La bonne vieille chaudière au gaz, déjà progressivement interdite dans le neuf, est-elle condamnée à disparaître ? La question préoccupe la filière mais aussi des élus, le bâtiment et le monde agricole qui investit dans le gaz vert et redoute une montée du tout-électrique.
Après des questions écrites de deux sénateurs, c’était au tour mardi d’un autre parlementaire, le député centriste Paul Molac, de s’inquiéter et de forcer le gouvernement à dévoiler ses intentions.
« Aujourd’hui, le bannissement du gaz ne concerne que le neuf, mais qu’en sera-t-il demain ? », a demandé l’élu du Morbihan à l’Assemblée nationale, lors de la séance de questions au gouvernement. « La filière s’inquiète, les discussions au plus haut niveau laissent à penser que leur renouvellement pourrait être interdit lors du renouvellement dans les bâtiments anciens », a-t-il ajouté, alors qu’en toute hypothèse, les prochaines générations se chaufferont moins au gaz qu’aujourd’hui.
« Pour remplacer l’ensemble des chaudières à gaz, il faudrait produire une quantité d’électricité équivalente à neuf EPR », explique @Paul_Molac.#DirectAN #QDActu pic.twitter.com/Jl6mk2ToNX
— LCP (@LCP) April 11, 2023
Une baisse de consommation du gaz de chauffage : entre 43 et 85% d’ici 2050
Réduire la consommation de gaz de chauffage a pour but de réduire la dépendance de la France au gaz fossile nocif pour la planète et acheté à l’étranger à prix d’or. La baisse pourrait atteindre entre 43 et 85% d’ici 2050, selon des scénarios examinés par la Commission de régulation de l’énergie (CRE).
« De nombreux agriculteurs ont investi dans la méthanisation, donc dans la production de gaz vert directement injecté dans les réseaux », a rappelé le député Molac, en demandant à savoir si à terme, le gaz vert ou biogaz sera « purement et simplement abandonné ». « Il n’y a pas à ce jour d’objectif d’interdiction de la production de chauffage et de l’eau chaude sanitaire dans le logement ancien », lui a répondu le ministre délégué à la Ville et au Logement Olivier Klein. Un ton affirmatif, mais en apparence seulement : « C’est un travail que nous devons mener collectivement avec l’ensemble des acteurs et des fournisseurs pour être équilibré, mais en nous tenant à l’objectif de décarbonation qui est le nôtre », a-t-il ajouté.
Selon plusieurs sources concordantes, une « concertation » entre les ministères impliqués et les acteurs du bâtiment et de l’énergie doit s’ouvrir prochainement. Depuis le 1er janvier 2022, la réglementation interdit les solutions de chauffage exclusivement au gaz dans les maisons neuves. L’interdiction s’imposera aux logements collectifs en 2025, date à laquelle seules des solutions hybrides électricité-gaz seront autorisées.
Une marche forcée vers le tout électrique qui inquiète
« Ce qui m’inquiète, c’est que si on veut se passer du gaz, nous ne sommes pas capables de produire toute l’électricité dont on va avoir besoin dans les prochaines années, vu le temps qu’il faut pour construire des réacteurs nucléaires et des champs de production d’énergies renouvelables », estime à l’AFP le sénateur centriste breton Michel Canévet, mettant en garde contre « une décision prise à l’emporte-pièce ». Son collègue écologiste au Sénat Daniel Salmon a lui aussi écrit en mars au gouvernement, redoutant, dit-il à l’AFP, « une marche forcée vers le tout électrique, et le tout nucléaire ».
Dans le monde du gaz, la crainte d’une possible interdiction des chaudières à gaz est réelle. D’autant que la sortie du gaz est loin d’être une science-fiction. La ville de Zurich en Suisse y est parvenue moyennant une planification et des compensations aux propriétaires.
Une transformation verte du secteur prometteuse
Depuis des plusieurs mois, le secteur se mobilise et insiste sur sa transformation verte, balbutiante mais prometteuse. Seuls 2% du gaz consommé en France (450 TWh en 2022) est issu d’une production locale renouvelable par des méthaniseurs digérant des déchets agricoles, des boues d’épuration et peut-être un jour des biodéchets collectés auprès des ménages. Mais dès 2030, on passerait à 20%, « autrement dit après-demain », s’exclamait ainsi avant Noël Laurence Poirier-Dietz, la directrice générale de GRDF, l’entreprise de transport de gaz. « Ce serait une erreur majeure de sortir tout le chauffage au gaz des bâtiments car cela augmenterait les besoins en électricité, notamment au moment des pointes » de la journée (le matin et le soir), a-t-elle insisté.
Aujourd’hui, 12 millions de foyers sont chauffés au gaz en France. La filière assure avoir des solutions immédiates et de long terme : chaudière à très haute performance énergétique, pompes à chaleur hybride et un potentiel de production de gaz vert suffisant pour couvrir tous nos besoins en 2050.
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