Former toujours plus de médecins pour répondre à la crise de l’accès aux soins en France : les doyens des facultés de médecine sont réticents et cherchent d’autres solutions, quitte parfois à bousculer un peu la profession.
« Compte tenu du nombre de jeunes qu’on forme en médecine », à hauteur de 10.500 par an aujourd’hui, « je pense qu’on n’est pas à l’abri de se retrouver un jour dans une situation de pléthore médicale », a averti jeudi Patrice Diot, doyen honoraire de la faculté de médecine de Tours, lors d’un colloque organisé à l’Académie de médecine à Paris. « On fait du yo-yo en permanence », a-t-il regretté.
Les difficultés actuelles d’accès aux soins sont liées pour partie au numerus clausus, une politique de quota dans la formation de médecins lancée dans les années 1970 qui a connu son pic en 1993, quand la France n’avait plus que 3500 étudiants en 2e année de médecine dans ses facultés. Le quota a été desserré progressivement à la fin des années 1990, puis supprimé à l’initiative d’Emmanuel Macron.
« Il va falloir un peu contraindre »
Et en avril, Gabriel Attal alors Premier ministre a demandé que les facultés donnent un nouveau gros coup d’accélérateur à la formation d’étudiants, fixant un objectif de 16.000 carabins formés par an. Problème : ces nouveaux étudiants commenceraient à travailler vers 2035 au plus tôt, au moment même où les départs en retraite diminueraient drastiquement, et où la densité médicale commencerait à s’améliorer de manière sensible. « Le chiffre de 16.000 n’est pas documenté de façon scientifique », a souligné Benoit Veber, le président de la conférence des doyens qui organisait le colloque.
Pour autant, les doyens sont conscients des grandes difficultés actuelles d’accès aux soins. Ils proposent d’autres pistes pour faire évoluer le système de santé, quitte à agiter des sujets sensibles dans le secteur, comme la régulation de l’installation des médecins. « Il y a bien un moment où il va falloir un peu contraindre, comme les pharmaciens l’ont fait » et « favoriser les installations dans les zones sous-denses », n’a pas hésité à lancer le professeur Thierry Moulin, le doyen de l’université de Besançon.
Thierry Moulin propose de remettre en cause le classement national du concours de l’internat, qui conduit chaque année de nombreux jeunes internes à quitter leur région d’origine. Dans les zones sous-denses, dit-il, « il y a des étudiants formés dans des bassins de vie, issus de ces bassins de vie » qui devraient pouvoir y rester plus facilement s’ils le souhaitent.
« Service médical national »
Benoît Veber et Patrice Diot défendent, eux, le principe d’un « service médical national », un contrat d’un an à proposer aux jeunes médecins pour qu’ils aillent s’installer en zones sous-denses. Autre incursion des doyens dans un domaine sensible : les délégations de tâches ou partages de compétence avec les autres soignants (infirmières, kinés, pharmaciens et autres professions para-médicale) qui peuvent permettre de soulager des médecins surchargés. Un chiffon rouge pour certains médecins, qui redoutent de voir ces soignants empiéter sur leurs terres.
Mais cela pourrait libérer du temps pour les médecins, relèvent les doyens. « Il faut qu’on casse ce patriarcat du monde médical sur des exécutants », a lâché Thierry Moulin devant ses confrères. « Le temps médical, il faut le réserver pour les choses complexes. Ce qui est moins complexe, on délègue et on contrôle », a-t-il ajouté par la suite. « Une infirmière de pratique avancée, c’est cinq ans d’études, l’équivalent d’une formation d’ingénieur. On peut apprendre un certain nombre de choses dans ce temps-là », a estimé de son côté Benoît Veber.
Pour lui, il y a besoin de soignants non-médecins « formés à l’accompagnement de maladie chroniques », voire à la prescription dans certains cas, mais qui « exerceront toujours leur métier sous le contrôle d’un médecin ». « Ce que demandent les Français, c’est d’avoir accès aux soins, pas forcément à un médecin. Par contre ils veulent avoir accès à un médecin quand c’est justifié », a-t-il résumé.
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