Une entreprise du BTP qui sous-traite à une autre, puis une autre… À Bobigny, le tribunal s’efforçait lundi de déterminer l’éventuelle responsabilité de dix prévenus dans la mort de deux ouvriers sans-papiers et inexpérimentés sur un chantier en Seine-Saint-Denis.
Le samedi 8 juin 2019, les deux victimes, Kamel Benstaali, 34 ans, et Omar Azzouz, 29 ans, travaillent à la réhabilitation de la cité La Source à Épinay-sur-Seine, un chantier de 478 logements dont le bailleur est Plaine Commune Habitat.
Recrutés peu de temps avant le drame, ils s’emploient, ce matin-là, à la rénovation thermique, depuis l’extérieur, du 18e étage d’un bâtiment lorsque la nacelle sur laquelle ils se trouvent se détache. Aucun des deux n’était formé pour effectuer des travaux en hauteur.
Un rapport d’expertise pointera du doigt « un défaut d’ancrage » de la plateforme.
Accusations
Sept hommes âgés de 37 à 61 ans comparaissent devant le tribunal correctionnel notamment pour homicide involontaire et mise à disposition d’équipement de travail sans vérification de sa conformité et travail dissimulé.
Ils encourent jusqu’à cinq ans de prison et 75.000 euros d’amende.
Trois entreprises du BTP sont aussi sur le banc des prévenus en tant que personnes morales dans ce procès où les responsabilités s’entremêlent.
Les deux victimes avaient été embauchées peu avant leur décès sur le chantier par la société SRI, qui a été placée en liquidation judiciaire et dont le gérant est en fuite en Égypte.
« Cas d’école »
Spécialisée dans l’isolation thermique, SRI était un sous-traitant de la société ISO Systèmes, celle-ci travaillant pour le compte de l’entreprise Isore Bâtiment.
C’est cette dernière entité qui avait remporté le marché de la réhabilitation d’une partie de la cité de La Source pour sept millions d’euros.
Propriétaire de l’échafaudage, Isore Bâtiment avait aussi sous-traité son installation à la société Technimat.
« Il y a une cascade de responsables et de responsabilités qui doivent être déterminés », a expliqué avant l’audience Me Jean-Philippe Feldman, avocat des deux familles des victimes. Un « cas d’école » en matière de sous-traitance.
Deux ouvriers non qualifiés
En bout de chaîne, il y a M. Benstaali, un Algérien sans domicile fixe qui vivait de « petits boulots », a détaillé lundi la présidente du tribunal Élisabeth Dugre. Il avait été embauché sur le chantier une semaine avant son décès.
Auparavant, « il travaillait sur les marchés » et n’avait « pas de qualification » dans le BTP, a assuré son cousin.
Omar Azzouz, de nationalité marocaine, a été un temps « plaquiste » à Grenoble mais n’était pas vraiment qualifié, a souligné la présidente.
Leur chef de chantier n’avait fait leur connaissance que quelques heures avant le drame.
Le procès doit s’achever vendredi.
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