À l’origine de l’enquête visant la ministre de la Santé par intérim, Agnès Firmin Le Bodo, et d’autres pharmaciens partout en France figure une pratique rigoureusement interdite, et déjà condamnée par la justice, de « cadeaux » de la part des laboratoires Urgo.
Deux filiales du groupe Urgo ont eu recours, entre 2015 et 2021, à des pratiques illégales consistant à octroyer des avantages en nature à des pharmaciens d’officine, selon une enquête de la direction du ministère de l’Économie chargée de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF), menée en 2021.
« Le commercial du laboratoire Urgo présentait à chaque commande un catalogue saisonnier sur papier glacé référençant une liste d’articles pouvant être obtenus par le pharmacien en abandonnant une partie des remises commerciales » que le laboratoire aurait pu lui proposer, a expliqué à l’AFP l’avocat Éric Thiebaut, qui conseille plusieurs pharmaciens visés. « Ce catalogue ne faisait pas apparaître le prix de l’article mais simplement sa contrevaleur en points », a-t-il relevé.
De nombreux pharmaciens concernés
Les pharmaciens concernés sont nombreux à affirmer que Urgo proposait « spontanément » son catalogue, et qu’ils n’avaient pas conscience du caractère « répréhensible » de la pratique, selon la même source.
Selon la DGCCRF, Urgo a offert au total plus de 55 millions d’euros de cadeaux, et « dans les cas les plus graves, la valeur des cadeaux a pu représenter plusieurs dizaines de milliers d’euros ».
Le système permettait au laboratoire « de fidéliser une clientèle avec des marges commerciales plus conséquentes et aux professionnels de santé d’obtenir des avantages personnels », résumait en janvier le procureur de la République de Dijon Olivier Caracotch.
Dans le cas d’Agnès Firmin Le Bodo, elle-même pharmacienne, elle aurait reçu sans les déclarer au fisc plus de 20.000 euros de « cadeaux » de la part d’Urgo (montres, smartphones, bouteilles de champagne, etc.), selon Mediapart.
La loi dite « anti-cadeaux », née en 1993 et complétée ensuite, interdit les pratiques comme celles utilisées par Urgo, avec l’objectif de préserver l’indépendance des professionnels de santé.
Selon le code de la Santé publique, « les pharmaciens, comme les étudiants destinés à le devenir, ont l’interdiction de recevoir des avantages en nature, ou en espèces, sous quelque forme que ce soit, d’une façon directe ou indirecte, procurés par des entreprises assurant des prestations de santé, produisant ou commercialisant des produits de santé », résume l’Ordre national des pharmaciens sur son site internet.
« Si un pharmacien contrevient à ces règles, ou ne respecte pas les exigences légales, il s’expose à des poursuites disciplinaires et pénales pouvant aller jusqu’à un an d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende », souligne-t-il.
L’entreprise proposant ou procurant ces cadeaux est coresponsable pénalement, passible de deux ans d’emprisonnement et 150.000 euros d’amende.
Le laboratoire Urgo a été condamné par la justice dans cette affaire en janvier à Dijon à une amende de 1,125 million d’euros – dont 625.000 avec sursis – accompagnée de saisies pénales de plus de 5,4 millions d’euros. Urgo avait reconnu les faits et accepté l’amende proposée par le parquet, s’évitant un procès public.
En revanche, le volet concernant les pharmaciens est toujours en cours, avec des auditions par la DGCCRF partout en France. Selon Me Thiebaut, la DGCCRF a l’intention de les terminer d’ici à la fin de l’été 2024. La suite des procédures dépendra des procureurs, qui peuvent renvoyer le cas échéant le pharmacien devant le tribunal correctionnel. « C’est la première fois » qu’une infraction à la législation anti-cadeaux « est poursuivie à une telle échelle », a-t-il indiqué.
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