«Les pirates ont gagné», «cyber-djihadisme, la guerre invisible»… les commentaires après l’interruption de TV5 Monde la semaine dernière avaient un air d’après 11 septembre, comme si dans les rédactions tout un monde de sécurité s’écroulait. «Entrer ainsi dans la place, c’est nous dire que rien n’est impossible», tremble Bernard Stephan dans le journal La Montagne.
Marque du traumatisme induit par ces quelques heures d’arrêt des programmes, le déplacement de Fleur Pellerin et Bernard Cazeneuve au siège de TV5 Monde, tous deux le visage sombre et la voix grave. Des accents à la Churchill dans les mots du ministre de l’Intérieur face à «des terroristes déterminés», et l’annonce de la mobilisation des services de l’Etat, opportunément avant le début d’examen le 13 avril d’une nouvelle loi sur le renseignement.
Autre marque, lors de la reprise des programmes de la petite chaîne francophone, la gravité du journaliste Mohamed Kaci, le visage de TV5 Monde au Moyen-Orient: il ouvre son édition avec un «TV5 Monde touchée au cœur, mais TV5 Monde avec vous» et évoque la «consternation en France».
Avec un peu de recul pourtant, avons-nous réellement vécu un événement majeur? TV5 Monde, c’est certes 55 millions de spectateurs dans le monde, mais quasiment aucun en France. La chaîne des expatriés et de la marque France auprès des francophones n’est réellement significative que dans le paysage audiovisuel maghrébin et africain, et ne fait pas beaucoup mieux qu’acte de présence ailleurs. Qu’elle soit ciblée par une attaque informatique d’un groupuscule se disant proche de Daesh n’est donc peut-être pas tant un message adressé aux Français qu’une propagande à destination des populations du Maghreb et du Moyen-Orient. Les deux hackers à l’origine de l’attaque seraient d’ailleurs localisés en Irak et en Algérie, où Daesh tente activement de recruter des troupes nouvelles.
Terrorisme? Notre quotidien est fait de sites Internet en maintenance ou victimes d’une attaque crapuleuse et qui doivent s’arrêter le temps de réparer les dégâts. Des réseaux sociaux dont les mots de passe d’utilisateur sont volés, des pages d’accueil remplacées… grand calme dans ces moments, car on imagine alors un post-ado grassouillet avec sa queue de cheval, son T-Shirt gras et ses gros écouteurs qui a simplement voulu se montrer doué derrière son clavier. Avec l’attaque contre TV5 Monde, on imagine par contre – insistons sur le verbe, on imagine – un grand barbu à l’œil noir, kalachnikov en bandoulière et couteau entre les dents.
La dramatisation de l’événement TV5 par la presse française est une aide généreuse offerte aux terroristes: ceux-ci veulent créer la peur et mènent en Occident avant tout une guerre psychologique. Si Daesh décapite en scénarisant à outrance, ou fait exécuter un espion supposé par un enfant, c’est parce que cela impressionne, parce que cela fait fermer les volets et les portes à clé chez Monsieur tout-le-monde. Tout vise à faire ressortir le petit homme craintif en nous, à le faire plier. En touchant ce qui nous est proche, il joue avec ce grand biais qui nous fait trouver un événement mineur au pied de notre immeuble plus important que les grands qui ont lieu ailleurs. En occupant l’espace médiatique, Daesh et autres veulent surtout occuper nos esprits, nous obliger à ne voir qu’eux. Mais les vrais événements sont ailleurs.
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