COP22 : le test de l’action

7 novembre 2016 08:00 Mis à jour: 10 novembre 2016 10:18

La COP 22 qui se déroulera à Marrakech du 7 au 18 novembre devra déterminer comment les États appliqueront les Accords de Paris.

Depuis le Protocole de Kyoto, et après la difficile COP de Copenhague en 2009, la COP21 venait conclure vingt années de désaccords et de mise en œuvre difficile. La COP de la dernière chance pour un consensus, avec l’objectif d’aboutir à un accord pour contenir les effets du réchauffement climatique en dessous de la barre des 2 °C. Un an après, de l’avis de nombreux représentants de pays et ONG, la performance de l’accord de Paris reste remarquable.

La COP22 intervient dans un registre différent : après la ratification du traité par les 175 pays en avril dernier, celle-ci devrait permettre aux pays d’accélérer l’adoption de mesures globales et d’accélérer la mise en œuvre du contenu du texte de Paris.

« L’esprit de Paris » passe le relais

Depuis son arrivée au ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer, Ségolène Royal a affiché sa volonté de préserver le dynamisme de Laurent Fabius, son prédécesseur, en multipliant les évènements et les rencontres. La ratification du traité, pour entrer en vigueur dans les normes onusiennes, se devait de regrouper les signatures d’au moins 55 pays représentant 55% des émissions actuelles de gaz à effet de serre. Après la signature des États-Unis, de la Chine et de l’Europe, l’Accord de Paris sur le climat engageant la communauté internationale s’est vu officiellement couché sur le papier le 4 novembre.

À la veille du rituel de l’ouverture de la COP22, où la présidence française passera la présidence au Maroc, la ministre française s’estime heureuse de cet « excellent bilan ». « On a fait le plus dur au sens où maintenant, il y a un engagement opérationnel des pays », commentait-elle au micro d’Europe 1 le 5 novembre. L’Élysée a de son côté fait savoir que « la mobilisation de la France restera entière pour que la justice climatique soit respectée » et « pour que l’esprit de Paris se prolonge et s’amplifie ».

Au programme de la COP22

« Le gros sujet de la COP22 sera de préciser les règles de mise en œuvre de l’accord de Paris, notamment les règles de transparence et de se mettre d’accord sur la date de finalisation de ces règles communes », précise Laurence Tubiana, l’ambassadrice chargée des négociations sur le changement climatique pour la France. Selon elle, « 2017 n’est pas réaliste, mais 2018, c’est envisageable ». La transparence évoquée devra permettre d’évaluer les engagements nationaux des pays.

Au programme des discussions de cette COP22, on trouve également la présentation des stratégies nationales, l’augmentation des aides financières fournies aux pays en voie de développement ainsi que l’aide fournie pour mettre en place des politiques de développement d’énergie « verte » (transition énergétique, pratiques agricoles vertueuses, etc.).

L’objectif principal que se donnent les parties à l’Accord de Paris (organe décisionnaire ou CMA) sera de « parvenir à un équilibre entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de GES au cours de la deuxième moitié du siècle ». Autrement dit : comment, d’ici à 2050, les émissions de CO2 n’excéderont plus les capacités d’absorption planétaires ?

Inquiétudes

À l’optimisme des uns, on pourrait cependant opposer les craintes des autres. Au tableau des négociations brille par son absence une mesure ou un engagement unanime partagé par les signataires : chaque pays avance à son propre rythme. Or, si aucun compromis ne se dessine, les « demi-solutions » pourraient se multiplier sans qu’il n’y ait de contrôle.

Autre ombre planant sur l’application des Accords de Paris serait de voir l’histoire se répéter d’une manière différente. Par exemple, la Cour Suprême des États-Unis a brutalement suspendu en février le plan climat défendu par Barack Obama. Qu’adviendrait-il de ce plan, si le climato-sceptique Donald Trump prenait les rennes du pouvoir ? Les États-Unis, dont la décision de ratification du traité a été déterminante pour entraîner la Chine dans leur sillage cette année, pourraient ainsi se retrouver sur une ligne d’action à peu près proche de celle suivant les accords de Kyoto, c’est-à-dire inexistante.

Le mot des ONG

Care France

D’après l’OCDE, l’aide financière des 100 milliards d’euros d’ici à 2020, promise durant la COP de Copenhague en 2009, a pris du retard. D’après Aurélie Ceinos, responsable chez Care France, « les pays du continent africain doivent faire entendre leurs voix. Car s’ils sont les moins responsables du changement climatique, ils en sont les premières victimes. 75 à 250 millions d’Africains seront exposés à un stress hydrique accru d’ici à 2020. Nous rappelons que la moitié des financements climat doivent être dédiés à l’adaptation ».

CCFD-Terre

Anne-Laure Sablé, chargée de plaidoyer souveraineté alimentaire et climat, du CCFD-Terre Solidaire, rappelle le lien entre agriculture industrielle et pollution : « Il ne faut pas laisser le champ libre à des initiatives et des pratiques – telles que les OGM et l’utilisation d’intrants chimiques nocifs – contribuant à notre dépendance aux combustibles fossiles et rendant les agriculteurs de plus en plus vulnérables ».

Fondation Nicolas Hulot

Le CETA, récemment adopté, inquiète Denis Voisin de la Fondation Nicolas Hulot, qui dénonce une « incohérence » : « Ceta ou climat, il faut choisir […] Pour limiter le réchauffement en dessous de deux degrés, on n’a pas le choix, le chemin est compliqué. Le Ceta, c’est le premier gros couac. C’est une vraie erreur ».

Action contre la Faim

L’agriculture est définie comme un enjeu prioritaire par 94% des contributions nationales. Bertrand Noiret, chargé de Plaidoyer Climat pour Action contre la Faim, avertit : « Il faut éviter le piège de l’inaction. Il est urgent de définir les objectifs et les critères d’une agriculture répondant au double enjeu du changement climatique et de la sécurité alimentaire. Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre la prochaine COP et de perdre un an de travail ».

Secours Catholique-Caritas France

Pour Jean Vettraino, chargé de plaidoyer à la direction internationale du Secours Catholique-Caritas France qui a récement remis un rapport sur l’Agroécologie dans les pays du Sud : « L’Accord de Paris est le premier traité environnemental à mentionner les droits humains. Marrakech doit permettre de traduire ces principes dans les politiques nationales. Des actions climatiques qui contribueraient à accroître les inégalités n’auraient aucun sens », explique-t-il.

 

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