Depuis l’annonce mardi 17 mars de la suspension des parloirs pour les quelque 70 000 détenus en France, qui s’ajoute à l’arrêt des activités, les tensions se multiplient dans les prisons.
« Il y a urgence »: des syndicats et associations pressent le gouvernement d’agir pour désengorger des prisons surpeuplées, en libérant « un maximum » de détenus, afin d’éviter une crise aussi bien sanitaire que sécuritaire.
La contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) Adeline Hazan a saisi dès mardi la ministre de la Justice Nicole Belloubet afin qu’elle prenne des « mesures immédiates et concrètes » pour réduire drastiquement la population pénale. La sécurité « n’est plus garantie » pour les détenus incarcérés dans les prisons les plus surpeuplées, où la promiscuité et l’insalubrité les placent « en situation de risque sanitaire élevé », a insisté Mme Hazan.
Diminuer la pression carcérale
« Il faut aujourd’hui permettre à un maximum de personnes de sortir immédiatement de ce vase clos », ont abondé dans un communiqué commun plusieurs organisations, dont l’Observatoire international des prisons (OIP), l’Association nationale des juges de l’application des peines (ANJAP) ou le Syndicat de la magistrature (SM).
« Il y a urgence à agir pour diminuer la pression carcérale et permettre l’application, dans les maisons d’arrêt, des consignes élémentaires et impératives d’hygiène et de distanciation sociale. Pas demain. Pas la semaine prochaine. Aujourd’hui », écrivent aussi de nombreux chercheurs, magistrats et avocats dans une tribune publiée jeudi soir par Le Monde.
Depuis l’annonce mardi de la suspension des parloirs pour les quelque 70 000 détenus en France, qui s’ajoute à l’arrêt des activités, les tensions se multiplient dans les prisons, faisant redouter un scénario à l’italienne, où des mutineries violentes ont fait plusieurs morts.
Afin d’apaiser le climat en détention, la garde des Sceaux a annoncé jeudi des mesures compensatoires : la gratuité de la télévision, un crédit téléphonique de 40 euros par mois et une aide financière pour les plus démunis.
« Multiplier les grâces individuelles »
La ministre a également demandé aux juridictions de « différer la mise à exécution des courtes peines d’emprisonnement », avec pour conséquence des entrées en prison quotidiennes moindres ces derniers jours : « une trentaine » contre « plus de 200 habituellement ». « Nous allons prendre des mesures pour limiter les courtes peines et pour soulager la détention. C’est évident que ça ne concernera pas les détenus dangereux », a affirmé Mme Belloubet au Sénat jeudi.
« Ça va dans le bon sens, mais c’est largement insuffisant », a réagi Adeline Hazan. « L’heure est grave. Il faut assurer l’encellulement individuel », principe posé dans la loi depuis 1875, a-t-elle rappelé. Pour qu’il devienne réalité, « la garde des Sceaux doit multiplier les grâces individuelles ou prendre une loi d’amnistie », a exhorté la CGLPL, comme l’ont aussi fait l’Observatoire international des prisons (OIP) et le Syndicat de la magistrature.
Suspension de peine pour les détenus âgés ou vulnérables
Si le virus du PCC (du Parti communiste chinois) n’a pour le moment fait qu’une victime parmi les détenus – un homme de 74 ans décédé lundi et qui était incarcéré à Fresnes (Val-de-Marne) – tous craignent les conséquences désastreuses d’une propagation de l’épidémie.
Dans un courrier adressé jeudi à Mme Belloubet, le Défenseur des droits Jacques Toubon l’a appelée à donner des « instructions » pour généraliser cette politique à l’ensemble des parquets et à requérir « le plus souvent possible » une suspension de peine pour les détenus âgés ou vulnérables.
Mais selon les syndicats et associations signataires de la tribune, pour réduire « significativement le nombre de personnes incarcérées en exécution de courtes peines ou qui se trouvent en fin de peine », le « recours massif à la grâce individuelle », après « analyse attentive de chaque situation », est le moyen juridique le « plus efficace, rapide et adapté à cette urgence sanitaire ».
« Nous attendons un geste de la garde des Sceaux »
« On est vraiment sur des dossiers où l’intérêt de maintenir la personne en détention un, deux ou trois mois, alors qu’elle peut être confinée chez elle, n’existe pas », assure une juge d’application des peines de la région parisienne.
« Il s’agit de donner un peu de souffle à l’Administration pénitentiaire qui est sur la brèche », explique Cécile Dangles, présidente de l’ANJAP. « Dans un contexte de crise sanitaire, nous attendons un geste de la garde des Sceaux ».
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