Un mois après la sortie progressive d’un confinement, nécessaire mais coûteux sur tous les plans, nous ne savons pas encore si l’épidémie de coronavirus est derrière nous. L’hypothèse d’une seconde vague reste dans le champ des possibles et il serait dangereux sur les plans sanitaire et économique de tout miser sur l’hypothèse que le virus va disparaître. Or la politique malthusienne de tests française laisse penser que c’est bien le pari que font les autorités. Avec le faible nombre de tests pratiqués aujourd’hui, nous ne sommes sans doute pas en mesure de prévenir rapidement un retour en force du virus dans les prochaines semaines ou à l’automne. Ce n’est pas la stratégie choisie par des pays comme l’Allemagne, l’Italie ou le Royaume-Uni.
Les chiffres montrent que l’épidémie de Covid-19 recule. Nous avons de quoi nous en réjouir et respirer. Faut-il néanmoins baisser la garde ? Depuis le 11 mai, on a comptabilisé en France 233 nouveaux clusters (hors familles et Ehpad) sans qu’une politique de tests ambitieuse ait été déployée. En effet, à la différence de l’Italie qui pratique plus de 50 000 tests par jour, le Royaume-Uni qui en fait 77 000, la France fait pâle figure avec ses 28 000 tests journaliers. Depuis le début de la crise, le manque de tests est patent, et le reste même après le déconfinement. Le dépistage n’est toujours pas considéré comme une priorité alors que les laboratoires de ville se sont mis en ordre de bataille en réalisant les investissements nécessaires pour faire 500 000 tests par semaine. Or ces capacités restent à ce jour en grande partie inutilisées.
Certains, comme le professeur Didier Raoult, pensent qu’il y a de bonnes chances qu’il n’y ait pas de seconde vague. Il a eu l’occasion de constater à plusieurs reprises que d’autres virus ont disparu du jour au lendemain, pour des raisons que l’on ne s’explique pas bien. Dans son ouvrage De l’ignorance et de l’aveuglement : pour une science postmoderne, il avance l’idée que les microbes qui se propagent beaucoup sont des virus qui se sont sur-spécialisés en perdant des gènes, ceux qui assurent leur régulation. Cela leur permet une propagation fulgurante mais les rend très fragiles, incapables de s’adapter à tout changement de leur écosystème. Il écrit : « Ainsi, la spécialisation peut donner un avantage immédiat (« effet d’aubaine ») mais déterminer une incapacité à s’adapter à des changements d’écosystème. Chez les microbes, nous avons pu montrer que certains des plus spécialisés (et des plus dangereux) sont virulents car « sur-adaptés », ayant perdu leur capacité de régulation et leurs gènes inutiles. Cela leur permet une plus grande rapidité et efficacité, mais, ayant perdu leur capacité d’adaptation à de nouveaux milieux, ils disparaissent en cas de changement d’environnement. » C’est une hypothèse qu’il est réconfortant de connaître. Elle permet de penser que, dans le cas du Covid-19, nous pourrions avoir de bonnes surprises.
La chance compte énormément, mais faut-il uniquement compter sur celle-ci alors que la crise qui a déjà causé la mort de près de 30 000 personnes coûterait en 2020 de l’ordre de 11 % du PIB, soit 4 000 euros par habitant ? N’est-il pas raisonnable d’adopter une attitude humble face à ce virus en considérant qu’il n’a peut-être pas dit son dernier mot et que, si tel est le cas, nous risquons de nouveau d’en faire les frais ? La France a inscrit le principe de précaution dans sa Constitution, mais elle ne l’applique que de façon naïve et contre-productive. En effet, ce principe est brandi à propos de substances bien connues comme la chloroquine, le bisphénol A, le glyphosate quand les alternatives ne semblent pas meilleures. On oublie de l’utiliser dans le cas des tests face à un virus nouveau, à propos duquel on continue d’apprendre tous les jours et pour lequel il n’y a encore ni vaccin ni traitement efficace unanimement reconnu à ce stade.
La politique française en matière de tests donne l’impression de ne pas avoir tiré quelques leçons essentielles des derniers mois. Après avoir promis de faire 700 000 tests par semaine à la sortie du confinement, nous en réalisons in fine moins de 200 000 par semaine. Nous continuons à faire l’économie d’une politique de prévention, qui serait pourtant le meilleur investissement sanitaire et économique à faire. Cela illustre, une fois encore, combien le cloisonnement entre les questions de santé et les questions économiques est délétère.
Comme l’écrivait le 20 avril dernier Patrick Lagadec, spécialiste de la gestion du risque, « on entend beaucoup opposer santé et économie. Bien sûr, dans la furie des premiers temps, on était en situation d’urgence sanitaire absolue. Mais que devient le problème après des semaines de confinement et d’anesthésie de l’activité économique et de la vie sociale ? On entend moins souligner qu’un effondrement de l’économie, de la finance et des activités sociales a aussi des impacts massifs sur la santé – physique et mentale –, immédiats et différés. Les discours, les experts sont trop souvent disjoints, chaque silo plaidant avec force à partir des exigences de son silo ». Il ajoute : « Comment piloter quand l’opposition santé-économie est devenue la logique imposée et rabâchée d’appréciation – comme si un effondrement de l’économie, une dislocation sociétale n’avaient aucun effet sanitaire ? »
Penser économie et santé, c’est notamment développer les tests qui sont des intermédiaires de confiance. Ils permettent de voir l’invisible à un prix très modique et d’isoler, de suivre et de traiter les personnes malades, tout en laissant les autres poursuivre leurs activités. Le ciblage dans l’isolement ou le confinement facilite l’organisation des soins, à court terme comme à long terme. Il évite dans un premier temps les congestions du système de santé. À plus long terme, il permet le bon fonctionnement de la société dans son ensemble, ce qui permet d’entretenir un système de santé efficace. Par ailleurs, les tests rassurent ceux qui ont des peurs, des doutes liés aux cas asymptomatiques, caractéristiques de la propagation du Covid-19. Quand on veut penser le bon fonctionnement de la société dans son ensemble face au virus, on se doit d’utiliser comme arme préventive les tests. Disponibles grâce aux investissements réalisés par les laboratoires privés de ville, ils devraient être un allié de taille dans la période actuelle.
Article de Cécile Philippe avec l’aimable autorisation de Institut économique Molinari
Cécile Philippe est présidente de l’Institut économique Molinari. Elle est auteur d’un grand nombre d’articles publiés dans des journaux aussi bien francophones qu’anglophones, Cécile Philippe intervient régulièrement à la radio et à la télévision sur des questions de politiques publiques. Elle est docteur en économie.
L’Institut économique Molinari (IEM) est un organisme de recherche et d’éducation. Il vise à entreprendre et à stimuler l’approche économique dans l’analyse des politiques publiques. Il a été baptisé du nom de Gustave de Molinari. Économiste et journaliste franco-belge, il a lui-même oeuvré toute sa vie à promouvoir cette approche.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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