La cheffe de l’Etat conservatrice sortante en Croatie affrontera un ancien Premier ministre de centre gauche au second tour de la présidentielle après avoir franchi de justesse la première étape et perdu des électeurs au profit d’un chanteur populiste de droite.
Alors que la Croatie prend au début de l’année les rênes de l’Union européenne, elle devra attendre le second tour prévu pour le 5 janvier afin de connaître le nom de son prochain président aux fonctions surtout honorifiques.
Le premier tour dimanche révèle la montée en puissance de la droite dure dans un pays qui fait face à la pression de migrants à ses frontières et est confronté comme ses voisins balkaniques à un exode massif de ses habitants ainsi qu’à une corruption endémique.
Avec plus de 29% des voix selon les résultats officiels après comptage des suffrages dans 98% des bureaux de vote, l’ancien Premier ministre social-démocrate Zoran Milanovic arrive en tête du scrutin.
Progression de la droite en Croatie
Mais selon les analystes, ce premier tour révèle surtout la progression de la droite en Croatie même si celle-ci est divisée.
La présidente sortante Kolinda Grabar-Kitarovic a obtenu 26,7% des suffrages.
En troisième position arrive Miroslav Skoro (24,4%), 57 ans, un artiste devenu populaire dans les années 1990 avec des titres à teneur patriotique.
Il a promis de déployer l’armée à la frontière pour empêcher les migrants originaires du Moyen-Orient, d’Afrique ou d’Asie de passer en provenance de la Bosnie. Il a également dit vouloir gracier un homme condamné pour crimes de guerre contre des civils serbes pendant le conflit de 1991-1995.
Mme Grabar-Kitarovic, 51 ans, soutenue par le HDZ (centre droit) qui domine la vie politique depuis l’indépendance en 1991, était pourtant partie en campagne avec une confortable avance.
Reconquérir l’électorat perdu
Mais malgré ses tentatives de séduction de l’aile nationaliste de son parti, celle-ci semble lui avoir préféré l’outsider.
Elle devra désormais tenter de reconquérir cet électorat perdu. Les opérations de séduction avaient déjà commencé dimanche soir, le vice-président du HDZ Tomislav Brkic félicitant Miroslav Skoro pour des résultats « qui doivent être salués et respectés ».
Une défaite de Mme Grabar-Kitarivic à la présidence compliquerait en tout cas les chances du HDZ et du Premier ministre modéré Andrej Plenkovic aux élections législatives devant se dérouler en 2020.
« La division de la droite est bien plus profonde que ce qu’indiquaient les sondages », constate l’analyste Tihomir Cipek. « La droite radicale montre sa force, nous verrons si la situation se répétera aux législatives ».
La gauche rallié autour de la candidature de M. Milanovic
L’électorat de gauche semble s’être rallié autour de la candidature de M. Milanovic, un ancien diplomate de 53 ans épargné par les soupçons de corruption pesant sur bon nombre de membres de la classe politique. Il s’est engagé à faire de la Croatie un « pays normal » avec une justice indépendante, qui respecte les minorités.
Si ses partisans saluent sa détermination, ses contempteurs dénoncent son arrogance. Son gouvernement (2011-2016) avait déçu car il n’avait pas su mettre fin à la corruption ambiante ni développer l’économie.
La Croatie assumera la présidence tournante de l’UE pour un mandat de six mois qui verra sans doute le Royaume-Uni quitter l’Union et des pays des Balkans occidentaux frapper à sa porte.
Le pays un aimant pour les touristes mais les habitants s’en vont
Ce pays, dont les côtes sont baignées par l’Adriatique, est un aimant pour les touristes mais ses habitants s’en vont, un phénomène qui s’est accéléré après son adhésion à l’UE en 2013.
Les émigrés partent chercher une vie meilleure ailleurs en Europe mais invoquent aussi la corruption et le clientélisme ou la piètre qualité des services publics.
Depuis 2013, 190.000 personnes sont parties selon les statistiques officielles, mais les spécialistes estiment qu’en réalité 300.000 habitants manquent à l’appel.
Parallèlement, le taux de natalité est faible, ce qui fait dire aux experts que la Croatie est au bord d’un « effondrement démographique ».
L’économie, fortement dépendante du tourisme, manque de bras et compte sur des migrants en provenance de pays comme la Bosnie, la Serbie et le Kosovo pour fonctionner.
Mais les nombreux défis auxquels est confrontée la Croatie, un des Etats les plus pauvres de l’UE, ont rarement été abordés au cours de la campagne électorale.
Sara Tokic, une vendeuse de 30 ans, regrette ainsi que « les intérêts des candidats et de leurs partis prennent le pas sur les intérêts du peuple et du pays ».
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