Effort de défense : pas de retour du service militaire, mais une « mobilisation civile »

Par Germain de Lupiac
21 mars 2025 06:52 Mis à jour: 22 mars 2025 16:08

Une majorité de Français se dit favorable au rétablissement du service militaire (86 %), et même au service obligatoire (53 %), d’après un sondage Ipsos-CESI Ecole d’ingénieurs paru récemment.

Emmanuel Macron a annoncé « dans les prochaines semaines une grande refonte » du service national universel (SNU), « qui correspondra aux besoins de la nation et aux priorités identifiées », tout en excluant un retour du service militaire.

Mais la Cour des comptes juge les objectifs du SNU « incertains » et son coût « largement sous-estimé ». Selon elle, les objectifs de ce service national universel sont mal compris par le grand public et par les jeunes eux-mêmes.

Le SNU comporte actuellement une « mission d’intérêt général » et un « séjour de cohésion » comprenant des activités sportives, culturelles et intellectuelles, avec des journées qui débutent par la « levée des couleurs » (drapeau et hymne national) et le port de l’uniforme.

En octobre, le Sénat proposait tout simplement sa suppression, du fait de la faible plus-value que le dispositif apportait, en comparaison avec les autres politiques d’engagement de la jeunesse.

Une majorité de Français favorable au retour du service militaire

Une majorité de Français se dit globalement favorable au rétablissement du service militaire dans une enquête d’opinion, publiée par Le Parisien. Le sondage intervient alors que plusieurs pays européens s’interrogent sur la conscription, obligatoire ou non, et l’augmentation de la réserve militaire pour renforcer leur défense, dans un contexte de réarmement européen et de dissuasion face à la Russie.

Un service militaire oui, mais les Français se disent opposés à des sacrifices tels qu’une baisse des prestations sociales ou le recul du départ à la retraite pour financer l’augmentation des dépenses militaires. La seule mesure à laquelle une majorité de personnes n’est pas opposée (59 %) est la souscription à un emprunt national, rémunéré au taux du Livret A.

Toutes les autres mesures proposées sont impopulaires : baisser de 5 % des prestations sociales comme les remboursements de santé, aides au logement, allocations familiales, ou encore les bourses étudiantes (55 %), s’engager dans la réserve militaire (55 %), décaler d’un an l’âge légal de départ à la retraite (58 %), travailler un jour ou deux supplémentaires par an (59 %), ou augmenter de 5 % l’impôt sur le revenu (64 %).

Emmanuel Macron veut « une grande refonte » du Service national universel

Le chef de l’État a estimé que le retour du service militaire obligatoire n’était pas « une option réaliste », annonçant  « dans les prochaines semaines une grande refonte » du service national universel (SNU).

Selon lui, la France « n’a plus la base, plus la logistique » pour remettre en place une conscription. « À partir du moment où on est allé vers la professionnalisation de nos armées, focalisées sur l’opérationnel, les réemployer pour encadrer 800.000 jeunes […] n’est absolument pas un schéma opérant », a-t-il justifié.

Début 2024, le gouvernement, alors dirigé par Gabriel Attal, avait lancé les travaux pour généraliser à la rentrée 2026 le SNU, projet cher au chef de l’État destiné aux 15-17 ans. Mais depuis, la dissolution de l’Assemblée nationale et l’absence de majorité parlementaire, ainsi que les restrictions budgétaires semblaient avoir sonné le glas de sa poursuite.

En janvier, le Président demandait au gouvernement et à l’état-major des armées des propositions pour mai au plus tard afin de « permettre à une jeunesse volontaire d’apprendre avec les armées et d’en renforcer les rangs » en cas de besoin.

Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a suggéré de son côté de « renforcer » la réserve militaire à 100.000 personnes, pour passer d’ « un réserviste pour six militaires d’active » actuellement, à « un réserviste pour deux militaires d’active ».

« On va regarder les leviers de mobilisation civile », a dit le président de la République, assurant vouloir « consolider » la « mobilisation de la société face aux crises ».

Les objectifs « incertains » et le coût du SNU dans le viseur de la Cour des comptes

La Cour des comptes a dressé en septembre 2024 un bilan sévère du SNU, dispositif cher à Emmanuel Macron, cinq ans après son lancement.

« Plus de cinq années après son démarrage, ses objectifs demeurent incertains et dès lors mal compris par le grand public, en particulier par les jeunes qui en constituent pourtant la cible », écrit la Cour dans son rapport.

Promesse de campagne du chef de l’État, le SNU a été lancé en 2019 avec l’objectif de le rendre à terme obligatoire pour toute une classe d’âge (environ 800.000 jeunes par an). Il ne concerne jusqu’à présent que des jeunes volontaires âgés entre 15 et 17 ans.

La Cour déplore également qu’en « matière de mixité sociale comme d’engagement, les ambitions du dispositif ne sont pas atteintes ». « Les milieux d’origine des jeunes participants se caractérisent, depuis 2019, par une surreprésentation de jeunes dont les parents servent ou ont servi dans les corps en uniforme et de catégories socio-professionnelles plus favorisées », écrit-elle.

Un dispositif aux 10 milliards d’euros

En 2024, l’ex-Premier ministre Gabriel Attal annonçait le lancement des « travaux » en vue d’une généralisation du SNU « à la rentrée 2026 ».

« Le chiffrage du coût du SNU dans sa configuration actuelle et généralisé à l’ensemble d’une classe d’âge est de 2 milliards d’euros », selon le rapport de la Cour des comptes, mais « il ne correspond pas à une évaluation du coût global du dispositif pour les pouvoirs publics ». Le coût de fonctionnement annuel du dispositif généralisé serait, selon le rapport, plutôt de « 3,5 à 5 milliards d’euros ».

À ce chiffre, il faut « ajouter 6 milliards d’investissement pour la construction de centres, sans compter les coûts supportés par les collectivités territoriales » qui n’ont pu être chiffrés. « On est dans des ordres de grandeur qui dépassent les 10 milliards d’euros », a commenté Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes.

De son côté, le ministère des Armées admet « la nécessité de clarifier ses objectifs (du SNU, ndlr) et de créer les conditions d’un pilotage ministériel et administratif adapté à l’ambition gouvernementale retenue ».

Le Sénat proposait la suppression du SNU en 2024

En octobre, le Sénat a soutenu très largement, en commission des Finances, la suppression du SNU dans le cadre du budget de l’État, se montrant critique sur l’expérimentation de ce dispositif et sur son coût estimé.

« Après cinq ans d’expérimentation, il n’apparaît pas que le Service national universel apporte une plus-value suffisante en comparaison des autres politiques d’engagement de la jeunesse pour justifier la poursuite de son déploiement », explique le sénateur socialiste Éric Jeansannetas, rapporteur des crédits de la Jeunesse.

« Pour la première fois depuis le début de l’expérimentation du SNU, les objectifs font du surplace. On peut dès lors se demander si l’objectif de généralisation du SNU à l’ensemble d’une classe d’âge est encore d’actualité », a notamment épinglé le sénateur.

L’ancien ministre des Sports et de la Jeunesse Gil Avérous avait lui aussi reconnu qu’il n’avait « pas les moyens pour une généralisation du SNU » dans son budget, pointant également un dispositif « en panne ».

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