Définition pénale du viol : l’adoption d’une loi intégrant le non-consentement fait débat

Par Epoch Times avec AFP
3 avril 2025 17:20 Mis à jour: 3 avril 2025 19:01

Les députés ont adopté mardi en première lecture une proposition de loi intégrant le non-consentement à la définition pénale du viol, une modification à la portée symbolique forte mais qui divise juristes et associations féministes.

Le texte, transpartisan et soutenu par le gouvernement, a été adopté par 161 voix pour et 56 voix contre. Les députés du Rassemblement national, du groupe ciottiste UDR, et certains députés socialistes s’y sont opposés.

« Je crois que ce soir, collectivement, nous avons acté que nous passions de la culture du viol à la culture du consentement », s’est félicitée la co-rapporteure écologiste Marie-Charlotte Garin. « C’est une première pierre que nous lançons dans le mur de l’impunité. »

Absense de consensus

La mesure ne fait toutefois pas consensus. Ses opposants craignent qu’inclure le non-consentement à la définition pénale du viol conduise à centrer l’enquête sur l’attitude de la victime. Ses défenseurs le contestent, arguant que cette modification permettrait d’inclure des situations mal couvertes aujourd’hui, comme l’état de sidération.

Tout en envoyant un signal fort, quelques mois après le procès des viols de Mazan.

« Ce qui compte, ce n’est pas ce que l’agresseur croit, c’est ce que la victime veut », a martelé la ministre chargée de l’Égalité femmes-hommes, Aurore Bergé.

« Le consentement est partout dans la procédure judiciaire, mais il est absent de la loi française », qui en l’état actuel, « ne permet pas suffisamment de sanctionner les agresseurs », a argumenté la députée macroniste Véronique Riotton, également co-rapporteure du texte.

La proposition de loi, issue d’une mission d’information parlementaire de plusieurs mois, devra maintenant être étudiée au Sénat.

« Tout acte sexuel non consenti »

Elle redéfinit l’article du code pénal portant sur l’ensemble des agressions sexuelles, dont le viol. Elle propose de les redéfinir comme « tout acte sexuel non consenti ». Le texte précise ce qu’est ou n’est pas le consentement, afin d’aiguiller les enquêteurs et les juges.

« Le consentement est libre et éclairé, spécifique, préalable et révocable. Il est apprécié au regard des circonstances environnantes », propose d’établir le texte. « Il ne peut être déduit du seul silence ou de la seule absence de réaction de la victime », ajoute-t-il.

Enfin, il précise qu’« il n’y a pas de consentement si l’acte à caractère sexuel est commis avec violence, contrainte, menace ou surprise », quatre modalités déjà présentes dans le code pénal.

Toutes les formulations ont été validées par le Conseil d’État, dont les suggestions ont été entièrement reprises par les co-rapporteures.

Dans son avis début mars, le Conseil d’État a estimé que « le principal apport de la proposition de loi » serait de « consolider (…) les avancées de la jurisprudence », qui considère déjà le défaut de consentement « comme un élément clé ». Mais qui ne s’applique pas partout de manière égale, pointe Mme Garin.

La crainte que la victime soit encore plus « pénalisée »

La droite nationaliste s’est opposée à l’initiative. « La définition actuelle du viol est déjà suffisamment précise », a déclaré Sophie Blanc (RN).

Le droit pénal « n’a pas vocation à s’aligner sur l’opinion ou la douleur, aussi légitimes soient elles », a renchéri Sophie Ricourt Vaginay (UDR).

Le groupe socialiste, divisé, avait lui opté pour une liberté de vote.

Si 21 députés socialistes ont voté pour, 9 s’y sont opposés, dont Mme Céline Thiébault-Martinez, selon qui « personne ne peut dire que cette proposition de loi aura l’effet attendu, à savoir une meilleure reconnaissance des victimes ». Elle redoute que l’initiative ne « pénalise encore plus les victimes », qui se trouveront interrogées « d’abord et avant tout sur leur consentement ».

Un argument balayé par Mme Garin, pour qui l’introduction du consentement dans la loi « n’a jamais » mis la victime « au cœur des audiences », dans les pays qui l’ont fait, citant l’Espagne, la Suède ou le Danemark.

« C’est un leurre de penser qu’on peut améliorer les choses sans aucune nouvelle solution pour collecter les preuves et étayer le dossier des victimes », assure l’élue PS de Seine-Maritime Florence Herouin-Léautey, interviewée par Marianne. Car « rien ne prouve que l’intégration de la notion de non-consentement dans la loi va permettre d’améliorer la reconnaissance et la prise en compte de la parole de ces victimes », selon la pensée des élues PS rapportée par le magazine.

Pour ces députés, l’urgence concerne l’allocation de nouveaux moyens aux enquêteurs comme à la justice. Ainsi, la formation des policiers, des gendarmes et des magistrats est une solution qui d’ailleurs « existe, mais qui n’est ni continue ni systématique », comme le précise Céline Thiébault-Martinez à Marianne.

« Demain, ce sera l’auteur qui devra démontrer par des actes positifs qu’il s’est assuré du consentement, et l’enquête devra porter sur ce qu’il a compris, ce qu’il a perçu, ce qu’il a fait pour s’assurer de l’accord de l’autre », a rassuré le ministre de la Justice Gérald Darmanin. Sans toutefois que le texte n’impose « d’obligation de preuve positive, comme on signerait un contrat », a-t-il ajouté.

Près de l’Assemblée, quelques dizaines de femmes se sont rassemblées dans l’après-midi à l’appel de mouvements féministes. Il est « important de montrer qu’une partie des féministes est avec les parlementaires », a estimé Sarah Durocher, présidente du Planning familial, pour qui le texte reflète « un changement de mentalité ».

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