Des bulletins de vote et des blindés : comment Paris s’efforce de répondre aux troubles en Nouvelle-Calédonie

Par Rex Widerstrom
4 juin 2024 16:44 Mis à jour: 12 juin 2024 21:06

Alors que l’état d’urgence a été officiellement levé le 28 mai, la police de Nouvelle-Calédonie a reçu de nouvelles armes pour réprimer les émeutes, par le biais de camions blindés ultramodernes pouvant être équipés de mitrailleuses et capables de circuler n’importe où.

Le ministre de l’Intérieur et de l’Outre-mer, Gérald Darmanin, a déclaré que les véhicules, baptisés Centaure, peuvent également tirer des gaz lacrymogènes depuis la tourelle et transporter jusqu’à dix personnes.

« Ces véhicules blindés aideront la police à lever tous les barrages routiers et à rétablir totalement l’ordre public dans l’archipel », a assuré M. Darmanin.

« En cas de menaces plus graves, telle une attaque terroriste, qui impliquerait le recours à la force armée, le Centaure peut alors être équipé d’une mitrailleuse télécommandée de calibre 7,62. »

Les 3000 militaires envoyés sur le territoire après le début des troubles y resteront jusqu’à nouvel ordre.

Des rapports en provenance de Nouméa, la capitale, font état d’escarmouches entre les manifestants socialistes – qui continuent d’ériger des barrages routiers et y mettent parfois le feu – et les forces de sécurité, et des bâtiments, dont des maisons, qui ne cessent d’être incendiés.

Aussitôt les barrages levés, les manifestants les remettent en place.

Cette photographie montre un slogan « combat sans arme » dans le quartier des Jacarandas à Dumbéa, en Nouvelle-Calédonie, territoire français du Pacifique, le 2 juin 2024. (Delphine Mayeur/AFP via Getty Images)

La situation s’est envenimée après la diffusion d’une vidéo montrant trois policiers municipaux de Nouméa en train de commettre des actes d’une extrême violence sur un Kanak (autochtone local) qu’ils venaient d’arrêter.

Ils ne font pas partie des forces de sécurité françaises envoyées pour rétablir l’ordre public et font maintenant l’objet d’une enquête criminelle formelle.

Alors que les funérailles des personnes tuées lors des troubles se poursuivaient à Nouméa, l’ancien footballeur et champion de la Coupe du monde 1998 Christian Karembeu a révélé que deux membres de sa famille ont été abattus pendant les émeutes.

Le joueur de football français à la retraite Christian Karembeu parle lors d’une interview sur le teqball pendant le SPORTEL Monaco 2017 au Grimaldi Forum à Monaco, le 24 octobre 2017. (Olivier Anrigo/Getty Images)

S’adressant à la radio française Europe 1 lundi, M. Karembeu a déclaré : « Deux membres de ma famille ont été tués par balle dans la tête, par un sniper. Le mot est fort, mais oui, c’est vrai que c’est un assassinat et qu’on espère des enquêtes et des investigations sur ces meurtres ».

Le footballeur kanak a déclaré que les victimes étaient son neveu et sa nièce.

Sa carrière comprend également 53 sélections en équipe de France de football et des passages dans des clubs européens prestigieux tels que le Real Madrid (où il a remporté deux Ligues des champions).

Le procureur de la République de Nouméa, Yves Dupas, a indiqué qu’une enquête était en cours et qu’un chef d’entreprise européen avait déjà été arrêté et se trouvait toujours en garde à vue.

« Nous avons, parmi les victimes civiles, quatre personnes de la communauté kanak et il est possible que certaines d’entre elles soient liées à Christian Karembeu », a-t-il déclaré.

Interrogé sur l’éventualité d’un nombre de morts plus élevé que celui annoncé, il a confirmé que le bilan restait à sept morts.

Le vote aux élections européennes se poursuit

Malgré les tensions persistantes, la France a décidé de maintenir les élections européennes en Nouvelle-Calédonie le 2 juin.

Le Haut Commissaire du territoire, Louis Le Franc, a fait savoir dans un communiqué que le matériel de vote était arrivé et que les préparatifs étaient en cours.

Paris espère que l’élection sera perçue comme un rappel aux Néo-Calédoniens qu’ils sont toujours considérés comme faisant partie de la République.

Un couvre-feu sera maintenu de 18 heures à 6 heures du matin jusqu’au lendemain des élections, de même qu’une interdiction de vente d’armes à feu et d’alcool.

M. Le Franc a indiqué que l’aéroport international de Nouméa resterait fermé jusqu’à nouvel ordre, le temps que la situation se « normalise ».

Le Front Socialiste se défie

Le 4 juin, le Front de libération nationale kanak socialiste (FLNKS), parti indépendantiste, a envoyé une lettre au président français Emmanuel Macron pour lui dire qu’il ne serait pas en mesure de persuader les manifestants de lever les barrages routiers parce qu’ils n’étaient pas convaincus que le président abandonnerait les réformes électorales litigieuses.

« Malgré plusieurs rencontres avec des militants mobilisés aux barrages et deux déclarations du FLNKS appelant à l’apaisement … ce message reste peu entendu sur le terrain », indique la lettre.

Les réformes auraient élargi les listes électorales aux citoyens français résidant en Nouvelle-Calédonie depuis dix ans. Les groupes autochtones craignent que cette mesure ne dilue le vote en faveur de l’indépendance lors du prochain référendum.

Les groupes autochtones du territoire sont largement favorables à l’indépendance.

Lors de sa visite qui a duré 18 heures en Nouvelle-Calédonie les 23 et 24 mai, le président français a promis qu’il n’imposerait pas la réforme du mode de scrutin qui a déclenché les émeutes.

Le FLNKS a déclaré que ses commentaires avaient été mal compris par les habitants, car le président n’a pas garanti l’abandon de la réforme constitutionnelle proposée.

« Ce malentendu représente une réelle difficulté et empêche nos militants d’entendre l’appel au calme et à l’apaisement », peut-on lire dans leur lettre.

Les élections pourraient avoir un impact sur la poussée indépendantiste

En France, le parti de droite, le Rassemblement national, est en tête des sondages avec 32 % des intentions de vote.

Son leader, Jordan Bardella, a appelé les électeurs à voter contre le parti Renaissance du président Macron, dont la candidate, Valérie Hayer, est actuellement en difficulté dans les sondages, avec 15 points de retard sur le candidat du Rassemblement national.

De son côté, le candidat socialiste Raphael Glucksmann obtient des résultats similaires à ceux de Mme Hayer.

Bien que les élections ne concernent pas l’Assemblée nationale française, une victoire de la droite pourrait indiquer une baisse du soutien à Macron.

Si cette situation devait se reproduire lors des élections présidentielles et législatives de 2027, ce serait une mauvaise nouvelle pour les Kanaks, car les partis de droite en France se sont traditionnellement opposés à l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie.

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