Traductions de latin, « carte mentale » des étapes d’un recrutement, révisions de biochimie… Au « campus connecté » de Romans-sur-Isère (Drôme), il y autant d’étudiants que de formations à distance, et l’espoir commun de décrocher le Graal : un diplôme de l’enseignement supérieur.
À 21 ans, Lola Mion suit une formation en ligne de « gestion de petite et moyenne structure » après avoir échoué en histoire de l’art à la fac de Montpellier. « J’ai adoré la ville mais je me suis sentie noyée dans la masse des 20.000 étudiants », raconte la jeune femme, rouge à lèvres rouge et pull rose vif, qui souffre « de phobie scolaire ».
À ses côtés, Maëva Troupel, 18 ans, sort d’une année de terminale « mouvementée », marquée par des problèmes de santé. Elle a aussi opté pour une formation à distance, en anglais, dans les locaux du campus. « Je n’avais plus de motivation et je n’avais aucune idée de ce que je voulais faire ni où je voulais aller », confie la Romanaise.
Des territoires éloignés des principaux bassins de formation
Ouvert en 2019, ce tiers-lieu racheté par la mairie dans le centre-ville de Romans, 32.000 habitants, accueille une trentaine de bureaux équipés d’ordinateurs, une cuisine et un espace collectif doté de poufs. Près des ordinateurs, les étudiants affichent, selon leurs envies, des photos de chat ou le tableau périodique des éléments chimiques. « Pourquoi commencer demain ce que tu peux faire aujourd’hui ? », lit-on sur un mur.
Ravi de visiter ce beau campus connecté de Romans-sur-Isere. Merci au porteur @VilleDeRomans pic.twitter.com/Ftyq4U7s56
— Pierre Beust (@pierrebeust) February 28, 2023
Cette année, 28 étudiants sont inscrits au campus, tous en formation à distance et rattachés administrativement à l’université de Grenoble. « On a voulu rapprocher la formation des territoires, là où le taux de décrochage post-bac était particulièrement important », explique Pierre Beust, chef de projet « campus connectés ». « Un étudiant vivant en Ardèche, éloigné des principaux bassins de formation de l’enseignement supérieur, peut suivre une formation à Paris 8 grâce au campus », explicite-t-il.
Certains sont en reconversion. En BTS diététique après avoir dirigé un centre d’orthopédie, Céline Fayard, 37 ans, voulait une formation aux horaires souples et géographiquement proche pour continuer à s’occuper de ses deux enfants.
Un accompagnement personnalisé
Trois ans après leur lancement, 87 lieux portés par des collectivités sont labellisés « campus connectés » et accueillent 1049 étudiants. Ils sont financés en partie par l’État, pendant cinq ans, sur une enveloppe de 25 millions d’euros. À Romans, la maire Marie-Hélène Thoraval (DVD) a d’abord souhaité « lutter contre le décrochage post-bac ». « Bien souvent, les jeunes bacheliers décrochent parce qu’ils ont fait un choix d’études par défaut, généralement en fonction de la proximité de l’université », indique l’élue.
Pour favoriser la réussite, chaque étudiant bénéficie d’un accompagnement personnalisé. « Je les vois tous les quinze jours pour parler méthodologie et planification des apprentissages. Plein de facteurs peuvent influencer la motivation, notamment les petites déprimes », souligne Avril Treille, responsable pédagogique. Car si l’enseignement à distance est « beaucoup plus interactif qu’avant », selon elle, loin du polycopié mis en ligne, il manque toujours « un accompagnement transversal, avec quelqu’un qui suit l’étudiant de A à Z ».
La vie collective compte aussi beaucoup. « Nous ne sommes ni un cybercafé ni un lieu de coworking où l’on ne fait que passer », prévient Michaële Groshans, coordinatrice. Des assemblées permettent aux étudiants d’échanger, et des ateliers (méthodologie, orientation, désinformation, fresque du climat, gym…) sont organisés régulièrement.
L’éloignement géographique mais aussi social
Malgré un bon taux de diplômés du supérieur chez les 25-34 ans, il existe encore des « inégalités territoriales d’accès à l’enseignement supérieur », relevait la Cour des comptes dans un rapport paru en janvier. En cause notamment, l’éloignement géographique, avec « un taux de diplômés qui diminue à mesure que l’on s’éloigne des grandes villes », mais aussi l’origine sociale, qui reste « la cause principale des inégalités ». Outre le frein psychologique, de multiples facteurs peuvent empêcher un étudiant de suivre l’enseignement d’une université classique : frein financier, raisons de santé, contraintes familiales ou peur de quitter ses parents.
Dans son rapport, la Cour juge pourtant le succès des campus connectés « mitigé ». Interrogé, le ministère de l’Enseignement supérieur rappelle la nouveauté du dispositif et le contexte de création en pleine pandémie de coronavirus. « Il y a une aujourd’hui vraie réflexion autour de l’organisation territoriale de l’enseignement supérieur. On est sorti des années 2000 où le maître mot était la métropolisation et où il fallait regrouper les grands centres universitaires dans les métropoles », assure-t-on dans l’entourage de la ministre.
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