Plusieurs dizaines de milliers de manifestants pro-démocratie ont bravé samedi, pour la troisième journée consécutive, l’interdiction de rassemblement à Bangkok pour réclamer la démission du Premier ministre et une réforme de la monarchie, avant de se disperser dans le calme.
Les tensions de vendredi, où la police a évacué les protestataires à l’aide de canons à eau et procédé à une série d’interpellations, n’ont pas dissuadé la contestation étudiante.
Samedi, cette dernière s’est déployée sur plusieurs sites hors du centre-ville, rendu difficile d’accès après la fermeture de toutes les lignes de métro par les autorités.
Le mouvement, qui défile depuis trois mois, réclame la démission du Premier ministre, Prayut Chan-O-Cha, porté au pouvoir par un coup d’Etat en 2014 et légitimé par des élections controversées l’année dernière. Il ose aussi demander une réforme de la puissante et richissime monarchie, un sujet tabou dans le pays il y a peu.
Le roi Maha Vajiralongkorn n’a pas directement commenté les événements, mais déclaré à la télévision que la Thaïlande a « besoin d’un peuple qui aime son pays, d’un peuple qui aime l’institution » que représente la monarchie.
Un engouement international
La situation suscite un fort engouement international: samedi soir, le hashtag #mobOctober17 était numéro un sur Twitter.
Jeudi et vendredi, plusieurs milliers de personnes s’étaient déjà réunies dans le centre de la capitale, malgré la promulgation du décret d’urgence interdisant tout rassemblement de plus de quatre personnes.
Des dizaines de personnes ont été interpellées ces quatre derniers jours, dont dix leaders du mouvement pro-démocratie. Certaines ont été depuis relâchées, d’autres libérées sous caution, d’autres comme Anon Numpa, particulièrement virulent envers la royauté, ont été emprisonnées dans le nord du pays.
Le parti d’opposition Pheu Thai a appelé le gouvernement à libérer immédiatement les personnes détenues.
Le décret promulgué est « un feu vert » donné aux autorités « pour violer des droits fondamentaux et opérer des arrestations arbitraires en toute impunité », a condamné l’ONG Human Rights Watch, appelant la communauté internationale à réagir.
« Ne violez pas la loi, (…) je ne démissionnerai pas », a mis en garde vendredi le général Prayut Chan-O-Cha, ajoutant que les mesures d’urgence seraient appliquées pendant une période maximale de 30 jours. Un couvre-feu n’est pas exclu dans la capitale.
Le militaire est au pouvoir depuis qu’il a renversé en 2014 Yingluck Shinawatra, soeur de l’ex-Premier ministre Thaksin Shinawatra.
Des tensions politiques
« Des centaines de milliers de personnes demandent aujourd’hui des changements », a relevé cette dernière sur Twitter, exhortant Prayut Chan-O-Cha à tout faire pour « restaurer la paix ».
Aux tensions politiques s’ajoute une crise économique. Tributaire du tourisme et verrouillée depuis la pandémie de coronavirus, la Thaïlande est en pleine récession avec des millions de personnes sans emploi.
Les autorités ont motivé la promulgation des mesures d’urgence en dénonçant notamment des incidents mercredi à l’encontre d’un cortège royal.
La Thaïlande est habituée aux violences politiques, avec 12 coups d’Etat depuis l’abolition de la monarchie absolue en 1932.
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