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Des « bébés robots » pour décourager les grossesses précoces en Colombie

juin 28, 2019 9:49, Last Updated: juillet 12, 2019 14:26
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« Anthony » pleurait si fort la nuit qu’il a empêché Susana de dormir. Et la fillette de 13 ans s’est sentie soulagée quand elle a rendu son « bébé robot », outil utilisé par une municipalité de Colombie pour freiner les grossesses adolescentes.

Le week-end où elle a dû prendre soin du « nourrisson » lui a semblé durer une éternité. Les cris dérangeaient même ses parents, avec lesquels elle partage une chambre dans la localité de Caldas, à une demi-heure de Medellin (nord-ouest). « Cette expérience a été trop dure ! Etre maman ou papa n’est pas facile. C’est horrible, horrible ! Le bébé n’arrête pas de pleurer et il faut tout le temps en prendre soin », se souvient Susana Ortegon, brunette au teint couleur cannelle.

Le simulateur de bébé,  un baigneur de caoutchouc équipé d’un dispositif électronique, est arrivé dans ses bras à la suite du programme mis en oeuvre par la mairie de Caldas dans les collèges de cette ville de 78.000 habitants. Reprenant une initiative développée dans au moins 89 pays, les autorités l’ont intégré dans leur projet socio-éducatif. Elles proposent aussi des ateliers, un travail en famille et des cours d’éducation sexuelle.

« Grâce à cette stratégie, nous avons réussi à diminuer fortement le nombre de grossesses adolescentes »,  précise à l’AFP le secrétaire municipal de la Santé, Juan Carlos Sanchez. En 2017, quand le programme a été lancé, la municipalité enregistrait 168 grossesses de jeunes filles de 13 à 19 ans, puis 141 l’an dernier, selon le responsable.

Plus de 1.200 mineurs ont suivi ces cours à Caldas, où près de 15% de la population est âgée de 10 à 19 ans. En Colombie, 19,8% des bébés nés en 2018 étaient de mères âgées de 10 à 19 ans, selon le service national des statistiques. Les simulateurs sont programmés pour se comporter comme un nouveau-né. Ils crient pour être nourris, quand leurs couches ont besoin d’être changées ou pour être réconfortés.

Susana a dû s’occuper d’un « bébé » âgé de moins de deux mois. « C’est comme avoir un enfant en chair et en os », dit-elle, les traits marqués par le manque de sommeil. « La nuit dernière, je me suis réveillée si souvent que j’en ai pleuré. » Au départ elle l’appelait « Tony Stark », l’homme derrière le masque d’Iron Man. Puis elle a réalisé que c’était du sérieux et a choisi « Anthony ».

Pour Miguel Angel Suarez, autre adolescent, l’expérience a également été synonyme de sacrifices. Il a dû rester chez lui le samedi et le dimanche pour prendre soin de « Sofia », tandis que ses copains jouaient au foot. « La grossesse n’est pas de la seule responsabilité des femmes », estime ce garçon de 17 ans, alors que son « bébé » commence à pleurer. « Cela nous donne une leçon. »

Le programme est destiné à des jeunes de deux sexes et n’est pas obligatoire, souligne M. Sanchez. Selon les autorités, les parents apprécient l’initiative, bien que certains se soient opposés aux cours d’éducation sexuelle estimant qu’ils pouvaient avoir un effet incitatif.

« Cela me semble un très bon projet car il fait prendre conscience aux adolescents qu’avoir un enfant si jeune, et sans terminer ses études, est très difficile », déclare Viviana Sierra, la mère de Susana. Après l’expérience, chacun avec son propre « bébé », Miguel Angel et Susana affirment catégoriquement qu’ils ne veulent pas être des parents adolescents.

« Je ne veux pas le faire à mon âge » et pas avant d’avoir un travail pour donner à l’enfant « une vie digne », dit-il. Mais elle estime que cela peut avoir l’effet inverse sur certains: « C’est une expérience très réaliste et il y a des personnes qui peuvent la prendre à l’opposé », penser qu’un vrai bébé « serait une compagnie ».

Selon une étude publiée par la revue scientifique The Lancet en août 2016, les adolescentes qui participent au programme des « bébés robots » peuvent, en fait, tomber plus fréquemment enceintes que les autres. Les chercheurs ont divisé en deux groupes près de 3.000 filles âgées de 13 à 15 ans, qu’ils ont suivies en Australie jusqu’à leur 20e anniversaire: 1.267 ont reçu des simulateurs tandis que 1.567 ont suivi des cours traditionnels sur la santé.

« Comparées aux filles du groupe de contrôle, celles impliquées dans le programme Education infantile virtuelle (bébés robots) ont présenté des taux de grossesse et d’avortement plus élevés », selon cette étude.

M. Sanchez admet que les « simulateurs » ne sont pas suffisants comme « stratégie unique ». « Mais avec ce que nous mettons en oeuvre en parallèle, ça a plutôt réussi et de ce fait, nous poursuivons l’intervention pour une troisième année. »

E.T. avec AFP

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