Dans l’ex-bassin minier français, la nostalgie des descendants d’immigrés polonais

Par Epochtimes.fr avec AFP
4 octobre 2019 13:45 Mis à jour: 4 octobre 2019 14:19

A l’évocation de ses parents et grands-parents disparus, Hélène Molinski ne peut retenir ses larmes. Nostalgique de son enfance, elle revient vivre le temps d’un restaurant, dans l’ex-bassin minier du Nord de la France, l’ambiance des repas de famille de la diaspora polonaise venue extraire le charbon après la Première guerre mondiale.

« C’est mon père qui nous a appris à danser la polka, la valse, on venait tous les ans à Pâques chez mes grands-parents, la fête commençait au petit déjeuner, jusqu’au soir », raconte cette retraitée accompagnée de son époux et de son fils.

Une atmosphère de repas familiaux du dimanche et de mariage, où chacun sortait son instrument de musique, que Vincent Vignacourt a voulu recréer en ouvrant à Lens son restaurant, « Comme chez Babcia » (grand-mère, en polonais).

« Un lieu où l’on peut faire la fête et voyager le temps d’un repas », pour combler « un manque » après la mort en 2013 de ses grands-parents issus de l’immigration polonaise.

-Arrivée de 500.000 Polonais entre 1919 et 1930-

La Première guerre mondiale ayant décimé sa population (1,4 millions de morts et 4,2 millions de blessés, pour 40 millions d’habitants), la France a signé une convention d’immigration avec Varsovie, qui a permis l’arrivée de 500.000 Polonais entre 1919 et le début des années 1930.

Environ 200.000 d’entre eux se sont installés dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, dévasté par les troupes allemandes en retraite.

« Ils y représenteront jusqu’à 45% de la population de certaines communes », rappelle Virginie Malolepszy, directrice des archives du Centre historique minier de Lewarde (Nord).

« La Pologne vient alors de retrouver son indépendance mais le pays connaît une grande pauvreté, en raison notamment d’une surpopulation agricole, ce qui encourage les départs », souligne-t-elle.

Chez Babcia, deux cheffes polonaises cuisinent « comme à la maison » des plats « d’antan », des « kluski », pain, viande roulée farcie et choux rouge et des « bigos »  choux, choucroutes et viandes fumées. On boit tout type de vodka, et surtout on danse et on chante.

« Comme tous les gens de mon âge, on allait manger polonais chez nos grands-parents, ici on vient retrouver ce qu’on a connu chez eux », raconte le patron, 36 ans, ancien commerçant de prêt-à-porter, un T-shirt Polska rouge sur le dos. « Je me suis dit qu’il n’y avait pas de lieu où on pouvait retrouver ça: toute cette génération de babcia soit sont trop âgées, soit ne sont plus là ».

En hommage, des dizaines de clients ont tapissé le mur de l’entrée d’une multitude de photographies de leur mamie, en couleur, sépia ou noir et blanc.

-Le bassin minier ne s’est jamais remis de la fermeture des mines-

Derrière le comptoir, une myriade de souvenirs kitsch à vendre, ramenés de Pologne; posés ça et là dans la salle, des poupées russes et des costumes traditionnels, donnant un air de restaurant des montagnes de Zakopane, selon son gérant.

Une nostalgie alimentée par les difficultés économiques de la région. Le bassin minier ne s’est jamais vraiment remis de la fermeture progressive des mines, qui s’est achevée en 1990. Le chômage y est très fort, l’extrême droite y est régulièrement plébiscitée.

Tandis que les serveurs passent de table en table avec un chariot débordant de pâtisseries, le groupe Adamiac, avec contrebasse, bandonéon et violon, enchaîne les airs folkloriques.

« Ça me prend toujours aux tripes quand j’entends la musique polonaise », s’enthousiasme Aline Malenski, âgée de 76 ans. « Ça nous rappelle notre jeunesse », complète tout sourire Wanola Jandoszek, se rappelant les bals d’antan.

Christian Antkowiak, la cinquantaine, n’a plus de parents en Pologne, qu’il n’a jamais visitée. « C’est ça qui me manque un peu. J’essaie de retrouver un peu de mon sang ici », confie ce petits-fils d’immigrés.

« La nostalgie que j’ai, c’est de ne pas avoir appris le polonais, avec mes parents on aurait pu garder un peu de ça, et d’avoir oublié mes racines », ajoute-t-il.

Un peu plus loin, un petit garçon, entouré de sa grand-mère et de ses parents, semble plus intéressé par sa tablette que par les musiciens. Mais son père Olivier n’est pas inquiet: « Il se rappellera de ses origines en vieillissant ».

 

 

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