Déserts médicaux : les candidats à la présidentielle cherchent le remède

janvier 5, 2017 7:57, Last Updated: janvier 5, 2017 7:57
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La question des déserts médicaux s’invite dans la campagne des élections présidentielles, et elle s’invite tôt. Après les candidats aux primaires de la droite, c’est au tour de ceux des primaires de la gauche d’avancer leurs propositions pour réduire les inégalités entre les Français dans l’accès aux soins selon leur lieu d’habitation.

En effet, les différences ne cessent de s’accentuer. Les campagnes sont confrontées au non renouvellement des médecins exerçant en cabinet et au désengagement des services publics de santé. Les aides à l’installation pour les jeunes médecins et l’ouverture de maisons médicales en zone rurale ne résolvent qu’en partie le problème. Lequel touche désormais aussi des petites villes et des communes de banlieue.

La France compte 285 840 médecins en exercice au 1er janvier 2016, selon le Conseil national de l’Ordre des médecins. L’étude de la démographie médicale sur tout le territoire fait apparaître une géographie très caractéristique du manque de médecins libéraux. La carte la plus récente de la densité médicale dessine une France mouchetée de taches blanches, les désormais célèbres « déserts médicaux ».

Le remplacement problématique du médecin partant à la retraite

Les territoires ruraux, qui souffrent de leur manque d’attractivité par rapport aux villes, sont les moins bien dotés. Dès lors, on comprend l’inquiétude de nombreux maires confrontés, en milieu rural, aux difficultés du remplacement d’un médecin partant à la retraite. Mise à disposition d’un local, recherche d’un emploi pour le conjoint : les maires doivent multiplier les initiatives, sous peine de ne trouver personne pour reprendre le cabinet.

Aussi, la création de maisons de santé – financées sur fonds publics – hébergeant en un même lieu médecins, infirmiers ou kinésithérapeutes, constitue une solution plus confortable, qui séduit dans les campagnes. Reste que ces équipements sont très coûteux pour des communes qui doivent déjà se serrer la ceinture, dans un contexte de baisse des dotations générales de fonctionnement.

Si les campagnes sont durement touchées par la pénurie de médecins, des petites villes et des banlieues de grandes villes sont aussi concernées. Par exemple, dans le quartier toulousain de Borderouge situé à seulement 10 kilomètres du Capitole et comptant pas moins de 35 000 habitants, on ne compte qu’un seul médecin généraliste ! Notons que l’Assurance-maladie estime qu’il n’est plus possible pour un médecin d’accepter de nouveaux patients au-delà de 1 200 personnes déjà suivies…

Les plus fortes densités sur les côtes françaises

Parmi les solutions avancées ces dernières années, l’idée de réduire la possibilité pour les médecins de s’installer où bon leur semble est sans doute celle qui suscite le plus de débat. Le cadre de vie des praticiens joue un rôle important dans leur choix. Aucune surprise donc à ce que ce soit sur les côtes françaises que l’on retrouve les plus fortes densités.

C’est dans cette perspective que Jean-Luc Fichet, sénateur-maire PS de Lanmeur (Finistère) et Hervé Maurey, sénateur-maire UDI de Bernay (Eure), recommandaient en 2013 d’encadrer la liberté d’installation des médecins. La mesure proposée consiste à exclure du conventionnement avec l’Assurance-maladie les médecins qui souhaiteraient s’installer dans les zones à forte densité médicale. Dans ce cas, leurs patients ne seraient pas remboursés de leurs consultations. En présentant devant le Sénat son rapport d’information sur la lutte contre les déserts médicaux, Hervé Maurey avait même déclaré qu’il faudrait procéder comme pour la répartition des pharmacies – une officine ouverte pour un nombre donné d’habitants.

La défense du principe de liberté d’installation

La profession médicale s’est insurgée contre cette remise en cause du principe de liberté d’installation. Elle a suggéré d’inverser la question en s’interrogeant plutôt sur les raisons pour lesquelles les praticiens ne s’installent pas dans certains endroits. Aujourd’hui, les jeunes médecins souhaitent préserver leur vie sociale et familiale, ce qui semble difficilement conciliable avec une activité dépassant les 70 heures de travail par semaine dans les zones sous dotées. Cette aspiration est plus forte encore chez les femmes, dont la proportion chez les nouveaux diplômés en médecine atteint désormais 60 %. Elles se tournent plus volontiers vers le salariat, avec des horaires fixes facilitant la vie de famille.

Quelles solutions alternatives proposer, alors, pour voir disparaître les déserts médicaux ? En cette période pré-électorale, les prises de position sur cet enjeu important aux yeux des Français se multiplient. La ministre de la Santé, Marisol Touraine, en a fait son cheval de bataille. Parmi les idées développées, on retrouve l’augmentation du numerus clausus, éternel sujet de débat. La ministre a annoncé le 24 novembre 2016, devant l’Assemblée nationale, un relèvement de 11 % du nombre de places au concours d’entrée en médecine de 2017. Elle a déclaré à cette occasion que toute « coercition à l’installation » était écartée.

Le nouveau Premier ministre, Bernard Cazeneuve a néanmoins laissé entendre le 13 décembre 2016, dans son discours de politique générale, que de nouvelles mesures seraient prises début 2017 « pour assurer l’accès des patients aux soins dans les territoires, pour lutter contre les déserts médicaux et inciter les professionnels de santé à y exercer ». Sans plus de précisions depuis.

La suppression pure et simple du numerus clausus

L’ex-premier ministre PS Manuels Valls a choisi d’aller plus loin. Dans le programme présenté dans le cadre de sa candidature aux primaires à gauche, il propose la suppression pure et simple du numerus clausus. Pour sa part, le député PS des Yvelines Benoît Hamon, également candidat aux primaires de gauche, a fait grand bruit le 12 décembre 2016 en inscrivant à son programme le non conventionnement aux médecins qui s’installent dans des zones surdotées.

La même mesure, présentée sous le nom de « conventionnement sélectif », est soutenue par le président PS de la région Centre-Val de Loire, François Bonneau. Fin décembre 2016, il a encouragé les départements de sa région à se porter volontaire pour d’éventuelles expérimentations en la matière. En réponse, l’Union Régionale des Professionnels de Santé a fait part de son inquiétude quant à une possible diminution des installations de confrères que cela pourrait entraîner.

La télémédecine à l’état de promesse

Parmi les solutions aux déserts médicaux, on trouve également le développement de la télémédecine. Les consultations à distance, la prise en charge des patients via les ressources numériques et les pré-diagnostics en ligne suscitent beaucoup d’attentes. Mais leur mise en place reste encore, pour une grande part, à l’état de promesse.

Dès lors, tous les espoirs se concentrent, aujourd’hui, sur les maisons médicales. C’est le dispositif qui recueille le plus de soutien chez les candidats à l’élection présidentielle, notamment celui de la droite, François Fillon qui souhaite voir ce type d’établissement se multiplier. Une étude scientifique récente montre que dans les espaces à dominante rurale, où près des ¾ des maisons de santé sont implantées, une logique de rééquilibrage et de maintien de l’offre de soins de premiers recours se dessine. Par ailleurs, les résultats concluent à une évolution favorable de la densité de médecins généralistes dans les espaces avec des maisons de santé.

Maisons de santé, la panacée ?

Devant cette mutation rapide du paysage médical, l’Ordre des médecins a lancé une enquête de terrain pour savoir si les maisons de santé constituent vraiment la panacée. Les résultats seront rendus publics d’ici la fin du mois de janvier.

Quelque soit le niveau de service réellement rendu par ces établissements de santé pluriprofessionnels, la question de leur financement reste posée. Certains maires sont prêts à mettre la main à la poche parce qu’ils accueillent ces équipements, mais ceux des communes limitrophes y voient un intérêt bien moindre… Par ailleurs, la multiplicité de financeurs (Assurance-maladie, département, intercommunalité, ville) qui peuvent se retirer d’une année sur l’autre interroge la viabilité de ces projets, dont le coût est estimé à 800 000 euros en moyenne selon l’Ordre des médecins.

Nul doute que les inégalités territoriales d’accès aux soins vont, jusqu’à l’issue du scrutin du 7 mai prochain, cristalliser toutes les passions. Un processus qui verra, peut-être, émerger des solutions efficaces, à défaut d’être consensuelles.

Sebastien Bourdin, Enseignant-chercheur à l’Institut du développement territorial (IDéT), Laboratoire Métis, École de Management de Normandie

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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