Selon le narratif dominant, le président Vladimir Poutine est le seul responsable de l’invasion russe en Ukraine.
L’invasion russe en Ukraine est une « agression russe injustifiée » contre un pays démocratique. Poutine est un « dictateur sanguinaire » qui veut ressusciter l’ex‑empire soviétique. Il pourrait même tenter d’assujettir d’autres pays européens pour atteindre cet objectif.
Pour donner un exemple, le tabloïd britannique, The Sun, compare Poutine à Hitler. Selon son éditorial, « il est primordial, comme en 1939, que les peuples libres de l’Occident viennent à bout de ce nouveau mal hideux, cet Hitler de notre temps ».
Cependant, une étude approfondie de la crise ukrainienne révèle les diverses facettes de l’histoire, là où les médias n’en présentent qu’une seule.
John Joseph Mearsheimer est titulaire de la chaire Roland Wendell Harrison de sciences politiques à l’université de Chicago. Depuis des années, il affirme que le comportement de la Russie à l’égard de l’Ukraine résulte principalement de l’« intervention occidentale ».
Pour John Mearsheimer, les États‑Unis, en insistant sur l’extension de l’OTAN vers l’est, « ont accru la probabilité d’une guerre entre les puissances dotées de l’arme nucléaire et ont préparé le terrain » pour que la Russie adopte une position agressive envers l’Ukraine.
En ce qui concerne l’Ukraine, avant le 22 février 2014, explique‑t‑il, personne n’envisageait l’expansion de l’OTAN et de l’UE comme des mesures visant à contenir la Russie et personne ne considérait sérieusement la Russie comme une menace.
John Mearsheimer poursuit en déclarant : « Cette crise majeure a éclaté, et nous avons dû attribuer des responsabilités, et bien sûr, nous ne pouvions pas nous blâmer nous‑mêmes. Nous avons blâmé les Russes. Nous avons donc inventé cette histoire pour affirmer que la Russie cherchait à agresser l’Europe de l’Est. Poutine veut créer une grande Russie, ou peut‑être même recréer l’Union soviétique. »
Par conséquent, il convient de vérifier ce qui est arrivé à l’Ukraine en 2014 – un coup d’État soutenu par le gouvernement américain, plus précisément par l’administration Obama.
Avec la victoire du candidat pro‑russe, Victor Ianoukovitch, aux élections présidentielles ukrainiennes de 2010, le Parlement ukrainien choisissait, la même année, d’abandonner ses aspirations d’adhésion à l’OTAN (pdf).
Cependant, le président Ianoukovitch, dirigeant démocratiquement élu, a été arbitrairement et inconstitutionnellement démis de ses fonctions en février 2014.
Avant ce coup d’État, en décembre 2013, le regretté sénateur John McCain, alors une des principales voix républicaines en matière de politique étrangère américaine, déclarait aux dirigeants de l’opposition ukrainienne qui campaient sur la place principale de Kiev : « L’Ukraine rendra l’Europe meilleure et l’Europe rendra l’Ukraine meilleure… Et le destin que vous recherchez se trouve en Europe. »
Pour comprendre pourquoi la destitution du président Ianoukovitch était anticonstitutionnelle, il faut prendre en compte certains faits concernant la Constitution ukrainienne.
La Constitution ukrainienne énumère quatre circonstances permettant à un président élu de cesser d’exercer le pouvoir avant la fin de son mandat : la retraite, l’incapacité d’exercer ses pouvoirs pour des raisons de santé, la destitution par la procédure de mise en accusation et le décès.
La procédure de destitution est définie par l’article 111, qui exige que le Parlement ukrainien crée une commission d’enquête spéciale temporaire chargée de formuler des accusations contre le président, de rechercher des preuves pour justifier ces accusations et de parvenir à des conclusions sur la culpabilité du président.
Avant le vote final de la mise en accusation, ce processus exige également que la Cour constitutionnelle du pays examine le cas et certifie que la procédure a été correctement suivie. Enfin, la Cour suprême ukrainienne doit certifier que les actes reprochés au président méritent la mise en accusation.
En dernier lieu, la destitution d’un président élu doit être approuvée par au moins trois quarts des membres du Parlement.
Le 22 février 2014, ce processus de destitution n’a pas du tout été suivi. Aucun comité d’enquête n’a été formé, aucun tribunal n’a été impliqué dans la destitution du président. Au lieu de cela, un projet de loi a été adopté à la hâte par le Parlement pour démettre le président Ianoukovitch de ses fonctions, alors que cette mesure ne bénéficiait pas même du soutien des trois quarts des membres du Parlement.
À cette occasion, Poutine a ergoté sur le fait qu’il s’agissait d’un renversement anticonstitutionnel d’un président démocratiquement élu. Il l’a qualifié de « coup d’État » et a remis en question la légitimité du processus lors de sa conférence de presse tenue le 4 mars 2014.
« La procédure de destitution doit faire intervenir la Cour constitutionnelle, la Cour suprême et la Rada (le parlement monocaméral de l’Ukraine). C’est une procédure compliquée et longue. Cette procédure n’a pas été mise en œuvre. Par conséquent, d’un point de vue juridique, le fait [que la destitution de Ianoukovitch est inconstitutionnelle] est incontestable », a déclaré Poutine.
Lorsque ce « coup d’État » du Parlement ukrainien a permis d’expulser le président élu du pays, le président des États‑Unis de l’époque, Barrack Obama, a trompé la communauté internationale en cachant la mise en place d’un gouvernement pro‑occidental chez « le voisin le plus névralgique et politiquement divisé de la Russie ».
Peu après la mise en place du nouveau gouvernement, ce dernier s’est déclaré incapable de contrôler la réaction populaire à ce coup d’État dans l’est du pays. Le gouvernement américain a alors commodément accusé la Russie de déstabiliser l’Ukraine, cherchant ainsi à faire de la Russie un « État paria ».
Depuis, l’Ukraine n’a jamais été en mesure de constituer un gouvernement fonctionnel.
La Russie a riposté quasi immédiatement en annexant la Crimée, en mars 2014, mais à l’issue d’un référendum populaire qui n’a pas été reconnu par les États‑Unis et leurs alliés occidentaux.
Les Criméens, qui parlent principalement le russe, ont voté à une écrasante majorité pour rejoindre la Fédération de Russie.
Écrivant pour l’American Conservative, l’expert en politique étrangère Dominick Sansone explique :
« L’entrée en Crimée est une réponse à la nécessité de protéger les intérêts navals clés de la Russie dans le port de Sébastopol, situé dans les mers chaudes. Les soulèvements qui ont coïncidé dans le Donbass ont également été une réponse à la situation de Kiev… Par la suite, le Kremlin a adopté la position officielle suivante : ces citoyens d’origine russe ne devraient pas être contraints de vivre sous la domination d’un groupe rebelle illégitime qui a pris le pouvoir de manière illégale en renversant un gouvernement dûment élu. »
En réalité, l’expansion de l’OTAN vers l’est a déclenché la crise ukrainienne actuelle, principalement en raison de la tentative de Washington d’attirer l’Ukraine et sa structure de défense de manière décisive dans son orbite en créant une association explicitement anti‑Moscou et en soutenant un gouvernement notoirement corrompu.
Les autorités russes pensent que cette situation constitue une « menace directe » pour la sécurité nationale et elles se sont amèrement opposées à l’engagement de l’OTAN depuis le milieu des années 1990. En outre, ce sont les Russes, et non les Américains et leurs alliés, « qui décident en dernier ressort de ce qui constitue une menace pour eux » (pdf).
Dans ce contexte périlleux, s’adressant aux journalistes à Adélaïde, le 24 février, le premier ministre australien, Scott Morrison, a déclaré : « Nous devrions prendre toutes les mesures possibles et veiller à ce que la Russie paie un prix au sein de la communauté internationale pour les actes violents et agressifs que constitue l’invasion de l’Ukraine. »
Interrogé sur ce qu’il pensait du président russe, Scott Morrison a répondu : « Je l’appelle un voyou. »
Ce type de langage est imprudent et belliqueux. Avec 46 millions d’habitants et un vaste territoire riche en ressources naturelles, l’Ukraine est de loin le plus grand et le plus imposant des États qui ont quitté la Fédération de Russie en 1991.
Par‑dessus tout, le premier ministre australien a nié que les actions de Poutine puissent être « motivées par des préoccupations légitimes de sécurité ».
Selon Seumas Milne, journaliste britannique et ancien directeur exécutif de la stratégie et de la communication du parti travailliste :
« Aucun gouvernement russe n’aurait pu consentir à une telle menace en provenance d’un territoire qui était au cœur de la Russie et de l’Union soviétique. L’absorption de la Crimée par Poutine et son soutien à la rébellion dans l’est de l’Ukraine sont clairement défensifs, et la ligne rouge est désormais tracée : l’est de l’Ukraine, au moins, ne sera pas avalé par l’OTAN ou l’UE. »
Commentant la situation actuelle en Ukraine, Bill Roggio, un collaborateur expérimenté de la Foundation for Defense of Democracy et rédacteur en chef du Long War Journal de cet organisme, déclare que :
« Poutine semble vouloir prendre l’Ukraine intacte… La nature spécifique de l’assaut russe est en contradiction avec les spéculations affirmant que Poutine a perdu le contrôle de ses sens. Personne ne peut en être sûr, mais les actions de Poutine semblent être celles d’un adversaire froid et calculateur. Le fait de rejeter sa décision d’envahir l’Ukraine comme une forme de folie est en fait une excuse pour ignorer les motivations probables et les actions futures de Poutine. »
Les Russes avaient déjà été sérieusement humiliés par la décision de l’OTAN d’élargir l’Alliance aux anciens pays du Pacte de Varsovie. Et maintenant, ils sentent que l’OTAN se rapproche dangereusement de leur frontière en faisant de facto de l’un de leurs plus formidables ex‑États un membre de l’alliance militaire américaine.
Les Russes ne peuvent manifestement plus tolérer les mesures expansionnistes de l’OTAN.
Les conséquences du coup d’État anticonstitutionnel survenu en 2014 doivent être imputées, au moins en partie, à l’invasion militaire désastreuse de l’Ukraine par la Russie.
Augusto Zimmermann est professeur et responsable du droit à l’Institut d’enseignement supérieur Sheridan à Perth. Il est également président de la Western Australian (WA) Legal Theory Association et a été membre de la commission de réforme du droit de WA de 2012 à 2017. M. Zimmermann est professeur auxiliaire à l’université de Notre‑Dame d’Australie et a coécrit plusieurs ouvrages, dont « Covid‑19 Restrictions & Mandatory Vaccination – A Rule‑of‑Law Perspective » [Covid‑19 Restrictions et vaccination obligatoire – perspective fondée sur l’État de droit, ndt.] (Tribunal de Connor).
Gabriël A. Moens AM est professeur émérite de droit à l’Université du Queensland, et a été vice‑chancelier et doyen de l’Université Murdoch. En 2003, il a reçu l’Australian Centenary Medal des mains du premier ministre pour services rendus à l’éducation. Il a enseigné de manière intensive en Australie, en Asie, en Europe et aux États‑Unis. M. Moens a récemment publié deux romans : « A Twisted Choice » [Un choix déformé, ndt.] (Boolarong Press, 2020) et « The Coincidence » [La coïncidence, ndt.] (Connor Court Publishing, 2021).
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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