Des rapports récents sur des tentatives de suicide d’étudiants mettent en lumière les défis du système éducatif chinois

Les étudiants chinois se sentent de plus en plus frustrés et impuissants face aux pressions académiques et au stress de la vie quotidienne

Par Lynn Xu & Pinnacle View
3 janvier 2025 17:50 Mis à jour: 5 janvier 2025 06:42

Ces dernières années, un nombre croissant d’écoliers chinois ont mis fin à leurs jours. Les enseignants chinois pointent du doigt le modèle éducatif soumis à de fortes pressions et régi par des examens comme principal facteur, encore aggravé par la récession économique que connaît le pays.

Plusieurs sources ont récemment déclaré à l’édition chinoise d’Epoch Times qu’au moins 30 collégiens de Wuhan avaient tenté de se suicider en sautant d’un bâtiment scolaire en l’espace de trois mois, de septembre à novembre de l’année dernière.

Wuhan, la capitale de la province du Hubei, est connue pour son taux élevé de diplômés du secondaire acceptés dans les universités chinoises de la Ligue Royale. La course aux admissions commence dès le primaire, car il est essentiel d’être accepté dans un collège réputé pour assurer sa place dans un lycée de premier plan.

Un rapport de 2023 du Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies montre une augmentation substantielle des taux de mortalité par suicide chez les jeunes âgés de 5 à 14 ans, avec une multiplication par 4 entre 2010 et 2021. Le taux de mortalité par suicide chez les personnes âgées de 15 à 24 ans « a augmenté de manière significative après 2017 ».

Le risque élevé de suicide chez les étudiants, selon le rapport, est dû aux croyances en matière d’éducation des parents et des enseignants chinois qui considèrent que « les résultats scolaires sont plus importants que tout le reste », engendrant ainsi une « pression immense » et de « graves troubles mentaux » chez les jeunes.

En raison de l’habitude qu’ont les autorités chinoises de sous-estimer et dissimuler les informations, il est difficile d’évaluer le nombre réel d’étudiants qui se sont suicidés dans le pays au cours des dernières années.

En avril 2023, le ministère chinois de l’Éducation a mis en place un plan visant à mieux contrôler la santé mentale et l’éducation des élèves, mais la mesure s’est révélée inefficace. Au contraire, les problèmes ont persisté, incitant les écoles à se protéger contre d’éventuelles poursuites judiciaires.

Le 25 décembre, une publication sur les réseaux sociaux a révélé que l’administration d’un collège de la ville de Meizhou, dans la province de Guangdong, avait exigé de tous les élèves qu’ils signent un contrat stipulant que l’école ne serait pas tenue pour responsable de tout incident d’automutilation ou de suicide.

Un autre billet révélait que les élèves d’autres collèges de la province avaient également signé des contrats similaires, suscitant de nombreuses critiques en ligne.

Face à la pression croissante de l’opinion publique, le bureau local de l’éducation est intervenu et a demandé aux écoles d’abandonner les contrats étudiants.

Les étudiants chinois sont les victimes

Certaines autorités éducatives locales ont suspendu les examens et réduit la charge de travail académique pour aider les étudiants à gérer leur niveau de stress.

Début décembre, le bureau de l’éducation du parc industriel de Suzhou a annoncé un plan de couvre-feu pour les devoirs dans une lettre ouverte à tous les parents du district scolaire. La ville de Suzhou, située dans la province côtière de Jiangsu, est réputée pour les bons résultats scolaires de ses élèves.

Le nouveau plan du district fixe des heures précises à respecter pour faire les devoirs à la maison : 21 h 20 pour les élèves du primaire, 22 h pour les collégiens et 23 h pour les lycéens. Les élèves peuvent se coucher après ces heures limites, même s’ils n’ont pas terminé leurs devoirs, mais les parents doivent avertir l’école le lendemain matin pour s’assurer que leur enfant ne sera pas pénalisé.

Cette nouvelle politique a été mise en œuvre à la suite d’informations faisant état de trois collégiens du parc industriel de Suzhou qui, accablés par la pression scolaire, auraient sauté ensemble du haut d’un immeuble en se tenant par la main. Les médias d’État chinois ont rapporté l’incident le mois dernier et ont déclaré que la police n’y avait vu qu’une rumeur.

Epoch Times n’a pas pu vérifier en toute indépendance la véracité de cet incident.

Une enseignante de Shanghai, qui a requis l’anonymat par crainte de représailles des autorités, a déclaré à Epoch Times que le système éducatif chinois caractérisé par son intensité et sa lourde charge de travail en faisait le « modèle d’apprentissage le plus imparfait au monde ».

« Les étudiants chinois sont les victimes », a-t-elle déploré.

L’enseignante a expliqué que de nombreux collégiens doivent étudier de 7 heures à 23 heures tous les jours, avec un seul jour de repos toutes les deux semaines. Ces horaires exténuants, qui représentent en moyenne plus de 100 heures par semaine, ont « gravement affecté la santé mentale des élèves », a-t-elle ajouté.

Des élèves lisent des manuels scolaires nouvellement publiés dans une école primaire de la ville de Zhangye, dans la province de Gansu, en Chine, le 28 août 2023. (STR/AFP via Getty Images)

Au fil des ans, les autorités ont tenté à plusieurs reprises de résoudre le problème de la lourde charge de travail des étudiants.

En juillet 2021, le Comité central du Parti communiste chinois et le Conseil d’État ont publié un avis appelant à une réduction de la charge de travail à domicile et de la formation extrascolaire des étudiants, connue sous le nom de « double coupe ».

Yang Hua, une élève de troisième de Wuhan qui a utilisé un pseudonyme pour des raisons de sécurité, a estimé que la mesure ne contribuait pas à réduire le fardeau des étudiants.

« Nous avons l’impression que la situation empire, car les difficultés rencontrées lors des examens n’ont pas diminué », a-t-elle confié à Epoch Times.

En Chine, l’admission à l’université est uniquement déterminée par les résultats des candidats à une série d’examens portant sur six matières et organisés au début du mois de juin.

Mlle Yang a ajouté que les élèves pouvaient avoir recours à des cours de soutien après l’école pour faire face à des examens difficiles, mais que cette option n’était plus facilement accessible.

Le secteur du soutien scolaire privé en Chine fait l’objet de mesures de répression depuis juillet 2021, le Parti communiste chinois (PCC) craignant que ce secteur ne porte atteinte au système éducatif monopolistique de l’État et à son idéologie communiste, qui a été incorporée dans le programme scolaire national.

Le PCC a industrialisé son système éducatif en 1999, avec l’intention de faire des étudiants ses successeurs.

Davantage de pression sur les étudiants

Selon Shi Shan, spécialiste de la Chine et contributeur à l’édition chinoise d’Epoch Times, la récession économique est l’un des principaux facteurs à l’origine de l’augmentation des suicides d’étudiants.

« Le stress de la vie se transformerait en pression psychologique. Cette pression serait ensuite transmise aux groupes les plus vulnérables de la société, à savoir les enfants et les adolescents », a expliqué M. Shi.

La forte baisse du marché immobilier ces deux dernières années a réduit la richesse des familles chinoises. Les acheteurs ont investi une grande partie de leurs économies dans l’immobilier. Selon un rapport officiel de recherche financière, près de 80 % de la dette totale des ménages se concentre sur des prêts hypothécaires immobiliers.

En outre, le taux de chômage des jeunes a atteint un niveau record de 46,5 % en mars de l’année dernière, selon un rapport rédigé par un universitaire chinois, Zhang Dandan, professeur attaché à l’université de Pékin.

Mlle Yang a expliqué qu’elle et ses camarades de classe pensaient que leur valeur était uniquement liée à leurs résultats scolaires parce que « l’environnement social actuel force les gens à penser que les études sont le seul moyen de réussir sa vie ».

« Mais tant de diplômés de l’enseignement supérieur ne trouvent pas d’emploi ; nous n’avons plus envie de faire des études », a-t-elle souligné, faisant référence au taux de chômage élevé des jeunes en Chine.

Zhai Deyun, ancien enseignant de la province du Jiangxi, a souligné qu’un système éducatif doit favoriser un environnement sain pour les enfants, tant sur le plan physique que mental. Cependant, le système éducatif instauré par le PCC entrave ce processus.

« Le système éducatif chinois évalue les étudiants suivant un système de classement par examen et discrimine ceux qui sont à la traîne », a-t-il ajouté, précisant que le PCC fait participer les étudiants à sa quête de domination mondiale.

Des collégiens participent à une cérémonie d’entraînement militaire à Anyang, dans la province du Henan, en Chine, le 28 août 2023. (STR/AFP via Getty Images)

Dans les années 1990, Jiang Zemin, alors à la tête du PCC, a lancé le « projet 985 » et le « projet 211 ». Le « projet 985 », ainsi nommé après son lancement en mai 1998, a sélectionné 39 universités pour en faire des institutions de premier plan à l’échelle mondiale. Le « projet 211 » devait soutenir 100 institutions tournées vers le 21e siècle.

L’actuel dirigeant du PCC, Xi Jinping, a aboli ces deux projets en 2015 lors d’une purge du système éducatif visant son rival politique Jiang et sa faction. Ces classifications d’universités restent néanmoins largement utilisées pour le recrutement des étudiants, et de nombreux parents exercent une forte pression sur leurs enfants afin qu’ils soient admis dans une « université 985 » en vue d’un meilleur avenir.

Dans certains cas, l’examen d’entrée pour devenir fonctionnaire exige un diplôme d’au moins une « université 211 », tandis que certaines agences ne prennent en compte que les diplômés des « universités 985 ».

« C’est une norme sociétale qui conduit les parents à croire que s’ils ne suivent pas cette voie, leurs enfants n’auront pas d’avenir », a poursuivi M. Zhai.

En 2017, Xi a introduit le plan « Double-Première Classe », qui se concentre sur 42 universités et 95 disciplines, notamment celles relatives à la sécurité nationale et aux intérêts vitaux du Parti. Le plan entend développer ces institutions et ces domaines pour atteindre des normes de classe mondiale avec le soutien de l’État d’ici à 2050.

Ni les réformes éducatives de Jiang ni celles de Xi n’ont modifié le système de classification hiérarchique dans les collèges et les universités, qui continue de favoriser un environnement éducatif axé sur les tests dans les écoles primaires, les collèges et les lycées.

Les parents chinois investissent massivement dans l’éducation de leurs enfants, mais sont affectés par les politiques du PCC, a précisé M. Zhai.

« Les parents pensent que seules les meilleures universités sélectionnées dans le cadre du programme national peuvent offrir à leurs enfants un meilleur avenir, exerçant une pression énorme sur eux afin qu’ils réussissent. »

En juin, un nombre record de 13,42 millions d’étudiants ont passé l’examen d’entrée à l’université 2024, soit 510.000 de plus qu’en 2023, selon les données officielles. Pour les candidats à l’université, la pression pour être admis est plus forte que jamais.

Luo Ya a contribué à la rédaction de cet article.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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