Entre les politiques mises en œuvre pour développer l’éolien en France et les ambitions et objectifs fixés par le gouvernement, il existe un décalage important. C’est ce que souligne la Cour des comptes dans un nouveau rapport alarmant sur le développement hasardeux de l’éolien dans le pays. La France est le seul pays en Europe à ne pas avoir atteint ses objectifs dans ce domaine.
Le nouveau rapport de la Cour des comptes (CDC) sur l’éolien terrestre et maritime, publié ce mardi 17 octobre 2023, suit la même lignée que celui de 2018 ainsi que celui de 2013.
Il y a 10 ans déjà, les magistrats de la rue Cambon critiquaient sévèrement le caractère « difficilement atteignable » des objectifs que s’étaient fixés la France en ce qui concernait l’implantation d’éoliennes, de panneaux solaires et autres dispositifs de production d’énergie renouvelable, rappelle Le Point. Ils soulignaient également le « montant très élevé des engagements financiers consentis par l’État ». Le constat était le même cinq ans plus tard.
En cet automne 2023, le nouveau rapport se poursuit sur les mêmes notes, indiquant clairement que les objectifs que la France s’est pourtant fixés elle-même n’étaient toujours pas atteints. Résultats fin 2022 : « les capacités éoliennes développées en France représentaient environ 80 % de l’objectif visé pour 2023. » La France est ainsi « le seul pays européen à ne pas avoir atteint les objectifs de la directive de 2018 ».
900 millions d’euros par an de pénalités financières
Les conséquences risquent d’être importantes pour ce manque de planification : les pénalités financières imposées à l’État pourraient s’élever à plus de 900 millions d’euros par an jusqu’à ce que le retard soit rattrapé, souligne France 3.
En effet, la France va devoir compenser son propre écart en rachetant à un autre État membre de l’UE les droits sur un certain volume d’énergies renouvelables produites en excédent, une opération qui s’appelle « transferts statistiques ». Concrètement, il manque, par exemple, 64 TWh à la France pour atteindre ses objectifs de 2020.
« La France devrait payer 960 millions d’euros pour la seule année 2020, et acheter des statistiques pour les années ultérieures jusqu’à atteindre son objectif, faute de quoi elle s’expose à des astreintes financières et à des difficultés pour accéder à certains fonds européens », peut-on lire dans le rapport.
Les objectifs de 2050 difficilement atteignables
Apparemment, la « stratégie énergétique cohérente » suggérée par la Cour des comptes en 2017 n’a toujours pas été mise en place. Alors que la France s’était fixée en 2013 un objectif de 27% d’énergies renouvelables dans sa production d’électricité en 2030, elle n’en était qu’à 8,3% de la production électrique nationale, fin 2022.
Observant les différentes données et l’avancement de la mise en œuvre de l’éolien, les magistrats de la rue Cambon doutent de la capacité de l’État à atteindre son objectif de 50 parcs éoliens en mer d’ici 2050.
« Le processus d’implantation des éoliennes n’est pas piloté de manière volontariste, ce qui est incohérent avec les objectifs de la politique énergétique », explique le rapport.
« Une absence préjudiciable de pilotage »
Parmi les causes qui freinent la France dans ses objectifs, on observe « une absence préjudiciable de pilotage » en ce qui concerne la régulation de l’espace disponible pour l’éolien terrestre et maritime. Sur terre, l’absence de cartographie de l’espace propice au développement de l’éolien laisse le choix des sites aux développeurs privés. En mer, « la désignation des zones maritimes destinées à l’éolien s’effectue davantage dans une logique par projet que dans le cadre d’une planification de long terme. »
La CDC note également d’autres causes à ce niveau de réalisation en deçà des objectifs : complexité des réglementations, procédures d’autorisations peu performantes, manque de structure dans la gouvernance, « documents stratégiques de façade » etc.
Une part du gâteau qui devrait revenir à l’État
Au niveau financier, le rapport préconise d’assurer une meilleure transparence en ce qui concerne les subventions à l’éolien et l’économie des parcs, « pour prévenir les rentabilités excessives ». Il estime que les tarifs fixes sont inadaptés aux conditions économiques changeantes.
« Dans un contexte économique incertain, ces investissements à long terme doivent être régis par des clauses contractuelles de partage de la rentabilité », conclut-il. En d’autres termes, la CDC préconise d’instaurer « un tarif de référence au-delà duquel les recettes reviennent à l’État ».
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