Pour les Ukrainiens, le 16 décembre a été un autre jour terrible de guerre. La Russie a tiré 76 missiles sur leur pays, la plupart des missiles ont explosé dans les villes. Le 19 décembre, la Russie a lancé une attaque similaire, cette fois avec des drones kamikazes (autodétonateurs) de fabrication iranienne en plus des missiles.
Selon les propagandistes du Kremlin de Vladimir Poutine, les vagues de drones et de missiles à courte et moyenne portée ont frappé des cibles militaires et des « infrastructures ».
L’infrastructure est un terme large et « élastique » qui peut signifier presque tout. Des immeubles civils sont une infrastructure, tout comme un générateur électrique pour chauffer, éclairer et approvisionner en eau ces immeubles. Un taxi peut déplacer des troupes. Alors, c’est aussi une cible militaire.
Des attaques massives par des missiles et des drones armés de munitions hautement explosives et ayant des villes pour cible – il semble que Poutine poursuive une forme ad hoc de bombardement stratégique.
Après la Première Guerre mondiale, le général italien Giulio Douhet a déclaré que les flottes de bombardiers ciblant l’industrie, les réseaux de transport et, oui, les centres d’habitation de la population détermineraient l’issue des guerres futures. Le bombardement de cibles stratégiques endommagerait l’ensemble du potentiel de guerre de l’ennemi. Les forces ennemies finiraient par manquer de nourriture, de munitions et de carburant. Le général Douhet affirmait également que des attaques massives et soutenues sur les villes terroriseraient tellement la population qu’elle perdrait la volonté de se battre et se rendrait.
L’histoire ultérieure, cependant, n’a pas suivi la théorie de Giuilo Douhet. Années 1930 : les attaques aériennes « de terreur » japonaises sur les villes chinoises ne les ont pas forcées à capituler, pas plus que les attaques aériennes italiennes sur les villages éthiopiens. Années 1940 : le blitz allemand sur la Grande-Bretagne n’a fait que durcir la résistance civile. Les raids aériens massifs, prolongés et dévastateurs américains et britanniques n’ont pas entraîné la capitulation de l’Allemagne. Les raids américains aux bombes incendiaires sur Tokyo n’ont pas réussi à mettre fin à la résistance japonaise.
Les bombes atomiques américaines lancées sur les villes japonaises de Hiroshima et Nagasaki sont le seul cas où des raids aériens stratégiques ont conduit à la capitulation.
La « guerre des villes » de la guerre Iran-Irak (années 1980) a tué et blessé des milliers de civils. L’Irak a lancé des attaques aériennes et des missiles contre des villes iraniennes. L’Iran ripostait de la même manière. Résultat : des Irakiens furieux et des Iraniens prêts à continuer la guerre.
Après les attaques du 16 décembre contre son pays, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déclaré aux médias que les missiles et les drones sont « utilisés pour frapper principalement notre secteur énergétique (…) » Il a ajouté que les attaques ont laissé plus de 22 millions d’Ukrainiens (environ la moitié de la population) sans « énergie ». Après l’attaque sur Kiev, son maire a expliqué à Reuters que seul un tiers des habitants de la ville « disposait à la fois de chauffage et d’eau et de 40% d’électricité ». L’attaque a également mis hors service le réseau de trains de banlieue.
Le gouvernement ukrainien prévient que la Russie dispose toujours d’un très important stock de missiles. Le bombardement des villes démontre pourquoi l’OTAN et les pays de l’UE doivent fournir à l’Ukraine des armes de défense aérienne modernes et abondantes, capables d’intercepter les missiles et les avions.
Le système de défense antimissile Patriot PAC-3 de fabrication américaine peut intercepter les avions et les missiles balistiques et de croisière. À mon avis, l’Ukraine aurait dû recevoir des batteries Patriot il y a plusieurs mois. Plusieurs pays de l’OTAN les possèdent. Volodymyr Zelensky a maintes fois spécifiquement demandé ces systèmes de missiles sol-air. Le 22 décembre, lors de sa visite éclair à Washington, le gouvernement américain a promis, pour la première fois, de fournir un seul système Patriot à l’Ukraine.
L’Ukraine a montré qu’elle avait la volonté de se battre et de gagner. La blitzkrieg envisagée par Poutine en février est devenue un bourbier en décembre. Faute de pouvoir gagner par guerre éclair, il s’est tourné vers des bombardements massifs d’artillerie de type Première Guerre mondiale et des assauts d’infanterie sur un front des armées retranchées. Si les rapports sont exacts, les forces ukrainiennes, qui utilisent des tactiques de ciblage précis basé sur un bon renseignement et des contre-attaques mobiles, tuent chaque jour par centaines de soldats russes mal dirigés et mal entraînés.
Lors de la guerre Iran-Irak, les belligérants ont tous deux lancé des raids sur des centres d’habitation de la population. Bien que les Ukrainiens aient réussi au moins deux attaques limitées de drones contre des bases de bombardiers stratégiques russes qui lancent des missiles sur leur pays, l’Ukraine ne dispose pas de missiles offensifs d’une portée suffisante pour atteindre des cibles éloignées en Russie, et l’OTAN, craignant l’élargissement de la guerre, ne les fournira pas.
Poutine a recours à des attaques aériennes stratégiques sur les villes ukrainiennes parce que les défenses antiaériennes de l’Ukraine sont faibles et que l’Ukraine ne peut pas riposter de la même manière. Comme ses menaces de guerre nucléaire ne parviennent pas à effrayer le monde, Poutine pense que les attaques aériennes stratégiques sont sa carte gagnante.
Cependant, alors que la guerre s’éternise et que le nombre de victimes de l’armée russe augmente, il se peut que ce soit sa seule carte à jouer.
Poutine parie que les Ukrainiens qui ont été gelés, affamés et terrorisés par les bombardements se rendront, même si les Britanniques, les Allemands, les Japonais, les Éthiopiens, etc., ne l’ont pas fait.
Je pense que c’est un mauvais pari.
Austin Bay est auteur, chroniqueur et professeur de stratégie et de théorie stratégique à l’Université du Texas à Austin. Son dernier livre s’intitule Cocktails from Hell: Five Wars Shaping the 21st Century (Cocktails de l’enfer : cinq guerres qui façonnent le XXIe siècle).
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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