« Tout ce qui dégrade la culture raccourcit les chemins qui mènent à la servitude », disait Camus dans un entretien accordé à la revue Caliban en 1951. Dans une tribune publiée dans Le Monde, un collectif de chercheurs alerte de la « passivité » de certains musées français face aux ingérences du Parti communiste chinois (PCC) dans la suppression de cultures qu’il souhaite faire disparaître.
Récemment, le Musée du quai Branly – anciennement musée des Arts et Civilisations d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques – a supprimé le nom « Tibet » de ses catalogues au profit de l’appellation approuvée par le régime chinois : « région autonome du Xizang ». Même modus operandi au Musée Guimet, musée des arts asiatiques, qui a rebaptisé les salles d’art consacrées au Tibet par le « monde himalayen ».
Selon les auteurs de cette tribune, que « des musées français se laissent dicter la réécriture de l’histoire est un signe de grande faiblesse ». Ils demandent aux institutions scientifiques et culturelles françaises de rejeter « toute ingérence venant de régimes étrangers antidémocratiques. »
Le « génocide culturel » en cours au Tibet
Il y a 70 ans, les troupes communistes chinoises envahissent le territoire du Tibet, foyer historique du groupe ethnique tibétain aux traditions bouddhistes remontant aux Mandchous, et obligent ses dirigeants à accepter un traité promettant de maintenir le système politique de la région, l’autonomie régionale et la liberté religieuse.
Le PCC est un régime communiste athée luttant contre les croyances religieuses jugeant que celles-ci peuvent détourner les Chinois de l’allégeance au Parti. La culture spirituelle et bouddhiste du Tibet est ainsi considérée comme une menace existentielle au pouvoir du régime chinois.
Depuis 1950, le régime communiste a lancé une campagne visant à dépouiller la région et ses habitants de leur patrimoine culturel et religieux – une campagne que les critiques et les militants qualifient de « génocide culturel ». Ces dernières années, la stratégie du PCC a évolué vers une répression préventive, qui comprend l’endoctrinement dès le plus jeune âge, la « formation professionnelle » forcée et l’emprisonnement, indique un rapport de l’Institut de recherche Rand Europe, publié en 2023.
Une autre étude publiée en 2020 par la Fondation Jamestown a constaté l’apparition au Tibet de camps de formation professionnelle militarisés, semblables à ceux où sont détenus plus d’un million de Ouïghours au Xinjiang. Cependant, si l’internement massif des Ouïghours par le PCC est bien documenté – de même que la répression du Falun Gong qualifiée de génocide par un tribunal populaire indépendant basé à Londres - la répression au Tibet ne l’est pas. Des violations des droits de l’homme, telles que la torture, le viol et les abus sexuels, ont été rapportées dans certains des établissements examinés, mais aucune recherche approfondie n’a été effectuée pour comprendre l’étendue de la répression.
Quai Branly, Guimet : l’ingérence du régime chinois dans la culture en France
Selon les auteurs de la tribune, l’appellation chinoise « région autonome du Xizang » au musée du Quai Branly est la conséquence de l’entrée en vigueur en 2023 d’une loi en République populaire de Chine (RPC). Elle montre à quel point ce grand musée parisien s’est aligné sur la réécriture de l’histoire du régime communiste chinois, voulant supprimer le Tibet de ses cartes, pour pouvoir ensuite en nier l’existence.
Selon les auteurs, certains ne connaissent pas suffisamment la Chine et le Tibet et confondent l’impression de puissance et de succès de la Chine contemporaine avec l’installation d’un régime dictatorial, l’exploitation économique du territoire et l’éradication culturelle et démographique d’un peuple.
Selon la tribune, « le choix de nos musées, ainsi que de certaines de nos institutions universitaires qui abritent les relais de la propagande chinoise que sont les Instituts Confucius, est de ne pas heurter le régime de Pékin. » Ces pressions font partie d’un réseau d’influences chinois tentaculaire passant par les médias, la diplomatie, l’économie, la politique, l’éducation, les think tank et la culture.
Ces opérations d’influence chinoises ne sont pas nouvelles. Elles ont déjà voulu empêcher la tenue de spectacles ou d’expositions en France. En octobre 2020, une exposition consacrée à Gengis Khan, fondateur de l’Empire mongol, qui devait avoir lieu au Musée d’histoire de Nantes, a été annulée après une intervention des autorités chinoises pour la censurer. « Nous voulions dépasser l’image archétypale du barbare qui détruit tout sur son passage, comprendre comment l’instauration de la pax mongolica a permis l’essor du commerce, le développement des échanges botaniques ou artistiques, l’apparition de nouvelles pensées », expliquait Bertrand Guillet, directeur de l’établissement, au Nouvel Obs – une recherche historiographique qui n’est pas validée dans la propagande du PCC.
Le 7 mai 2024, c’est la salle de spectacle du Galaxie d’Amnéville qui a reçu un e-mail de fausse alerte à la bombe d’un expéditeur chinois inconnu, exigeant l’annulation du spectacle Shen Yun. Le spectacle de danse classique chinoise est une cible privilégiée du régime depuis des années car il retrace les 5000 ans de la culture chinoise, montrant une Chine libre de ses expressions, avant l’arrivée du communisme il y a 70 ans.
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En septembre 2021, une étude sans précédent de 650 pages, Les opérations d’influences chinoises : un moment machiavélien, publiée par l’Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire (Irsem), a dévoilé le réseau tentaculaire utilisé par le régime chinois pour déstabiliser les fondements des démocraties.
L’objectif de ces opérations d’influence chinoises est d’une part d’empêcher tout discours négatif sur le PCC à travers le monde, notamment concernant ce que le régime appelle les « cinq poisons » (Ouïghours, Tibétains, Falun Gong, « militants pro-démocratie » et « indépendantistes taïwanais ») et d’autre part, de produire un discours positif sur la « prospérité, la puissance et l’émergence pacifique » de la Chine.
Les opérations d’influence chinoises sont pilotées depuis la Chine via le département de Propagande, le Bureau 610 (une Gestapo chinoise chargée de traquer les dissidents en Chine et dans le monde entier), l’Armée populaire de libération et des entreprises publiques et privées travaillant à la solde du régime communiste. Ces opérations reposent sur le ministère de la Sécurité de l’État, le plus grand service de renseignement au monde, constitué de plus de 200.000 agents. Toute la diplomatie, les entreprises, les associations culturelles chinoises, etc. œuvrant à l’étranger, travaillent pour cette stratégie du régime chinois d’influencer les démocraties avec leur propagande.
« Ils se sentent menacés par la démocratie, c’est ontologique. Ils ont un besoin vital de démontrer qu’elle est inférieure à leur système de gouvernement » a commenté Paul Charon, directeur du domaine Renseignement, anticipation et stratégies d’influence de l’Irsem, et co-auteur du rapport.
En 2019, un rapport de RSF, Le nouvel ordre mondial des médias selon la Chine, alertait déjà que si les démocraties ne résistent pas, Pékin imposera sa propagande au monde entier et son anti-modèle à la démocratie. Nous y sommes.
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