Leur nom rime avec corruption. L’ombre des frères Gupta, dont Rajesh et Atul ont été arrêtés lundi à Dubai avant une extradition attendue vers l’Afrique du Sud, apparaît dans la plupart des scandales qui ont forcé l’ancien président sud-africain Jacob Zuma à la démission en 2018.
Les Sud-Africains ont inventé un terme pour qualifier cette corruption massive, ils appellent cela de la « capture d’Etat ». Un scandale qui rythme la vie politique et médiatique du pays depuis plusieurs années.
L’histoire commence en 2013 avec l’atterrissage d’un avion transportant 200 convives sur une base militaire près de la capitale Pretoria, réservée aux chefs d’Etat et aux manœuvres militaires, pour un mariage de la famille Gupta.
Trio d’hommes d’affaires d’origine indienne
Les invités échappent à tous les contrôles d’immigration et profitent même d’une escorte policière jusqu’au lieu du mariage.
Au fil des révélations de presse, qui se succèdent à la manière d’un feuilleton sidérant, la proximité du trio d’hommes d’affaires d’origine indienne avec le président est petit à petit mise au jour.
Pressions pour l’attribution de contrats publics, influence sur le choix des ministres: fin 2016, un rapport accablant de la médiatrice de la République dévoile l’ampleur de leur emprise, précipitant la fin de règne de Jacob Zuma, poussé à la démission par l’ANC en 2018.
Ajay, Atul et Rajesh, aujourd’hui quinquagénaires, ont grandi dans une famille de classe moyenne à Saharanpur, dans le nord de l’Inde (Uttar Pradesh).
Devient une des familles les plus riches du pays
En 1993, un an avant l’élection à la présidence de Nelson Mandela, Atul s’envole vers Johannesburg, poussé par son père alors convaincu que l’Afrique du Sud allait devenir « la nouvelle Amérique », avait expliqué un porte-parole de la famille.
Il y sera rejoint par ses frères quelques années plus tard, notamment Ajay qui a suivi des études d’expert-comptable à New Delhi.
Si l’Afrique du Sud n’est pas forcément devenue l’eldorado imaginé par le patriarche Gupta, les frères ont réussi en moins de vingt ans à y bâtir un puissant conglomérat d’entreprises qui en a fait une des familles les plus riches du pays.
En 1994, ils créent Sahara Computers, entreprise informatique qui a employé jusqu’à 10.000 personnes, avant sa liquidation en 2018. Ils possédaient aussi des parts dans plusieurs mines, notamment d’uranium, et des médias progouvernementaux qui ont depuis disparu.
Leur luxueuse propriété de Johannesburg a été le théâtre de nombreuses fêtes et conciliabules avec des hommes politiques, révélées par la presse et lors des auditions de la commission d’enquête sur la corruption présidée depuis 2018 par le juge Raymond Zondo.
Jacob Zuma ne s’est jamais caché de son amitié avec la famille, qu’il a rencontrée au début des années 2000 avant son accession à la magistrature suprême, en 2009.
Un des fils du président, Duduzane Zuma, a dirigé Sahara Computers et siégeait au conseil d’administration de plusieurs mines du groupe.
70 transactions considérées « suspectes » d’entreprises détenues par les Gupta
En 2016, le vice-ministre des Finances Mcebisi Jonas a affirmé que les Gupta lui avaient proposé le portefeuille du Trésor.
Et le ministre des Finances de l’époque, Pravin Gordhan, a dévoilé plus de 70 transactions considérées comme « suspectes » d’entreprises détenues par les Gupta, pour un montant de 461 millions d’euros. Il sera limogé en mars 2017.
Un ancien haut responsable du géant public de l’électricité Eskom, Zola Tsotsi, a décrit devant une commission d’enquête parlementaire le pouvoir de la fratrie. « Tony (surnom de Rajesh Gupta) m’a dit un jour (…): +Nous sommes ceux qui vous ont mis en place, nous pouvons vous en faire partir+ ».
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