Corée du Sud : Yoon Suk Yeol menacé de destitution après une brève instauration de la loi martiale

Par Epoch Times avec AFP
4 décembre 2024 08:45 Mis à jour: 4 décembre 2024 08:55

L’opposition sud-coréenne a annoncé mercredi le dépôt au Parlement d’une motion de destitution contre le président conservateur Yoon Suk Yeol, après sa tentative ratée d’imposer la loi martiale.

Cette motion, qui devra réunir une majorité des deux tiers pour être adoptée, pourrait être soumise au vote dès vendredi, ont indiqué au cours d’une conférence de presse les six partis d’opposition représentés au Parlement, dont le principal d’entre eux, le Parti démocrate (centre-gauche).

M. Yoon, dont la cote de popularité était déjà au plus bas, est mis dos au mur par l’opposition comme par son propre parti après avoir instauré la loi martiale lors d’une allocution surprise tard mardi, avant d’abroger cette mesure à peine six heures plus tard sous la pression des députés et de la rue.

Mettre un frein à une « dictature législative »

Dans le contexte de difficultés à adopter le budget, le président avait justifié cette mesure exceptionnelle en disant vouloir « éliminer les éléments hostiles à l’État » et « protéger la Corée du Sud libérale des menaces posées par les forces communistes nord-coréennes ».

M. Yoon, élu de justesse en 2022 et qui n’a jamais disposé de la majorité au Parlement, avait pointé du doigt une « dictature législative » et accusé les élus de l’opposition de bloquer « tous les budgets essentiels aux fonctions premières de la nation ».

Après l’annonce de M. Yoon, des troupes ont été déployées et des hélicoptères de l’armée ont atterri sur le toit du parlement, mais les députés ont pu se réunir en catastrophe pour adopter une résolution exigeant l’abrogation de la mesure, ce à quoi M. Yoon a fini par se résoudre après plusieurs heures. Des centaines de manifestants s’étaient entretemps rassemblés devant le Parlement pour exiger le retrait du texte et la démission du président.

Des législateurs et des membres du Parti démocratique (PD) manifestent contre le président du pays à l’Assemblée nationale le 04 décembre 2024 à Séoul, en Corée du Sud. (Chung Sung-Jun/Getty Images)

L’imposition de la loi martiale, une première depuis plus de 40 ans en Corée du Sud, impliquait la suspension de la vie politique, la fermeture du parlement et la mise sous contrôle des médias.

Une mesure « illégale »

Cette annonce a généré inquiétude et désapprobation dans le monde, notamment de la part des États-Unis, principal allié de Séoul face à la Corée du Nord.

Le chef de l’opposition Lee Jae-myung, qui avait perdu de justesse la présidentielle contre M. Yoon, avait qualifié d’« illégale » la mesure imposée par celui-ci. « Nous allons porter plainte pour rébellion » contre le président, ses ministres de la Défense et de l’Intérieur et des « personnalités-clés de l’armée et de la police, telles que le commandant de la loi martiale (un général de l’armée, ndlr) et le chef de la police », a annoncé le Parti démocrate mercredi.

Une porte endommagée par des soldats sud-coréens est visible à l’Assemblée nationale à Séoul le 4 décembre 2024. (JUNG YEON-JE/AFP via Getty Images)

Même la formation de M. Yoon, le Parti du Pouvoir au Peuple, s’est démarquée de l’initiative du président. « Le président doit expliquer cette situation tragique tout de suite et en détail », a déclaré à la télévision le chef de sa formation, Han Dong-hoon, soulignant que « tous les responsables devront rendre des comptes ». Le chef de cabinet du président et plusieurs conseillers ont dans la matinée « présenté leur démission collective », selon l’agence de presse Yonhap.

Appel à une « grève générale illimitée » 

La Confédération coréenne des syndicats, plus importante intersyndicale du pays avec ses quelque 1,2 million de membres, a appelé à une « grève générale illimitée » jusqu’à la démission de M. Yoon, estimant qu’il avait « signé sa propre fin au pouvoir ». En milieu d’après-midi mercredi, le dirigeant n’était toujours pas réapparu en public.

Au total, plus de 280 militaires ont fait irruption dans le Parlement, selon Yonhap. Un total de 190 députés sur 300 ont quand même réussi à se réunir dans l’hémicycle, où des soldats des forces spéciales tentaient de pénétrer, et à voter à l’unanimité une motion réclamant la levée de la loi martiale. Devant le bâtiment, mis sous scellés dans la nuit, des manifestants ont clamé : « Arrêtez Yoon Suk Yeol ! », ont constaté des journalistes de l’AFP.

Des législateurs et des membres du Parti démocrate tiennent des pancartes sur lesquelles on peut lire « Yoon Suk Yeol devrait démissionner » lors d’un rassemblement à l’Assemblée nationale à Séoul, le 4 décembre 2024, (JUNG YEON-JE/AFP via Getty Images)

« Pourquoi est-ce qu’on a dû venir ici après avoir travaillé toute la journée, en pleine semaine ? », a crié un manifestant. « C’est à cause de cette loi martiale insensée décrétée par Yoon, qui est devenu fou », s’est écrié un autre protestataire, acclamé par des centaines de personnes.

Mercredi à l’aube, M. Yoon s’est finalement résolu à annoncer à la télévision la levée de la loi martiale et le retrait des troupes déployées dans la capitale, suscitant des cris de joie des manifestants.

La loi martiale avait été activée pour la dernière fois en 1980, quand des centaines de milliers de personnes avaient battu le pavé pour protester contre un coup d’État militaire. Ces manifestations avaient été réprimées dans le sang. Minée par les événements de la nuit, la Bourse de Séoul a terminé mercredi en baisse de 1,4%.

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