Dans une Asie en mal d’infrastructures, le dilemme des « Routes de la Soie »

13 octobre 2018 13:20 Mis à jour: 13 octobre 2018 13:23

Les « Routes de la soie », titanesque programme chinois d’investissements eurasiatiques, aggravent l’endettement des pays concernés mais répondent à de colossaux besoins d’infrastructures en Asie et profiteront au commerce mondial, estime  la Banque mondiale, en dépit des récents déboires du Pakistan. Lancé en 2013 par le président chinois Xi Jinping et associant 70 pays, l’ambitieux programme de ports, autoroutes et liaisons ferroviaires entre l’Asie et l’Europe s’intensifie à coups de milliards de dollars de prêts accordés par Pékin… renforçant son influence sur des pays déjà endettés.

Mais la Banque mondiale a balayé controverses et inquiétudes samedi durant sa réunion annuelle dans l’île indonésienne de Bali.Caroline Freund, directrice macroéconomique de l’institution, reconnaît « d’épineux défis », entre les « risques environnementaux, les appels d’offre problématiques, et la soutenabilité de la dette générée ». Mais, martèle-t-elle, la Chine investit là où les besoins sont criants, et « les opportunités sont énormes: l’amélioration des infrastructures transnationales, des coûts de transport réduits, une croissance accrue, le développement de régions isolées ».

La Banque mondiale estime que les infrastructures des « Routes de la Soie » pourraient réduire le temps d’acheminement des marchandises de jusqu’à 12% dans les régions bénéficiaires et sabreront le coût des échanges, entraînant un bond de 3,6% du commerce pour les pays concernés, et de 2,4% pour l’ensemble du globe. Jihad Azour, directeur du Fonds monétaire international (FMI) pour l’Asie centrale et le Moyen-Orient, présent à Bali, partage cet optimisme.

« Plusieurs pays, particulièrement en Asie centrale et dans le Caucase, en ont bénéficié pour améliorer leur commerce interrégional » et « la région profitera  d’une intégration accrue », observe-t-il. Il n’en appelle pas moins à « la transparence des appels d’offre » et à maintenir un endettement « soutenable ». En cinq ans, les investissements directs cumulés de la Chine dans les pays concernés dépassent 60 milliards de dollars… quitte à faire dérailler les pays financièrement vulnérables.

Selon le centre de réflexion Center for Global Development, les Routes de la Soie accroissent « significativement » les risques de décrochage de huit pays très endettés, dont la Mongolie, le Laos, les Maldives ou le Pakistan. « Mais la plupart des pays des Routes de la Soie jouissent plutôt d’une bonne santé financière », tempère David Dollar, ex-économiste de la Banque mondiale. « De graves inquiétudes ne concernent qu’un nombre restreint d’Etats ».

Parmi eux, le Pakistan: signataire d’un projet de liaison titanesque de 54 milliards de dollars entre la Chine et le port de Gwadar, le pays est au bord de l’insolvabilité, et son gouvernement a annoncé cette semaine solliciter un prêt d’urgence auprès du FMI. Le relèvement des taux américains n’arrange rien, en gonflant le coût d’une dette libellée en dollars.  Autre cas emblématique: le Sri Lanka, incapable d’honorer ses créances, a dû céder à Pékin le contrôle d’un port en eau profonde.

Tandis que la Malaisie a annulé trois projets chinois, dont une ligne ferroviaire à 20 milliards de dollars, arguant ne pas pouvoir les financer. « Nous respectons la décision malaisienne, liée à la situation du pays », a commenté samedi à Bali Zou Jiayi, vice-ministre chinoise des Finances, assurant que « la Chine accorde beaucoup d’importance » à la solidité financière de ses partenaires. « Nous devons être efficaces en termes de coûts, en conformité avec les règles du marché. Ce sont des projets commerciaux, ce n’est pas une aide publique ni un plan Marshall! », a-t-elle martelé.

Des « Routes de la Soie » soumises aux forces du marché? Si un récent rapport du Trésor français salue la contribution de Pékin à des « régions déficitaires » en infrastructures, il s’inquiète vivement de projets verrouillés par les seules entreprises chinoises. « En témoigne la rareté (3,4%) des projets financés par la Chine et attribués à des entreprises étrangères », souligne ce rapport, rappelant aussi qu’au Pakistan, 91% des revenus générés sur les 40 prochaines années par le port de Gwadar bénéficieront… à Pékin.

Les chantiers sont d’ailleurs souvent assurés par des ouvriers venus de Chine.« C’est une solution pour minimiser les coûts, même si nous pourrions effectivement encourager les entreprises à mieux utiliser la main-d’oeuvre locale », justifie Mme Zou. Enfin reste le mirage d’« éléphants blancs », projets structurellement déficitaires ou inutiles. « Les routes de la Soie ne doivent conduire que là où c’est nécessaire », avait grincé en avril la patronne du FMI Christine Lagarde.

D.C avec AFP

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