Des premiers Jeux olympiques d’Athènes en 1896 à ceux de Tokyo en 2021, voici une sélection de sportifs qui ont écrit la légende olympique par leurs records, leurs hauts faits et, pour beaucoup, leur vie hors du commun.
Jesse Owens « a forcé Adolf Hitler à sortir du stade »
On est le 4 août 1936 dans le stade olympique de Berlin. Flambant neuf et pavoisé de drapeaux à la croix gammée. L’athlète noir américain, 22 ans, vient de décrocher l’or avec un bond de 8,06 m à la longueur. Surtout, il a battu le chouchou du public, l’Allemand Lutz Long, grand blond aux yeux bleus.
Jesse Owens of USA winning gold for the long jump in the summer Olympics in Germany, 1936. The man saluting behind Owens is Lutz Long, a German who shared training tips with Owens and was the first to openly congratulate him after his final jump in full view of Hitler.… pic.twitter.com/3b2ucNv0CD
— Fascinating (@fasc1nate) March 24, 2024
Réduisant à néant l’espoir du régime nazi de démontrer la supériorité de la « race aryenne ». Furieux, Hitler quitte le stade. Long, lui, félicite Owens en tombant dans ses bras.
L’Américain, dernier-né des onze enfants d’une famille de métayers de l’Alabama, petit-fils d’esclaves, décroche avec une facilité déconcertante trois autres médailles d’or (100 m, 200 m et relais 4×100 m avec plusieurs records du monde), devenant le héros des premiers Jeux télévisés.
Il est fêté à son retour mais, dans une Amérique encore largement ségrégationniste, n’est pas reçu par le président Franklin D. Roosevelt.
Il doit attendre 1975 pour avoir droit aux honneurs de la Maison Blanche. « Jesse Owens a réussi un exploit qu’aucun homme d’État, aucun journaliste, aucun général n’aurait pu réaliser : il a forcé Adolf Hitler à sortir du stade », salue alors Gerald Ford.
Après Berlin, le champion tourne vite la page de sa carrière sur la piste et doit enchaîner les petits boulots. Il meurt en 1980 à 66 ans d’un cancer des poumons.
Fanny Blankers-Koen, la « ménagère volante »
Fanny Blankers-Koen a été élue en 1999 meilleure athlète féminine du XXe siècle. Au côté de Carl Lewis pour les hommes.
Il faut dire que cette Néerlandaise (1918-2004) multisportive devenue sprinteuse, fille d’un lanceur de disque et de poids, décroche quatre médailles d’or en une seule édition des JO, à Londres en 1948. Autant qu’Owens, qu’elle a rencontré dans le stade de Berlin et dont elle garde toute sa vie le précieux autographe.
Elle s’impose sur 100 m, 200 m, 80 m haies et relais 4×100 m. Alors qu’elle a déjà 30 ans et deux enfants… ce qui lui vaut le surnom de « ménagère volante ».
100 years after her birth, Fanny Blankers-Koen’s legacy lives on: https://t.co/Oaof7oNHbc pic.twitter.com/dRLDU9q2l4
— World Athletics (@WorldAthletics) May 30, 2018
Son retour à Amsterdam est triomphal. « Je n’ai fait que courir vite, je ne vois pas pourquoi les gens font tant d’histoires », s’étonne-t-elle alors qu’elle est promenée en calèche au milieu d’une foule en liesse.
Au fil de sa carrière, elle bat ou égale douze records du monde d’athlétisme dans sept disciplines différentes. Elle raccroche à presque 40 ans et mourra en 2004.
Avec son parcours de miraculée, elle est encore considérée comme celle qui a eu la plus grande influence sur les athlètes noires américaines.
Wilma Rudolph, de la lutte contre la polio aux podiums
« Elle était l’icône », dira d’elle Ollan Cassell, sprinteur devenu un des dirigeants de l’athlétisme mondial dans les années 1980 et 1990. « Elle était pour les femmes ce que Jesse (Owens) était pour les hommes. »
Née en 1940 dans un ghetto noir du Tennessee, vingtième d’une fratrie de 22 enfants, Wilma Rudolph contracte à quatre ans une double pneumonie, la scarlatine et la polio.
Wilma Rudolph’s journey from battling polio to standing atop the podium is a true testament to the power of resilience and determination! 🙌🥹@WorldAthletics pic.twitter.com/cTmmBHwpuz
— Olympic Khel (@OlympicKhel) February 22, 2024
« Mes médecins me disaient que je ne marcherais plus jamais. Ma mère me disait que j’y arriverai. J’ai cru ma mère »… Port de prothèse, massages quotidiens, amour familial et mental d’acier : la jeune infirme réussira à devenir la femme la plus rapide du monde.
Première médaille à Melbourne en 1956, avec une belle troisième place. Un peu déçue car le bronze ne brille pas, elle veut l’or ! Qu’elle décroche trois fois à Rome en 1960 (100 m, 200 m et 4×100 m) en survolant la compétition. Au relais, elle réussit l’exploit de faire gagner son équipe malgré une cheville foulée.
Elle est célébrée dans le monde entier. Les Italiens l’appellent « la Gazelle noire », les Français « la Perle noire », les Anglais « Tennessee Tornado »…
Autre victoire : de retour aux États-Unis, elle obtient que la cérémonie en son honneur soit ouverte à tous. Une première en Amérique.
Détentrice de plusieurs records du monde, elle quitte l’arène dès 1962, au sommet. Elle meurt d’un cancer en 1994.
Abebe Bikila pulvérise le record du monde pieds nus
Tout un destin… Il voit le jour le 7 août 1932, jour du marathon des JO de Los Angeles ! Ce fils de berger éthiopien, ancien membre de la garde impériale, est le premier athlète d’Afrique noire médaillé d’or olympique, en 1960.
Son arrivée à l’Arc de Constantin, à Rome, constitue tout un symbole, 25 ans après l’invasion partielle de l’Éthiopie par l’Italie fasciste de Mussolini.
Il s’est toujours entraîné pieds nus. À Rome, il essaie des chaussures mais aucune paire ne convient, il a des ampoules. Il court donc sans souliers et gagne avec une décontraction insolente en pulvérisant le record du monde.
Roma, 10 Settembre 1960. « Ma chi ti credi di essere, Abebe Bikila? » cit. (oggi, per strade dolorose, ancora di più) pic.twitter.com/YkRUPPp1Rs
— Francesca Coli (@ciombili) September 10, 2023
Devenu un héros national, le poids plume (1,77 m, 57 kg) « capable de courir du lever au coucher du soleil » réalise, malgré une récente opération de l’appendicite, un doublé historique à Tokyo en 1964. Baskets aux pieds cette fois.
Abebe Bikila meurt à 41 ans en 1973 d’une hémorragie cérébrale, alors qu’un accident de voiture l’a cloué quelques années plus tôt dans un fauteuil roulant. Quelque 65.000 personnes assistent à ses obsèques nationales, dont l’empereur Hailé Sélassié.
Mexico 1968 est entré dans l’histoire pour le geste de Tommie Smith et John Carlos, exclus à vie des JO pour leur poing ganté levé sur le podium du 200 m contre les discriminations visant les Afro-américains aux États-Unis.
Bob Beamon, le « saut du 20e siècle »
Mais c’est un autre Américain, Bob Beamon, qui y réalise l’exploit le plus incroyable. En profitant de l’altitude, il pulvérise le record du monde de 55 cm en saut en longueur, où il atteint 8,90 m.
October 18, 1968 🇲🇽
Bob Beamon 🇺🇸 jumped 8.90m in Mexico 1986 Olympic Games
▪️World Record (until 1991)
▪️Still the 2nd best mark in historyOne of the greatest performances ever in track and field. pic.twitter.com/SkLaub0aS6
— Victor K Almeida 📰 (@AlmeidaVictorK) October 18, 2022
Plus d’un demi-siècle après et 14 éditions des JO plus tard, personne n’a fait mieux aux Jeux et ce bond, immédiatement qualifié de « saut du XXe siècle », reste un record olympique (le record du monde est tombé en 1991).
Surnommé « l’Araignée de l’espace », le champion noir, né dans le Queens en 1946, abandonne vite la compétition. Pour se consacrer à la musique, se remettant à la batterie et aux percussions qu’il avait abandonnées adolescent « parce que le sport passait avant tout le reste », a-t-il dit dans un récent entretien téléphonique accordé à l’AFP. En février dernier, Beamon, aujourd’hui âgé de 77 ans, a vendu aux enchères sa médaille d’or. Adjugée 441.000 dollars…
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