Sur les images de la caméra espion, le haut fonctionnaire du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône empoche 10.000 euros versés par un chef d’entreprise, en échange de marchés publics, à Marseille. Le procès pour corruption de 11 prévenus a débuté lundi.
« Ces images m’ont replongé dans un cauchemar, j’ai ressenti un énorme sentiment de honte », a commenté devant le tribunal correctionnel Renaud Chervet, 50 ans, ex-directeur de la gestion, de l’administration et de la comptabilité du Conseil départemental 13, jugé pour corruption, favoritisme, blanchiment et association de malfaiteurs, entre 2012 et 2016.
Sur l’enregistrement, à la lumière du plafonnier d’un véhicule, les liasses de billets passent d’une main à l’autre et les deux hommes scellent un accord.
« Sur le lot étanchéité, tu penses m’obtenir au moins un (NDLR: marché) ? », demande l’entrepreneur, en annonçant deux autres versements de 10.000 euros.
« Un, je t’en mets un de côté, sûr », lui répond le haut fonctionnaire territorial, accusé d’avoir monnayé des informations techniques et financières permettant à des entreprises de s’assurer des marchés publics du Conseil départemental.
Un « système de facilités »
Des centaines de milliers d’euros en liquide, des voyages lointains, des travaux à son domicile estimés à 120.000 euros, des véhicules haut de gamme, Renaud Chervet a reconnu « la quasi-totalité des faits »: « J’ai été ébloui par les repas, le strass, les cadeaux. À un niveau supérieur, on perd la tête ».
À l’époque, pourtant, cette collectivité territoriale était sous les feux de l’actualité, secouée par une autre enquête pour trucage de marchés publics qui allait aboutir à la condamnation de son président, le socialiste Jean-Noël Guérini: « Mais ça ne semblait pas viser les fonctionnaires », a répondu, penaud, Renaud Chervet au tribunal, évoquant un « système de facilités » dicté par l’amitié.
« Pour les marchés, on fait passer les amis plutôt que des inconnus. Et puis, 10.000 euros sur un marché d’un million… », a tenté de justifier le fonctionnaire.
À ses côtés, sur le banc des prévenus, huit chefs d’entreprise et l’épouse de l’un d’entre-eux, jugés pour avoir acheté l’influence de Renaud Chervet, chargé de présenter à la commission d’appels d’offres du département, le classement des entreprises qu’il avait lui-même réalisé.
Deux autres patrons ont déjà été condamnés, selon la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, avec une peine de trois ans de prison avec sursis probatoire, une amende de 65.000 euros et trois ans de privation des droits civils et civiques pour l’un d’eux.
Parmi ces huit hommes, Jean-Pascal Battista, 61 ans. C’est chez lui que la clef USB contenant la vidéo avait été retrouvée, lors d’une perquisition opérée dans le cadre d’une enquête sur un trafic de stupéfiants sur la Côte d’Azur mêlant la mafia calabraise N’Dranghetta.
« C’était une forme de gratification sociale »
Le onzième prévenu est Jérôme Disdier, un ingénieur ayant obtenu deux marchés d’assistance à maître d’ouvrage du conseil départemental, qui a joué le rôle de « fusible entremetteur » entre les entreprises et M. Chervet, comme il l’a reconnu lundi.
Questionné sur une forme de barème de la corruption, le prévenu a convenu que « Renaud Chervet fixait les sommes ». Mais, lui aussi a bénéficié de voyages, de travaux de peinture et de faux plafonds à son domicile.
« J’étais grisé, les entreprises me voyaient plus grand que je n’étais, c’était une forme de gratification sociale », s’est-il justifié. Au total, 340.000 euros destinés à Renaud Chervet auraient transité par son compte bancaire, restitués ensuite en liquide.
Sur les conversations téléphoniques entre les deux hommes, interceptées par les enquêteurs, Renaud Chervet se faisait pressant pour envoyer Jérôme Disdier « au magasin », un mot codé pour signifier les retraits en espèces à la banque.
Le conseil départemental et une entreprise, employeur d’un des prévenus, se sont constitués partie civile.
Ce procès devrait durer au moins une semaine, avec un réquisitoire prévu vendredi.
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