Mardi 22 mars, l’heure était au recueillement en Corse, sur fond d’appels au calme, au lendemain de la mort d’Yvan Colonna.
À travers la ville d’Ajaccio, les nombreux « Gloria à tè ! » ( « gloire à toi », ndrl) apparus dans la nuit sur les murs donnaient le ton de l’émotion suscitée par le décès, après trois semaines de coma du détenu corse le plus connu de France.
Violemment agressé par un codétenu, le 2 mars, à la maison centrale d’Arles dans les Bouches-du-Rhône, Yvan Colonna purgeait une peine de prison à perpétuité pour l’assassinat du préfet Claude Erignac, en 1998, à Ajaccio. Des faits qu’il a toujours niés.
Pour Gilles Simeoni, président autonomiste du Conseil exécutif de Corse, sur Twitter, la mort d’Yvan Colonna « est une injustice et une tragédie, qui vont marquer l’histoire contemporaine de la Corse ».
« Yvan martyr de la cause »
Dans les rues, peu acceptent de parler, par respect pour la famille. Mais l’émotion est là. Plusieurs centaines de jeunes –250 selon les autorités– ont manifesté dans le calme mardi matin à Ajaccio, en partant de leur lycée pour aller déposer des bougies et chanter devant la cathédrale. Sur la banderole de tête du cortège, qu’ils ont ensuite accrochée aux grilles de la préfecture, un seul message : « Yvan martiriu di à causa corsa » (Yvan martyr de la cause corse, ndrl).
La collectivité de Corse a mis ses drapeaux en berne « pour exprimer la tristesse collective ressentie (…) après la mort tragique d’Yvan Colonna » et l’Assemblée de Corse a annulé sa cession de jeudi pour respecter « le deuil de ses proches » en expliquant dans un communiqué que la Corse avait perdu « un fils patriote et soucieux de sa terre ».
« La Corse traverse une crise identitaire, et avec Yvan Colonna, elle a trouvé son incarnation, son martyr », confirme Dominique âgée de 60 ans : « Je redoute qu’après le deuil, ça éclate », poursuit cette Corse, revenue s’installer il y a une vingtaine d’années dans l’île.
En fin d’après-midi, d’autres rassemblements on eu lieu à Ajaccio, Bastia, Porto-Vecchio, Bonifacio ou Corte, où la faculté a été momentanément bloquée mardi matin par trois syndicats étudiants nationalistes.
À Ajaccio dans la soirée, quelques 300 personnes se sont réunies devant la cathédrale où un prêtre a dit une prière, une main posée sur un portrait d’Yvan Colonna avant que des chanteurs n’entonnent le « Dio vi salvi Régina », l’hymne corse. Une messe a ensuite été dite dans l’église.
Un appel « au calme »
L’agression d’Yvan Colonna par un codétenu radicalisé avait suscité la colère dans l’île, de nombreux Corses estimant qu’elle n’aurait pas eu lieu si le militant avait été transféré dans une prison insulaire, comme il le demandait de longue date.
Dans ce contexte tendu, le Président-candidat Emmanuel Macron a rappelé mardi sur France Bleu que « le plus important est que le calme se maintienne ». Un appel « au calme » partagé par Valérie Pécresse (droite) et l’écologiste Yannick Jadot, quand Eric Zemmour et Marine Le Pen ont eux critiqué le rôle de l’État dans cette affaire.
Mardi matin, le maire d’Ajaccio, Laurent Marcangelli, leader de l’opposition de droite dans l’île a lui aussi appelé à respecter le deuil de la famille, « comme elle le demande avec dignité et sobriété ».
Pierre Alessandri et Alain Ferrandi transférés « mi avril »
Pour tenter déjà d’apaiser la situation, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, avait passé trois jours sur l’île la semaine dernière, levant le tabou de discussions sur une possible autonomie de l’île.
« Toute la lumière sera faite », a insisté mardi le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal.
Dans un autre geste d’apaisement, le Premier ministre Jean Castex a annoncé le rapprochement « d’ici la mi-avril » dans la prison corse de Borgo de deux autres membres du « commando Erignac », Pierre Alessandri et Alain Ferrandi. Ils purgent actuellement leur peine à perpétuité à Poissy, en région parisienne.
Après l’Assemblée nationale de Catalogne ou le parti basque Sortu, qui avaient dès lundi apporté le soutien de ces deux régions à forte couleur nationaliste, c’est le FLNKS, partisan de l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie, et l’Union sociale des travailleurs kanaks, qui ont fait part de « leur total soutien et de ses sincères condoléances » aux militants indépendantistes corses et à la famille d’Yvan Colonna.
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