Des dauphins entraînés par la Navy pour sauver les marsouins du Pacifique

28 janvier 2017 07:55 Mis à jour: 30 janvier 2017 10:19

Depuis plus d’un demi-siècle, les dauphins aident la Navy à repérer des mines ou des ennemis sous l’eau. Pour la première fois, ils contribueront à sauver un autre mammifère marin, le marsouin du Pacifique, plus connu sous le nom de vaquita marina (« vachette des mers » en espagnol). Parmi tous les cétacés en voie d’extinction, c’est le plus en danger.

Ce ne sera pas facile. Ce projet n’aurait probablement jamais vu le jour sans une rencontre entre Frances Gulland et Sam Ridgway, deux spécialistes des mammifères marins, de renommée mondiale. La Dre Gulland est le principal chercheur du Centre des mammifères marins de Sausolito, en Californie, Sam Ridgway le président de la National Marine Mammal Foundation.

Frances Gulland est également membre du Comité international pour le sauvetage des vaquitas.

Les vaquitas vivent dans la pointe la plus élevée du golfe de Californie, au Mexique.

Le plus petit cétacé du monde, le marsouin vaquita, est une espèce endémique du golfe de Californie, au Mexique. Sa population a été décimée par les filets des pêcheurs de totoabas – des poissons dont la vessie natatoire se vend entre 18 000 $ et
25 000 $ à Hong Kong, plus cher encore en Chine continentale, où, une fois séchée, elle constitue un met délicat ou un médicament.

Ce goût pour les totoabas a failli provoquer la disparition complète des vaquitas. En 2015, il n’en restait pas plus de soixante.

Le gouvernement mexicain a interdit l’utilisation des filets maillants dans la région, cependant on continue à les déployer illégalement.

Une option consiste à déplacer les animaux, mais il faut d’abord les attraper et ils sont particulièrement difficile à pister.

Frances Gulland s’est entretenue avec Sam Ridgway (l’initiateur du Navy Marine Mammal Program) sur la situation difficile des vaquitas.

C’est en 1961 que Sam Ridgway a initié un programme pour former des dauphins à repérer les bombardiers amphibies au Vietnam. Par la suite, des dauphins ont également été formés, avec succès, pour rechercher des mines sous-marines.

Les vaquitas (Phocoena sinus) menacés d’extinction vivent au nord du golfe de Californie. C’est le plus petit cétacé du monde. C’est aussi le plus en danger. (Paula Olson via la NOAA)

Les dauphins avaient pu être entraînés pour discerner les corps humains sous l’eau, c’est pourquoi Sam Ridgway a pensé qu’il serait sans doute facile de les former pour repérer les marsouins. Il a soumis son idée à Frances Gulland.

Le comité de sauvetage des vaquitas a ensuite proposé ce projet au gouvernement mexicain et à la marine mexicaine, puis a fait une requête auprès de la Navy pour trouver des dauphins.

Ce printemps, ces dauphins feront leurs preuves dans le cadre d’un programme important visant à retrouver un maximum de marsouins pour les reloger dans une baie plus sûre.

Comment forme-t-on un dauphin ?

Chez les dauphins, l’oreille interne fonctionne comme un sonar. Selon Jim Fallin, le porte parole de l’US Navy Marine Mammal Program, les dauphins peuvent repérer une personne ou un objet à quelques centaines de mètres, ce qu’on appèle l’écholocation. Si on les forme de manière ludique, avec des friandises en récompense, quelques dauphins participeront.

Un instructeur caresse le nez de Shasta, un dauphin entraîné par l’US Navy, durant une démonstration à la base navale Point Loma, à San Diego, le 12 avril 2007. (AP Photo / Denis Poroy)

« Ce qu’ils font doit les intéresser, parce qu’ils montrent des signes de fatigue assez rapidement, déclare Jim Fallin. On ne peut pas les forcer à faire quoique ce soit. » L’entraînement peut nécessiter cinq ans.

Peu à peu, les instructeurs poussent les dauphins à accomplir des taches de plus en plus difficiles. Tout d’abord, on leur enseigne à s’approcher d’un baigneur. Puis ce nageur s’éloigne et la tache consiste à ce que le dauphin le retrouve grâce à l’écholocation, tout en gardant une certaine distance. Les dauphins sont entraînés à ne pas trop se rapprocher de leur cible. On souhaite qu’ils apprennent à ne pas effrayer les vaquitas.

Les dauphins peuvent distinguer les humains (et les cétacés) des poissons parce que ces derniers n’ont pas de poumons [mais des branchies], explique Jim Fallin. Les créatures avec des poumons émettent un son différent.

Jim Fallin a confiance en ses dauphins. Il s’agit de quatre femelles accoutumées à la Navy, il ne doute pas qu’elles retrouveront sans peine les vaquitas. Récemment, elles ont beaucoup aidé une autre espèce de marsouins. Mais c’est une tâche difficile néanmoins, car elles devront maintenir une distance d’une centaine de mètres avec les vaquitas si difficiles à repérer, et dont le territoire s’étend sur environ 2 600 km2.

Un sauvetage incertain

Vaquita tué dans la pêche des totoabas au golfe de Santa Clara, Sonora, Mexique, en février 1992. (Photo de Christian Faesi, Copyright Omar Vidal)

Même si on les retrouve et on les déplace, le destin des vaquitas est loin d’être assuré. On craint que les quelques femelles restantes ne meurent pendant la capture, ce qui condamnerait l’espèce. L’élevage en captivité a permis de sauver des espèces comme le loup rouge et le condor de Californie, mais les vaquitas ne sont observés que depuis les années cinquante et n’ont jamais été élevés ou détenus en captivité.

Certains experts, comme Omar Vidal, le directeur du WWF (World Wildlife Fund) au Mexique, s’opposent à ce projet de capture, car ils pensent que cela pourrait précipiter leur fin ou relancer le braconnage dès qu’ils auront été retirés de leur habitat. « Nous devons nous efforcer de sauver ce marsouin là où il vit : dans le golfe de Californie [qui est] très sain », déclare-t-il.

Des experts comme Lorenzo Rojas-Bracho, en charge du comité pour sauver les vaquitas, Barbara Taylor, le chef du programme génétique des mammifères marins à la National Oceanic and Atmospheric Administration, et Sarah Mesnick du Southwest Fisheries Science Center de la NOAA ont souligné que ce programme « ne devait pas laisser se disperser les efforts et les ressources nécessaires pour interdire les filets maillants, car cette initiative reste cruciale et c’est la plus importante pour la préservation des espèces. »

Les vétérinaires évalueront la réaction des animaux et libéreront les individus stressés, ont-ils écrit. En cas de décès, on réévaluera toute la stratégie.

« Il est important de souligner que l’objectif de l’équipe est de faire en sorte que le marsouin quitte la réserve qui lui sera attribuée temporairement pour un environnement sans filets maillants », a-t-on ajouté.

L’Associated Press a contribué à cet article

Version originale: How the Navy Trained Dolphins to Help Save an Endangered Porpoise

 

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