Créée en 1998 par le Traité de Rome, la Cour Pénale Internationale (CPI) est devenue en une quinzaine d’années la bête noire de certains dirigeants africains. Cette cour justice internationale fait de plus en plus débat au sein de la société civile africaine. Une controverse qui pourrait entacher la légitimité et la capacité d’action de la CPI si le mouvement de retrait enclenché par certains États venait à s’amplifier.
Alors qu’un nouveau millénaire était sur le point de s’ouvrir, 120 États décident en 1998 d’adopter le statut de Rome qui crée la CPI, une institution permanente basée à La Haye (Pays-Bas) et chargée de traduire en justice les criminels les plus en vue qui auraient échappé aux tribunaux de leur propre pays. La mission est noble, mais elle est devenue l’objet de critiques récurrentes au fil du temps. La première d’entre elles est l’intérêt presque exclusif de la CPI pour des personnalités africaines. En effet, depuis son entrée en fonction en 2002, la Cour a lancé une trentaine de mandats contre des individus, tous Africains. Tous les jugements (dont seulement deux ont abouti à des condamnations) ont été portés contre des Africains. Cette particularité fait dire aux critiques de la CPI que cette institution judiciaire s’est muée en procureur de la vie politique africaine.
Aux sources d’un tropisme africain
Cette impression se retrouve dans beaucoup de médias du continent africain, mais aussi chez certains dirigeants. En juin 2017, le président guinéen Alpha Condé a publiquement fait part de ses doutes vis-à-vis de la CPI. « Nous ne voulons pas l’impunité, mais nous ne voulons pas d’un tribunal à La Haye qui est un tribunal seulement pour les Africains ». Une position assez largement partagée sur le continent comme l’ont mis en lumière « les entretiens de Brazzaville » le 5 juin dernier. Intitulé « l’Afrique et la CPI : aux sources du malaise » le colloque était organisé par le Cabinet Eminence de Steve Loemba et rassemblait les personnalités incontournables de la vie politique et économique africaine pour débattre de ce sujet.
Le ministre de la Justice de la République démocratique du Congo, Alexis Thambwe Mwamba a exprimé son inquiétude face à la trajectoire prise par la CPI : « Nous sommes profondément choqués de voir que les mêmes faits qui ont été reprochés aux Africains sont accentués sous d’autres cieux alors qu’ils auraient dû faire l’objet des procès au niveau de la CPI ». Si la critique est semblable à bien des élites africaines, le ministre a toutefois souligné que l’activité de la Cour est aussi liée au fait que les justices nationales africaines ne fonctionnent pas toujours au mieux. Les autres continents sont-ils exempts de tout reproche? Évidemment non, mais au moment de la mise en place de la CPI, 34 pays africains avaient rejoint l’organisation. Une représentation importante, qui a eu mécaniquement un impact sur le nombre d’enquêtes effectuées sur le continent. Une situation qui pourrait bientôt changer si les États africains tournent le dos à une Cour qui désormais inspire la méfiance.
Des retraits qui menacent l’avenir de la CPI
Depuis le début de l’année 2016, plusieurs pays africains ont fait part de leur volonté de se retirer de la CPI : le Burundi, l’Afrique du Sud et la Gambie. Tous ces pays estiment officiellement que le continent africain est trop durement traité par la Cour Pénale Internationale. Plusieurs pays pourraient leur emboîter le pas dans les prochains mois : le Kenya, la Namibie, l’Ouganda, la Tanzanie…
Il faut savoir qu’en se désengageant de la CPI, certains dirigeants africains se donnent une bouffée d’oxygène et tentent d’échapper à la justice. Paradoxal, quand on sait que lors de sa création, la CPI eu beaucoup de succès en Afrique précisément parce que bon nombre de chefs d’Etat voyaient cette nouvelle institution comme un moyen de se débarrasser de leur propre opposition.
L’hémorragie, si elle devait se confirmer, affaiblirait une CPI qui se tourne désormais un peu plus vers des théâtres non africains. Récemment, des examens préliminaires ont été ouverts dans des pays aussi différents que l’Ukraine, l’Irak ou la Colombie. La première enquête en dehors du continent africain a démarré en 2016 en Ossétie du Sud où les soldats russes et géorgiens se sont affrontés en 2008. Des avancées sur d’autres continents qui n’ont pas l’air de calmer les esprits en Afrique.
Consultant en géopolitique et relations internationales, possédant une forte expertise Afrique, Philippe Escande intervient essentiellement dans ce périmètre, où il aide les entreprises internationales à acquérir une vision à la fois globale et précise de leur environnement-métier, ainsi qu’à mesurer les risques sur le patrimoine humain et économique.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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