Fournisseur majeur d’énergie pour l’Europe, la Norvège s’alarme de la multiplication sur son territoire de mystérieux vols de drones, derrière lesquels plane l’ombre de la Russie soupçonnée d’espionner davantage depuis le début de la guerre en Ukraine.
Sur fond d’innombrables signalements de vols d’engins sans pilote, certains à proximité de plateformes pétrolières loin en mer, la police norvégienne a annoncé mercredi l’arrestation d’un citoyen russe, le septième en l’espace de quelques jours.
Tous sont accusés d’avoir fait illégalement voler des drones ou d’avoir violé des interdictions de photographier dans le royaume qui partage dans l’Arctique une frontière avec la Russie et est désormais le principal fournisseur de gaz de l’Europe.
Quelques heures après qu’un nouveau vol de drone eut brièvement interrompu le trafic aérien à l’aéroport de Bergen (ouest), deuxième ville du pays, le Premier ministre Jonas Gahr Støre a mis en cause mercredi « le renseignement étranger » et indirectement pointé la Russie du doigt.
« Evidemment qu’il est inacceptable que le renseignement étranger fasse voler des drones au-dessus d’aéroports norvégiens », a-t-il déclaré, cité par la chaîne NRK. « Les Russes n’ont pas le droit de faire voler des drones en Norvège », a-t-il ajouté.
La crainte d’un sabotage russe en Norvège
En réaction à l’invasion de l’Ukraine, la Norvège a, comme plusieurs autres pays occidentaux, interdit le survol de son territoire aux Russes, que ce soit en avion ou par drone. Toute violation est passible de trois ans de prison.
Désormais en charge de l’enquête sur les différents incidents impliquant des drones, les services de contre-espionnage (PST) disent ne pouvoir conclure à ce stade qui se trouve derrière. « Il existe un risque accru d’espionnage en provenance de Russie du fait de la guerre » en Ukraine, a cependant répété mercredi la numéro deux de PST, Hedvig Moe, lors d’une conférence de presse.
« Et nous estimons la menace d’un sabotage contre la Norvège plus réelle qu’elle ne l’était avant la guerre » même si elle reste « peu probable », a-t-elle ajouté.
Les observations de drones et le sabotage présumé des gazoduc Nord Stream 1 et 2 en mer Baltique ont conduit Oslo à renforcer la sécurité autour de ses infrastructures stratégiques, notamment énergétiques. Navires, aéronefs et soldats de la garde nationale ont été déployés.
Selon les services de sécurité, les drones pourraient être utilisés à des fins d’espionnage ou bien pour semer la peur sur la capacité de la Norvège à garantir la sécurité de ses livraisons d’énergie. Depuis la réduction des livraisons russes, le gaz norvégien est considéré comme essentiel pour couvrir les besoins énergétiques d’une Europe aux abois à l’approche de l’hiver.
Le fils d’un proche de Vladimir Poutine interpellé à Hammerfest
Critiquées par la Russie, les arrestations de citoyens russes témoignent de la vigilance accrue des autorités norvégiennes. La dernière arrestation en date concerne Andreï Iakounine, fils de l’ancien patron des chemins de fer russe, Vladimir Iakounine, considéré comme un proche du président russe Vladimir Poutine.
Âgé de 47 ans et de double nationalité russe et britannique, il a été interpellé lundi à Hammerfest dans le nord de la Norvège. « Le suspect a reconnu avoir fait voler un drone au Svalbard », a précisé une responsable de la police, Anja Mikkelsen.
Situé à un millier de kilomètres du pôle Nord, le Svalbard (Spitzberg) est un territoire norvégien à l’emplacement stratégique en plein coeur de l’Arctique. En raison d’un statut juridique spécial qui autorise l’exploitation de ses ressources par des ressortissants étrangers, l’archipel abrite une communauté minière russe relativement importante.
« Le Svalbard et le Grand Nord ont longtemps été importants pour la Russie mais nous estimons qu’ils le sont plus encore aujourd’hui à l’heure où les tensions montent », a noté Mme Moe.
L’ambassade de Russie à Oslo critique, elle, la « psychose » qui s’est emparée, selon elle, de la Norvège. Sur sa page Facebook, elle a déploré l’interdiction imposée aux Russes de faire voler des drones, une mesure « injustifiée » et « discriminatoire » dont pâtissent des « touristes ordinaires ».
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