D’après Christophe Al-Saleh, un philosophe de l’Université Picardie-Jules Verne interrogé par France3-région : au regard de la grippe qui a tué plus de 8 000 personnes en France l’année dernière, et qui inquiète peu, le Coronavirus Covid-19 provoque « des réactions collectives disproportionnées ».
Face aux autres épidémies hivernales, comme la bronchiolite, la gastro-entérite aïgue, et surtout la grippe saisonnière, qui tue plusieurs milliers de personnes chaque année, le coronavirus Covid-19 attire tous les regards. Comment expliquer ce phénomène?
D’après Christophe Al-Saleh, un philosophe de l’Université Picardie-Jules Verne qui suit de près les comportements collectifs depuis l’arrivée du virus, plusieurs facteurs expliquent ces réactions « complètement disproportionnées par rapport à la dangerosité réelle du virus ».
Interrogé par France3-région, Christophe Al-Saleh explique, en premier lieu, qu’il s’agit d’une peur de l’inconnu : « D’abord, il y a eu l’indifférence complète, parce que c’était loin. C’était menaçant, mais loin. Puis il y a eu les réactions racistes, qui relèvent en fait d’un sentiment de peur déguisé. »
« La bascule s’est fait il y a une semaine, quand c’est vraiment arrivé en France. C’est là que la panique collective est arrivée. C’est lié à la peur de l’inconnu, parce qu’on ne connaît pas encore bien ce virus. […] La grippe, on la connaît, on la maîtrise, même si les gens ne se vaccinent pas, ça ne fait plus peur. C’est curieux, mais à partir du moment où le vaccin existe, même si on n’est pas vacciné, on se sent protégé. Ça relève de la pensée magique. »
Christophe Al-Saleh explique ensuite qu’une contagion émotionnelle s’est développée : « Mais la peur de l’inconnu n’explique pas tout. Le Covid-19 a réveillé des ‘réflexes archaïques’ liés à des événements traumatisants de l’histoire. Il y a dans la société une référence collective à des événements traumatisants où il y a eu un manque, des grandes épidémies, ou plus récemment la guerre. Des choses qui sont dans l’inconscient collectif mais auxquelles on n’est pas habitués. »
« C’est là qu’arrivent la peur de manquer, et la ruée vers les rayons pâtes et conserves des supermarchés. La peur se répand. Pourtant, il n’y a pas de catastrophisme dans les médias. Mais ça ressemble plutôt à une contagion émotionnelle. […] On n’est pas du tout dans le rationnel, c’est une épidémie de panique et d’irrationalité. Depuis le début de ce phénomène, je pense à la phrase d’un autre philosophe, Ludwig Wittgenstein, qui résume très bien la situation : la folie nous environne de toutes parts. »
À la suite de cela, Christophe Al-Saleh explique que cette peur de l’inconnu additionnée à la contagion émotionnelle ont entraîné un effet boule de neige : « Deux autres facteurs renforcent ces comportements irrationnels. Il y a l’incertitude. C’est un élément, on ne sait pas ce qui va se passer. […] Et le confinement aussi fait peur. On est dans une société de liberté, alors ne plus avoir la liberté de ses mouvements, c’est très angoissant. »
« La somme de tous ces éléments engendre ensuite des ‘comportements moutonniers’, on se dit que c’est idiot d’aller faire le plein de pâtes, mais quand on voit les rayons à moitié vides, on se dit que finalement, on devrait quand même en acheter nous aussi, et on crée la pénurie. »
Au final, bien qu’on puisse toujours philosopher sur le coronavirus et sa dangerosité, il est bien sûr préférable de ne pas céder à la panique.
Cependant, tout ceci révèle un point pour le moins intrigant. Quand on voit comment l’évolution de l’épidémie de coronavirus a été encadrée, même si on se dit que le Covid-19 « n’est pas très grave comme virus », qu’arriverait-il si cela avait été ou devenait plus grave ?
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