« Danger critique » : les manchots du Cap auront disparu à l’état sauvage d’ici 10 ans en Afrique du Sud

Par Epoch Times avec AFP
18 novembre 2024 15:30 Mis à jour: 18 novembre 2024 15:37

Attraper un pingouin prend à peu près deux minutes à Mashudu Mashau, qui traque les blessures ou maladies signalées chez ces oiseaux de mer si attachants, désormais en danger « critique » d’extinction sur la péninsule du Cap. 

« Je prends mon temps. Je me baisse, parfois même je rampe, pour ne pas sembler menaçant », explique à l’AFP cet employé de la ville portuaire et touristique à la pointe sud de l’Afrique. Avec un collègue, « quand on est proches, on vise la tête et on la tient pour sécuriser » le manchot.

Parfois, les pingouins noirs et blancs à l’âge adulte, plumes marron ébouriffées quand ils sont encore adolescents, se dandinent jusqu’à la route au-dessus de la plage et là, l’affaire se complique. « On en a eu un aujourd’hui… Il passait d’un côté d’une voiture garée à l’autre, l’enfer. On a fini par l’immobiliser », souffle cet homme de 41 ans, qui a consacré les huit dernières années à protéger l’espèce.

Capturés et délicatement placés dans une boîte en carton, ils sont envoyés dans un dispensaire spécialisé où ils sont soignés avant d’être relâchés. Mais les défenseurs de la nature craignent que leurs efforts ne suffisent pas à enrayer le déclin du manchot du Cap, classé en octobre parmi les espèces en « danger critique » d’extinction par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

« Pas d’environnement sain »

« On peut se donner corps et âme. Mais s’il n’existe pas d’environnement sain pour eux, c’est presque vain », souligne le vétérinaire David Roberts, du centre de soins géré par la Fondation d’Afrique australe pour la conservation des oiseaux côtiers (SANCCOB).

Un membre du personnel déplace un manchot africain dans l’un des bassins du centre de sauvetage des oiseaux de mer de la SANCCOB à Tableview, près du Cap, le 3 novembre 2024. (RODGER BOSCH/AFP via Getty Images)

Il reste moins de 10.000 couples reproducteurs en Afrique australe, principalement en Afrique du Sud, contre 42.500 en 1991, et leur extinction à l’état sauvage est prévue d’ici 2035. Les facteurs sont nombreux : manque de nourriture, perturbations accrues, maladies ou marées noires.

Pour Allison Kock, biologiste marin des parcs nationaux, la plus grande menace est liée à leur alimentation : « S’ils sont affamés », notamment de sardines ou d’anchois, « ils ont tendance à abandonner leurs efforts de reproduction ». En conséquence, les autorités ont imposé une interdiction de la pêche commerciale autour de six colonies de manchots pour dix ans dès janvier.

Mais SANCCOB, ainsi que BirdLife, une autre ONG environnementale, ont porté plainte contre le gouvernement, arguant que les zones interdites à la pêche ne sont pas assez vastes. « Idéalement, on voudrait qu’il y ait plus de poissons dans l’océan, mais ça, nous n’y pouvons rien. Donc nous demandons de limiter la concurrence directe pour les poissons restants entre les pêcheries industrielles et les pingouins », explique à l’AFP Katta Ludynia, responsable recherche à la SANCCOB.

Pour l’association de pêche pélagique sud-africaine, « la pêche industrielle a un impact » limité par rapport à d’autres facteurs, notamment environnementaux, comme « l’abondance fluctuante » des sardines et anchois qui les nourrissent.

Perturbés par les touristes

Une audience est prévue en mars mais un accord à l’amiable pourrait être trouvé avant, espère le nouveau ministre de l’Environnement. D’autres initiatives contribuent aux efforts pour sauver le manchot du Cap, notamment des nids artificiels pour augmenter le taux de reproduction.

Des visiteurs observent des manchots africains depuis une terrasse d’observation de la colonie de manchots de Boulders. (RODGER BOSCH/AFP via Getty Images)

Leur nouveau statut de menace « critique » d’extinction peut aider mais aussi nuire : elle devrait se traduire par davantage de financements pour les protéger… Mais aussi plus de touristes, qui souvent les perturbent. « Les manchots sont très sensibles » et les gens se rapprochent dangereusement, parfois « avec leurs perches à selfies », souligne Arne Purves, qui travaille à la conservation côtière de la ville.

Le tourisme est un secteur vital pour l’Afrique du Sud et les manchots du Cap ont rapporté des dizaines de millions de dollars au pays l’an dernier, selon une étude récente. Pour les défenseurs de première ligne, comme Mashudu Mashau, ce coup de projecteur est bienvenu. « Ces dernières années, il n’y en avait que pour les rhinocéros », menacés par le braconnage, note-t-il, espérant « le même respect et la même assistance ».

Car l’urgence n’est pas juste de sauver les pingouins maladroits sur terre et à la nage si gracieuse, mais tout un écosystème dont les humains font partie. Si « les manchots se portent bien, nous en profitons aussi ».

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