Déficit public : un rapport du Sénat pointe « l’opacité » et « l’imprudence » de l’exécutif

Par Ludovic Genin
21 juin 2024 08:31 Mis à jour: 24 juin 2024 19:17

Un rapport du Sénat sur les finances publiques, passé inaperçu le 12 juin avec l’annonce de la dissolution et des élections législatives, pose un diagnostic accablant sur les erreurs de l’exécutif dans sa gestion budgétaire depuis la fin 2023.

Après deux mois et demi d’auditions et d’étude des notes techniques produites par les services du ministère de l’Économie et des Finances, les sénateurs ont constaté des carences importantes dans la communication avec les parlementaires, ainsi que de « l’imprudence » dans les prévisions gouvernementales.

Si le constat du Sénat ne suffisait pas, le 19 juin, la Commission européenne a annoncé ouvrir une procédure de sanction pour déficit public excessif à l’encontre de la France. Pour éviter une amende de 2,5 milliards, Bruxelles demande de réduire le déficit public français de 14 à 20 milliards d’euros par an.

Une situation qu’héritera le nouveau gouvernement quel que soit le résultat des législatives.

Le déficit public s’invite dans le débat des législatives

À plus d’une semaine du premier tour des législatives en France, le débat de la campagne électorale se concentre sur le niveau de déficit public du pays, les uns accusant la gabegie budgétaire du programme économique des autres. Pourtant comptable de la situation, le gouvernement sortant a attaqué le Rassemblement national et le Nouveau Front populaire. Selon le Premier ministre Gabriel Attal, le RN et le Nouveau Front Populaire « promettent, dans leurs programmes, un matraquage fiscal à tous les étages pour financer leurs folies budgétaires ».

En 2023, le déficit a dérapé à 5,5 % du PIB au lieu de 4,9 % attendus, si bien que fin juin, l’agence de notation américaine S&P Global Ratings a baissé de AA à AA- la note souveraine de la France, faisant peser la menace de difficultés d’emprunt sur les marchés. L’Institut Molinari estime que la dette accumulée par le gouvernement Macron depuis son entrée à l’Élysée atteindra les 1.000 milliards d’euros avant la fin de son mandat. Fin 2023, cette dette s’élevait à plus de 3.100 milliards d’euros.

En outre, les taux d’emprunt de la deuxième économie européenne ont augmenté depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par le président Emmanuel Macron, après sa débâcle aux européennes du 9 juin. Et pour ne rien oublier au tableau, le 18 juin, le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau a appelé à « ne pas creuser encore davantage des déficits lourds qu’on ne saurait pas bien financer », à l’heure où les promesses économiques pour les législatives sont parfois accusées d’être trop dispendieuses.

« L’imprudence » et la « rétention d’informations » du gouvernement

Le rapport de la mission d’information sénatoriale sur la dégradation des finances publiques, publié le 12 juin, pose un diagnostic sans appel sur les errements du gouvernement dans sa gestion des comptes publics depuis la fin 2023. « Il y a une chose qu’on partage avec l’administration de Bercy, c’est que plus personne ne souhaite voir ça. Nous espérons que c’est la dernière année où nous verrons un sujet de cette nature », a résumé le président de la commission des finances, le socialiste Claude Raynal, lors d’une conférence de presse le 13 juin.

Après deux mois et demi d’auditions et d’étude des notes techniques produites par les services du ministère de l’Économie et des Finances, les sénateurs ont constaté des carences importantes dans l’information au Parlement, qui ont abouti à un dérapage de 15 milliards d’euros des dépenses publiques — dérapage s’expliquant principalement par des recettes beaucoup plus faibles qu’attendues.

Selon le rapport du Sénat, « le déficit public en 2023 a atteint le niveau inédit, hors période de crise, de 5,5 % du PIB […] Ce niveau particulièrement élevé de déficit n’était pas prévu, ni à l’issue de l’examen du projet de loi de finances pour 2023 ». Les sénateurs ont considéré que les prévisions gouvernementales ont été « mal justifiées » et « imprudentes ».

Pour la mission sénatoriale, ces montants étaient « destinés à maintenir facialement le niveau de déficit annoncé ». « C’est l’exemple même de ce qu’il ne faut pas faire », a commenté le rapporteur général de la commission des finances, Jean-François Husson (LR). « Le manque de rigueur du programme de stabilité 2024-2027 et l’absence de projet de loi de finances rectificative ont, de notre point de vue, confirmé que le gouvernement ne prenait pas la pleine mesure de l’enjeu et ne tenait pas suffisamment compte de ce que lui disait son administration », a-t-il reproché.

Le président de la commission des finances Claude Raynal a dit regretter de son côté une « opacité budgétaire », du fait que les parlementaires n’ont pas été informés des alertes émises par l’administration sur les risques budgétaires. « Dans le cadre de nos travaux, nous avons découvert une note du Trésor du 16 février, soit cinq jours avant. L’information — que nous demandions — existait bien, et faisait état d’une prévision de solde à -5,7 % du PIB et non 4,4 % pour 2024 » révèle le rapport, une violation manifeste de l’article 57 de la loi organique relative aux lois de finances. Une accusation dont le ministre Bruno Le Maire s’est défendu à plusieurs reprises.

Bruxelles met son grain de sel

La Commission européenne a décidé d’ouvrir le 18 juin des procédures de sanction pour déficits publics excessifs contre la France. Outre la France, ces procédures vont aussi concerner l’Italie, la Belgique, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie et Malte, a annoncé la Commission.

Ces pays ont dépassé l’an dernier la limite de déficits publics fixée à 3 % du Produit intérieur brut (PIB) par le Pacte de stabilité, qui limite aussi la dette à 60 % du PIB. Les déficits les plus élevés de l’UE ont été enregistrés l’an dernier en Italie (7,4 % du PIB), en Hongrie (6,7 %), en Roumanie (6,6 %), en France (5,5 %) et en Pologne (5,1 %).

Ces pays devront prendre des mesures correctrices pour respecter à l’avenir les règles budgétaires de l’Union européenne, sous peine de sanctions financières. Le Pacte de stabilité prévoit en effet en principe des sanctions financières à hauteur de 0,1 % du PIB par an pour les pays qui ne mettront pas en œuvre les corrections imposées — soit près de 2,5 milliards d’euros dans le cas de la France qui devra réduire son déficit public de 14 à 20 milliards d’euros par an.

La France, dans le viseur des agences de notation, est en crise politique depuis la dissolution de l’Assemblée nationale. « Notre objectif est bien de repasser sous les 3 % en 2027 sous réserve qu’un nouveau gouvernement ne prenne une direction différente », assure-t-on à Bercy.

À titre d’exemple, le ministre italien de l’Économie, Giancarlo Giorgetti, affirme de son côté suivre un « parcours de responsabilité et de finances publiques durables qui est apprécié par les marchés et les institutions de l’UE ». Un exemple que devra essayer de suivre la France, quel que soit le résultat des législatives à l’issue du scrutin.

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