Dans la ville confinée de Xi’an, des patients mourants et privés de soins suscitent l’indignation

Par Eva Fu
12 janvier 2022 00:25 Mis à jour: 12 janvier 2022 00:25

Le jour du Nouvel An, dans la ville chinoise confinée de Xi’an, une femme enceinte de huit mois a fait une fausse‑couche alors qu’elle attendait dans le froid glacial devant un hôpital. On lui a refusé l’entrée parce que son résultat négatif au test Covid-19 n’était plus valable à quelques heures près.

Une main soutient son ventre tandis qu’elle s’appuie sur le bord d’un minuscule tabouret rose à l’extérieur de l’hôpital Xi’an Gaoxin. Le sang s’écoule, formant une petite flaque rouge à ses pieds.

« Attendez », voilà la réponse en un mot des responsables de l’hôpital lorsqu’un membre du personnel a posé une question au sujet de la femme, selon les médias chinois.

La femme a dû attendre pendant deux heures, et lorsque l’hôpital a finalement cédé et l’a admise aux soins d’urgence, il était trop tard. Elle avait perdu son bébé.

Son épreuve, dont les images ont été publiées sur Weibo (le Twitter chinois), a déclenché une vague de colère et d’angoisse à Xi’an. Tous les habitants de cette ville sont confinés chez eux depuis le 23 décembre face à l’augmentation des cas de Covid-19.

Depuis deux dernières semaines, les habitants exaspérés inondent les médias sociaux chinois en demandes de nourriture et de fournitures de base, déclenchant l’indignation publique. Ceci ne fait que renforcer les doutes quant à la viabilité de la stratégie adoptée par le régime chinois depuis deux ans, qui consiste à ne tolérer aucun cas de virus, quel qu’en soit le coût, une politique connue sous le nom de « zéro Covid ».

« Dans le Xi’an d’aujourd’hui, vous pouvez mourir de faim ou de maladie, mais vous ne pouvez pas mourir du Covid-19 », a écrit un commentateur en ligne.

Un camion pulvérise du désinfectant dans la rue à Xi’an, dans la province chinoise du Shaanxi, au milieu d’un confinement du Covid-19, le 31 décembre 2021. – Chine OUT (STR/AFP via Getty Images)

Des dizaines d’histoires similaires à celle de cette femme enceinte ont circulé sur la toile. L’une d’entre elles concerne une femme dont le père a ressenti des douleurs thoraciques aiguës le 2 janvier. Elle a appelé la ligne d’urgence, mais on lui a répondu qu’on ne savait pas quand on pourrait faire venir une ambulance. Lorsque son père, âgé de 61 ans, a été admis à l’hôpital 8 heures plus tard, son état s’était considérablement aggravé. Il souffrait d’une déchirure de l’aorte, une affection potentiellement mortelle, il est décédé peu après.

« Je ne peux pas imaginer le désespoir et l’agonie que mon père a vécu pendant les dernières heures de sa vie », a-t-elle écrit.

Un décès similaire s’est produit lorsqu’un homme de 39 ans souffrant d’une crise cardiaque s’est vu refuser l’admission dans trois hôpitaux ne pouvant produire un dossier de dépistage négatif au virus. Finalement, du fait de sa terrible souffrance, l’homme s’est cogné la tête contre un mur. Un quatrième hôpital l’a admis après avoir reçu les résultats de ses tests. Au moment de rejoindre enfin un lit d’hôpital, il ne respirait plus et son cœur ne battait plus, a déclaré un médecin à l’ami de l’homme, qui a enregistré la conversation dans une vidéo.

Pendant ce temps, un homme souffrant d’hypertension artérielle, M. Lin, a déclaré à NTD, le média partenaire d’Epoch Times, qu’il avait été bloqué au poste de contrôle dans l’enceinte de son quartier alors qu’il essayait de se rendre à l’hôpital pour obtenir des médicaments.

« Ils m’ont laissé sortir à contrecœur après que j’ai discuté avec eux pendant 40 minutes », a-t-il expliqué le 6 janvier. Les véhicules ayant été interdits, cet homme de près de 80 ans a dû lutter contre des vertiges pour marcher pendant 40 minutes. Il est arrivé à l’hôpital avec une tension artérielle qui lui faisait courir un risque élevé d’accident vasculaire cérébral.

« C’était un tel supplice », a-t-il déclaré.

La pression du public a obligé les autorités à assouplir certaines de leurs politiques. Les parents d’un enfant de 7 ans atteint de leucémie, dont la chimiothérapie de stade 3 a été retardée d’une semaine, ont réussi à lui réserver un rendez-vous à l’hôpital après avoir suscité l’attention du public en lançant un appel à la population.

« Ce qui est plus horrible que la mort, c’est d’être devant l’hôpital et d’attendre la mort », a déclaré un utilisateur de Weibo.

Un agent de sécurité vérifie les informations d’un résident à l’entrée d’une zone résidentielle soumise à des restrictions suite à une récente épidémie de coronavirus à Xi’an, dans la province chinoise du Shaanxi, le 23 décembre 2021. (STR/AFP via Getty Images)

Pour beaucoup, la réponse des autorités chinoises n’est que de la poudre aux yeux.

Dans le cas de la femme enceinte, les autorités de Xi’an ont pris des mesures rapides, car une d’elle a recueilli des dizaines de millions de vues sur le site de microblogage chinois Weibo. Deux chefs de service de l’hôpital ont été licenciés, et le directeur général a été suspendu de ses fonctions.

Au terme d’une enquête, des responsables de la ville ont déclaré lors d’une conférence de presse que l’incident était « un accident dû à une négligence ».

Mais les mesures prises ensuite par les censeurs chinois ont amené certains à observer que le régime semble plus soucieux de préserver son image que d’aider concrètement qui que ce soit.

C’est la nièce de cette femme qui a posté la vidéo sur son compte Weibo. Le compte a disparu dans la journée.

« Remarquable », a écrit un utilisateur de Weibo, après avoir remarqué la suppression. « Ils peuvent tout résoudre en bâillonnant les gens. »

La fille du patient cardiaque décédé le 2 janvier a déclaré à NTD que l’hôpital Xi’an International Medical Center, qui a traité son père, l’avait contactée et lui avait dit « de ne pas poster des choses à sa guise en ligne ». L’hôpital n’a pas répondu à l’enquête d’Epoch Times au moment de la mise sous presse.

Tôt le 5 janvier, certains habitants ont reçu une « annonce importante » sur WeChat, une autre plateforme de messagerie chinoise populaire, les avertissant que leurs groupes de discussion étaient activement surveillés, selon des captures d’écran partagées avec Radio Free Asia. Les « rumeurs » et les vidéos liées à l’épidémie étaient strictement interdites dans les chats, indiquait l’annonce, ajoutant que toute diffusion de « nouvelles négatives » entraînerait la suspension de compte.


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