Aung San Suu Kyi et le Président Win Myint sont détenus par l’armée, selon la Ligue nationale pour la démocratie (LND). L’état d’urgence a été déclaré pour un an.
Ce lundi 1er février, Aung Sann Suu Kyi, la cheffe de facto du gouvernement civil et prix Nobel de la paix, a été arrêtée tôt dans la matinée ainsi que le président de la République, Win Myint et d’autres responsables du parti. « Nous avons entendu dire qu’ils étaient détenus à Naypyidaw », la capitale du pays, a précisé le porte-parole de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), Myo Nyunt.
L’armée s’est ensuite emparée de l’hôtel de ville de Rangoun, la capitale économique du pays, et l’accès à son aéroport international était bloqué par des militaires. Les télécommunications, portables et internet, étaient gravement perturbées, a relevé l’ONG spécialisée Netblocks.
La dirigeante birmane Aung San Suu Kyi et d’autres hauts responsables du parti au pouvoir ont été arrêté·e·s lors d’une série de raids menés par l’armée birmane, qui a proclamé l’État d’urgence pour un an. “Un coup d’État” dénoncé par de nombreux pays. #Birmanie pic.twitter.com/lKCE8SE7FJ
— AJ+ français (@ajplusfrancais) February 1, 2021
Ce putsch a été immédiatement condamné par plusieurs capitales étrangères. Les militaires l’estiment nécessaire pour préserver la « stabilité » de l’État. Ils accusent la commission électorale de ne pas avoir remédié aux « énormes irrégularités » qui ont eu lieu, selon eux, lors des législatives de novembre, remportées massivement par la LND, le parti d’Aung San Suu Kyi au pouvoir depuis les élections de 2015.
Alors que les rumeurs de coup d’État se renforçaient ces derniers jours, Aung San Suu Kyi avait laissé un message à la population, diffusé ce lundi par le président de la LND sur les réseaux sociaux, dans lequel elle exhorte les Birmans à « ne pas accepter » ce putsch.
L’armée tente « de replonger le pays sous la dictature militaire en négligeant la pandémie de coronavirus » qui frappe de plein fouet la Birmanie, a-t-elle écrit, d’après cette déclaration, demandant à la population de « réagir à l’unanimité ».
Réactions internationales
Les États-Unis et l’Australie ont rapidement réagi, appelant à la libération immédiate des dirigeants de la LND et au rétablissement de la démocratie. Les États-Unis « prendront des mesures contre les responsables », a averti la porte-parole de la Maison Blanche, Jen Psaki, dans un communiqué. « Nous appelons les militaires à respecter l’état de droit », a fait valoir de son côté la ministre australienne des Affaires étrangères, Marise Payne.
Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a quant à lui « condamné fermement (…) des développements qui portent un coup dur aux réformes démocratiques ». Une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU sur la Birmanie prévue de longue date pourrait être avancée en début de semaine en raison des derniers développements, a indiqué un diplomate sous couvert d’anonymat.
Un président par intérim
Ce coup d’État intervient alors que le Parlement issu des dernières législatives devait entamer sa première session ce lundi. La Birmanie est sortie il y a tout juste 10 ans d’un régime militaire au pouvoir pendant presque un demi-siècle. Les deux derniers coups d’État depuis l’indépendance du pays en 1948, remontent à 1962 et 1988.
Les militaires dénonçaient depuis plusieurs semaines plus d’une dizaine de millions de cas de fraudes lors des législatives de novembre. Ils exigeaient que la commission électorale dirigée par le gouvernement publie la liste des électeurs à des fins de vérification – ce qu’elle n’a pas fait. Les craintes s’étaient encore renforcées quand le chef de l’armée, le général Min Aung Hlaing – sans doute l’homme le plus puissant du pays – avait déclaré que la constitution pouvait être « révoquée » dans certaines circonstances.
Selon un communiqué de l’armée, Min Aung Hlaing concentre désormais les pouvoirs « législatif, administratif et judiciaire », tandis qu’un autre général, Myint Swe, a été désigné président par intérim, un poste largement honorifique.
Relation « compliquée »
Le parti d’Aung San Suu Kyi, très critiquée à l’international pour sa gestion de la crise des musulmans rohingyas (des centaines de milliers d’entre eux ont ont fui en 2017 les exactions de l’armée et se sont réfugiés au Bangladesh voisin) mais toujours adulée par une majorité de la population, avait remporté une victoire écrasante en novembre.
Il s’agissait des deuxièmes élections générales depuis 2011, année de la dissolution de la junte.
En 2015, la LND avait obtenu une large majorité et avait été contrainte à un délicat partage du pouvoir avec l’armée qui contrôle trois ministères clés (l’Intérieur, la Défense et les Frontières).
« La relation entre le gouvernement et les militaires était compliquée », souligne Hervé Lemahieu, spécialiste auprès de l’institut Lowy en Australie. « Ce régime hybride, pas tout à fait autocratique ni tout à fait démocratique, s’est effondré sous le poids de ses propres contradictions ».
Longtemps exilée en Angleterre, Aung San Suu Kyi, aujourd’hui âgée de 75 ans, est rentrée en Birmanie en 1988, devenant la figure de l’opposition face à la dictature militaire. Elle a passé 15 ans en résidence surveillée avant d’être libérée par l’armée en 2010.
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