DISPARITION – Ce mardi 7 janvier, Jean-Marie Le Pen, président du Front national pendant presque 40 ans et grand défenseur de la lutte contre l’immigration, est mort à 96 ans. Retour sur le parcours d’un personnage qui a incontestablement marqué la vie politique française de la Ve République, autant par ses discours forts sur l’identité que par ses déclarations controversées.
« Jean-Marie Le Pen, entouré des siens, a été rappelé à Dieu ce mardi à 12 heures », a indiqué sa famille dans un communiqué envoyé à l’AFP.
Le « pirate de la République » s’est finalement éteint à l’âge avancé de 96 ans à Garches (Hauts-de-Seine). Il laisse derrière lui une longue carrière politique remplie de hauts et de bas, dont le moment le plus important sera la qualification au second tour de l’élection présidentielle le 21 avril 2002.
Mais celui qui est né dans le Morbihan, à la Trinité-sur-Mer en 1928, a eu une autre vie avant de se lancer dans l’arène politique. Farouche anticommuniste et partisan de l’Algérie française, il revêtira l’uniforme en Indochine, à Suez et en Algérie dans les années 1950. Ses engagements militaires sur ces différents théâtres d’opérations ont renforcé ses convictions politiques.
C’est en 1956, alors âgé de 27 ans, qu’il se fait élire à l’Assemblée nationale pour la première fois. À l’époque, le Front national n’existe pas encore. Jean-Marie Le Pen entre au Palais-Bourbon en se présentant sur des listes poujadistes.
Il monte en grade politiquement en étant en charge en 1965 de la campagne de l’avocat pro-Algérie française, Jean-Louis Tixier-Vignancour. Le parti à la flamme voit le jour en 1972. Jean-Marie Le Pen le cofonde avec des membres de l’organisation Ordre nouveau.
De 1974 au choc du 21 avril 2002
Que l’on apprécie ou non le personnage, sa carrière politique fut riche et marquée par divers rebondissements, notamment électoraux. En 1974, il est pour la première fois candidat à l’élection présidentielle. Il termine la course avec seulement 0,75 % des voix, à des années-lumière des scores réalisés par le RN aujourd’hui.
Après le premier succès des municipales de 1983, l’année 1986 marque un tournant électoral pour le parti de la droite nationale. Quelque 35 députés FN font leur entrée à l’Assemblée nationale à l’occasion des élections législatives.
Deux ans plus tard, il se présente pour la deuxième fois à l’élection présidentielle et décroche la quatrième place avec 14,3 % des suffrages. Il obtiendra presque le même nombre de voix en 1995 (15 %).
Mais le plus grand moment politique du « Menhir » intervient quand personne ne l’attend, lors de l’élection présidentielle de 2002. À l’époque, le parti à la flamme n’est pas en bonne posture : l’un de ses lieutenants, Bruno Mégret a provoqué une scission quatre ans plus tôt sur fond de désaccord stratégique, a emmené avec lui une partie des cadres du FN et a même décidé de se lancer dans la course à la présidence de la République. Puis, du côté des opposants de Jean-Marie Le Pen, on affiche une confiance déconcertante. Interrogé sur sa possible défaite dès le premier tour de l’élection, le Premier ministre et candidat du PS, Lionel Jospin avait déclaré qu’il a « une imagination normale, mais tempérée par la raison quand même ».
Trop tempérée peut-être, puisque ce qui a ensuite été décrit comme un « séisme politique » s’est produit : l’homme fort de la droite nationale se qualifie à 74 ans au second tour le 21 avril 2002 avec 16,8 % des voix face au président sortant Jacques Chirac, et Lionel Jospin est éliminé. Le « diable de la République » est ensuite très largement battu par Jacques Chirac, aidé par un « front républicain ».
Le fin débatteur et le provocateur
Le cofondateur du Front national a également marqué son époque par sa capacité à rendre coup pour coup à ses adversaires, lors de débats télévisés restés dans la mémoire de millions de Français. Comme celui qui l’opposa à un autre tribun de la vie politique française, Bernard Tapie, en 1989. « Vous êtes un hâbleur, vous êtes un matamore, vous êtes un tartarin, un bluffeur ! », avait lancé Jean-Marie Le Pen à l’homme d’affaires marseillais.
Deux années plus tôt, lors d’échanges musclés avec le secrétaire national du PCF, André Lajoinie, le député FN, après avoir été accusé par le leader communiste de « justifier le nazisme », avait rétorqué que « l’on sait très bien que monsieur Lajoinie n’est pas grand-chose par lui-même ».
Mais Jean-Marie Le Pen a aussi un goût immodéré pour la provocation et les propos controversés, qui lui vaudront d’ailleurs plusieurs condamnations judiciaires et dont beaucoup diront qu’ils ont ruiné sa carrière politique.
En 1987, il tiendra des propos restés tristement célèbres sur les chambres à gaz lors de la Seconde Guerre mondiale. « Je n’ai pas étudié spécialement la question, mais je crois que c’est un point de détail de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale », avait-il répondu au journaliste Olivier Mazerolle, qui l’interrogeait sur les thèses des négationnistes Robert Faurisson et Henri Roques. Après avoir réitéré ses propos en 2015, il est définitivement condamné pour contestation de crimes contre l’humanité en 2018.
Malheureusement, ces dérapages ne seront pas les seuls. En 1988, lors de l’université d’été du FN, Jean-Marie Le Pen a déformé le nom du ministre de la Fonction publique de l’époque, Michel Durafour en l’appelant « Michel Durafour crématoire ». Il est condamné pour injure publique en 1993.
« En France du moins, l’occupation allemande n’a pas été particulièrement inhumaine », avait-il également estimé dans l’hebdomadaire d’extrême droite Rivarol en 2005. La liste de ses propos polémiques est encore longue…
Exclu du FN et bref retour en politique
Après la contre-performance à la présidentielle de 2007 (10,4 % des voix) notamment liée à la campagne de Nicolas Sarkozy, très axée sur les questions d’identité et d’immigration, la carrière politique du propriétaire du château du Montretout semble toucher à sa fin. En 2011, après avoir dirigé pendant trente-neuf ans le Front national, sa fille, Marine Le Pen, lui succède et il devient président d’honneur du parti. Seul mandat en cours lui restant, celui de député européen.
Il n’hésitera pas à donner du fil à retordre à sa fille en tenant des propos polémiques, alors que cette dernière tente de dédiaboliser le parti. Elle décide finalement d’exclure son père du FN en août 2015.
Mais Jean-Marie Le Pen ne quitte pas la vie politique pour autant, et fonde l’année suivante, en hommage à Jeanne d’Arc – figure de l’histoire de France qu’il admire particulièrement -, les Comités Jeanne. L’objectif derrière ce parti politique était d’exercer de l’influence sur la ligne du Front national.
Malgré les tensions avec sa fille, il parvient à se réconcilier avec elle en 2018 lors de son 90e anniversaire. Il quitte officiellement la vie politique en 2019 à la fin de son mandat de député européen.
Affaibli depuis plusieurs années par une santé déclinante, l’ex-député européen était de moins en moins présent dans les médias. D’ailleurs, au mois de juin, son état de santé avait été déclaré « incompatible » avec une comparution au tribunal trois mois plus tard dans l’affaire des assistants parlementaires du RN au Parlement européen.
Jean-Marie Le Pen s’en est donc allé ce mardi 7 janvier. Toute la classe politique a réagi, même l’Élysée, prouvant que sa disparition marque, qu’on le veuille ou non, la fin d’une époque politique française.
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