« Il a fait parler à un seul instrument le langage de l’infini. »
C’est en ces termes que la romancière et baronne Amantine Aurore Dudevant évoque le pianiste Frédéric Chopin dans son autobiographie Histoire de ma vie. Plus connue sous son nom de plume, George Sand, elle avait fait des observations perspicaces et prémonitoires sur son ancien amant, décédé plusieurs années avant la publication de son livre. « Il a souvent su condenser en dix lignes qu’un enfant aurait pu jouer des poèmes d’une immense élévation, des rêves d’une émotion inégalée. »
Une valse du maître polonais récemment découverte montre que son œuvre « sublime » et « profondément émouvante » est toujours capable de provoquer des ondes de choc dans la communauté musicale. Il s’agit de la première nouvelle pièce attribuée à Chopin depuis près de 100 ans, et de nombreux enregistrements ont été réalisés dans le court laps de temps qui s’est écoulé depuis que cette information a été rendue publique.
Mais Chopin l’a-t-il vraiment écrite ?
Une découverte rare
Robinson McClellan, conservateur à la Morgan Library and Museum de New York, était en train de classer des documents dans une chambre forte au début de l’année. C’est alors qu’il est tombé sur un obscur morceau de musique. Connu uniquement sous le nom d’article no 147, ce petit morceau de papier de 10 x 12 cm portait un nom en haut : « Chopin ».
« Cela ne peut pas être ce que je pense », a dit M. McClellan à NPR (National Public Radio), en réfléchissant à sa découverte.
Il y a quelques raisons de douter de l’authenticité du manuscrit. Si le nom de Chopin y figure, il s’agit d’une addition ultérieure. Le compositeur lui-même n’a pas dédicacé la pièce, comme il le faisait souvent lorsqu’il offrait ses compositions à des amis. Il y a également quelques erreurs de notation, qui peuvent être attribuées à la précipitation, à l’inexpérience de la jeunesse ou à un copiste différent ayant un style d’écriture similaire au sien. La façon particulière dont Chopin écrit une clé de sol, par exemple, est similaire à celle de son ami et exécuteur musical Julian Fontana.
M. McClellan a contacté un expert, Jeffrey Kallberg, spécialiste de Chopin à l’université de Pennsylvanie. M. Kallberg a authentifié non seulement l’écriture de Chopin, mais aussi le type d’encre qu’il a utilisé. La musique elle-même « était étonnante », a-t-il dit à NPR.
Combien de valses cela fait-il ?
On sait que Chopin a écrit d’autres valses qui ont été perdues ou détruites, peut-être deux fois plus de partitions qu’il n’en existe aujourd’hui. On lui attribue entre 17 et 19 valses, un nombre qui varie légèrement en raison des différences dans les critères utilisés pour authentifier ses œuvres.
La valse en la mineur porte donc ce nombre à 20. La valse no 19 est également en la mineur, ce qui est déroutant. Lorsque cette nouvelle valse sera cataloguée, elle sera probablement connue par son numéro d’opus.
Plus déroutant encore, elle ne sera peut-être pas connue sous le nom de Valse no 20. Il existe déjà une Valse no 20 en fa dièse mineur attribuée à Chopin, qui est aujourd’hui considérée comme inauthentique (un chercheur a récemment découvert qu’il s’agissait simplement d’une version abrégée d’une autre pièce écrite par Charles Mayer, contemporain prussien de Chopin).
Brève mais unique
Quels que soient le nom et le numéro qui lui seront finalement attribués, cette nouvelle valse en la mineur possède plusieurs caractéristiques uniques.
Tout d’abord, c’est la plus courte de ses valses. Elle compte 24 mesures, mais n’est répétée dans son intégralité qu’une seule fois et prend environ une minute à jouer. Bien que la Morgan Library and Museum ait déclaré qu’il s’agissait d’une « pièce complète » démontrant une « rigueur », tout le monde n’est pas convaincu.
Artur Szklener, directeur de l’Institut Frédéric Chopin de Varsovie, en Pologne, pense que la seule section de la valse indique qu’elle a pu être inachevée – une idée musicale que le compositeur avait l’intention de développer, mais qu’il a ensuite abandonnée.
La valse a un « début chaotique », a souligné M. Kallberg, « avec une sorte de tempête » qui n’est pas typique des autres valses de Chopin. Si la mélodie et l’arrangement du thème principal sont résolument « chopinesques », les accords dissonants du début vont crescendo jusqu’à un triple forte, ou fortissimo, une dynamique que l’on ne retrouve pas dans les autres valses de Chopin. Cela a conduit M. Kallberg et d’autres spécialistes à supposer que la Valse en la mineur était une pièce expérimentale que Chopin a écrite au début des années 1830, alors qu’il avait une vingtaine d’années.
Chopin, la star des réseaux sociaux
« Il n’était pas connu de la foule et il ne l’est pas encore », écrit George Sand dans son autobiographie, parlant de la réputation de Chopin au XIXe siècle. « Il faudra que l’appréciation de l’art progresse pour que ses œuvres deviennent populaires. »
George Sand était convaincue qu’un jour viendrait « où le monde entier connaîtrait » le « vaste » génie de Chopin. Et c’est ce qui s’est passé.
Depuis que la nouvelle de sa découverte a été annoncée la dernière semaine d’octobre, cette nouvelle et brève pièce a reçu un accueil enthousiaste de la part de la communauté musicale. À l’ère du numérique, où les nouvelles circulent instantanément, une multitude d’interprétations ont déjà été enregistrées. Des musiciens professionnels aux YouTubers comme Lord Vinheteiro, tous sont impatients de publier leur version sur les médias sociaux.
Nombre de ces vidéos ont accumulé des dizaines de milliers de vues en l’espace de quelques jours seulement. C’est un phénomène que le solitaire Chopin, qui préférait donner de rares concerts dans des lieux intimes, aurait difficilement pu imaginer.
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.