camion. « C’est en maintenant la pression qu’on a plus de chance d’arriver à notre but », explique le Québécois âgé de 29 ans.
Des « convois de la liberté » s’organisent dans le monde
Cette mobilisation canadienne inédite continuait lundi de faire des émules ailleurs dans le monde. Après des manifestations similaires en Australie et en Nouvelle-Zélande, des milliers de voitures et de camions en Israël ont rallié Jérusalem depuis plusieurs villes du pays.
En Europe, après avoir convergé vers Paris samedi, une partie des convois d’opposants aux restrictions sanitaires, dits « de la liberté », sont arrivés à Bruxelles, où la manifestation a été interdite.
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