Le dernier appel d’offres au Royaume-Uni pour l’attribution de nouveaux champs éoliens offshore s’est soldé par un échec, signe de la crise de ce secteur pourtant considéré comme crucial pour la politique de transition énergétique de Londres.
Dans un communiqué daté du 8 septembre, le ministère britannique de l’Énergie s’est félicité d’un « record de projets d’énergies propres qui se sont vu allouer des fonds publics », avant d’annoncer au public une nouvelle importante portant sur le front de l’éolien : le gouvernement Rishi Sunak n’était pas parvenu à attribuer de nouveaux permis pour faire bâtir des champs offshores dans son dernier appel d’offre, faute de candidats.
Le ministre britannique de l’Énergie Graham Stuart assure cependant que de tels résultats se sont aussi produits lors d’appels d’offres similaires en Allemagne ou en Espagne, « conséquence de la flambée mondiale de l’inflation et de l’impact sur la chaine d’approvisionnement ».
Une crise liée aux coûts de production
Le gouvernement fixe un prix plafond, connu sous le nom de prix d’exercice administratif, exprimé en valeur nominale de 2012. Les entreprises soumettent des offres concurrentielles pour produire de l’électricité à des prix inférieurs à ce seuil, et les contrats sont généralement attribués à des tarifs beaucoup plus avantageux. Cette année, cependant, la vente aux enchères a donné lieu à aucune offre.
« Le principal problème était que le prix maximum auquel vous pouviez faire une offre était très, très bas », pointe Ana Musat, dirigeante de l’association commerciale RenewableUK. En effet, la garantie a été fixée à 44 £ (51 euros) par MWh (soit environ 70 euros en monnaie d’aujourd’hui), bien en deçà du prix de gros en vigueur, qui est d’environ 93 euros par MWh. Les énergéticiens affirment que ce plafond est actuellement insuffisant pour rendre ces projets rentables.
Signe de la crise qui s’est abattue sur un secteur où le Royaume-Uni fait pourtant figure de leader en Europe : le groupe suédois d’électricité Vattenfall avait mis en juillet un coup d’arrêt au vaste projet offshore de Norfolk Boreas, à l’est de l’Angleterre, arguant de « conditions extrêmement difficiles à l’heure actuelle ».
« La poursuite de ce projet n’a tout simplement pas de sens », a déclaré Anna Borg, directrice générale de Vattenfall. « Non seulement la hausse de l’inflation et des coûts d’investissement affecte l’ensemble du secteur de l’énergie, mais aussi la situation géopolitique a rendu l’éolien en mer et sa chaîne d’approvisionnement particulièrement vulnérables. »
Selon les estimations de l’énergéticien suédois, le coût de production avait augmenté de 40%, exerçant une « pression significative sur tous les nouveaux projets d’éoliennes en mer ». Un constat partagé par le leader mondial Orsted – à l’instar de son patron Mads Nipper qui avait enfoncé le clou sur X (ex-Twitter), louant une « courageuse décision » de son concurrent. Monsieur Nipper espère ainsi qu’elle « fera réaliser aux gouvernements que les ambitions offshores ne se réaliseront qu’avec des cadres d’appels d’offres sains et des prix réalistes ».
Le prix de plafond fixé par Downing Street dans son dernier appel d’offre concernant l’éolien offshore n’était probablement pas suffisamment « réaliste » pour attirer les énergéticiens en proie par ailleurs pour nombre d’entre eux à des difficultés financières. Orsted a annoncé fin août qu’il devait déprécier jusqu’à 2,1 milliards d’euros d’actif au milieu « une crise » sans précédent du secteur. Et pour cause : la flambée à la fois des coûts de production, des taux d’intérêt et le prix.
D’après l’AFP, son concurrent suédois Vattenfall avait eu lui aussi une année 2022 difficile avec un bénéfice proche de zéro, et une lourde perte au dernier trimestre, du fait d’importantes dépréciations d’actifs liées à la crise énergétique en Europe. Une autre star dans l’éolien, l’allemand Siemens Energy a également déclaré une perte nette record de « 2,9 milliards » pour le troisième trimestre de 2023.
La colère de Greenpeace
Aucune de ces sociétés n’a pour autant critiqué le choix du prix de plafond du gouvernement britannique lors de son dernier appel d’offre afin d’attribuer de nouveaux permis de construction d’éoliens offshores. Mais celui-ci est fortement politisé et contesté par Greenpeace. « L’échec de l’appel d’offres sur les renouvelables est le pire désastre pour l’énergie propre depuis au moins une décennie et met en danger les objectifs de décarbonation britanniques », fustige l’ONG écologiste. « Cela rend le Royaume-Uni plus dépendant d’énergies fossiles importées et chères », ajoute-t-elle, appelant à une réforme rapide du système d’appel d’offres.
L’ONG Greenpeace avait recouvert début août la demeure privée du Premier ministre britannique d’une énorme bâche « noire pétrole » pour dénoncer « une nouvelle frénésie de forage ». L’ire des écologistes résultait de la promesse du gouvernement du conservateur Rishi Sunak faite fin de juillet d’attribuer « des centaines » de nouvelles licences d’exploration et exploitation d’hydrocarbures en mer du nord.
« Tout soutien du gouvernement aux hydrocarbures a un impact négatif sur la transition énergétique », insiste Erik Dalhuijsen, cocréateur d’Aberdeen Climate Action, interrogé par l’AFP en marge de la conférence Offshore Europe. « Lancer de nouveaux champs pétroliers ce n’est pas très cohérent avec la neutralité carbone », renchérit Jean Boucher, membre d’Extinction Rebellion à Aberdeen, et sociologue de l’environnement.
L’objectif « net zéro carbone » en 2050 s’éloigne de plus en plus
Pour ces écologistes, de la pléthore de nouveaux permis d’exploration pétrolière et gazière à la crise de l’éolien offshore, la promesse de neutralité carbone du Royaume-Uni voit son horizon s’assombrir. Selon M. Dalhuijsen, l’objectif de neutralité carbone en 2050 est toujours théoriquement atteignable, « mais c’est de plus en plus difficile. Il faut faire baisser les émissions de CO2 et chaque année qui passe, cela devient deux fois plus difficile ou presque .»
« Parmi les huit économies les plus développées, le Royaume-Uni est en passe d’avoir la plus faible croissance de génération d’électricité à bas carbone d’ici 2030 », soit 2,9% par an, constate une étude récente menée par Oxford Economics pour le compte de l’organisation sectorielle Energy UK. C’est moins que la France (3,1%), le Japon (3,2%), l’Allemagne (5,8%), les États-Unis (6,4%), la Chine (7,2%) et l’Inde (10,6%).
L’étude attribue ce ralentissement à un manque d’investissement comparé notamment aux États-Unis, qui ont voté il y a un an l’« Inflation Reduction Act », promettant 370 milliards de dollars injectés dans la transition énergétique, notamment pour la fabrication de batteries pour voitures électriques ou les panneaux solaires.
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