Le décret de dissolution des Soulèvements de la terre sera-t-il suspendu ? Le Conseil d’État rendra « d’ici la fin de la semaine » sa décision dans ce bras de fer qui oppose le gouvernement au collectif écologiste.
L’affaire a été débattue lors d’une audience fleuve de près de trois heures mardi. Les juges de la plus haute juridiction administrative française devront répondre à deux questions : y-a-t-il bien une « situation d’urgence » justifiant leur saisine en référé fin juillet par le collectif ? Et existe-t-il des « doutes sérieux » sur la légalité du décret de dissolution pris par le gouvernement le 21 juin ?
Le Conseil d’État a toutefois rappelé que quelle que soit sa décision, elle « ne présagera pas » de celle qui sera rendue sur le fond, sans doute pas avant un ou deux ans. Le gouvernement reproche aux Soulèvements de la terre d’« appeler » à des violences et d’y « participer », ce que ces derniers contestent fermement.
À l’audience, les avocats du collectif, Me Antoine Lyon-Caen et Aïnoha Pascual, ont fustigé les nombreuses « approximations » et « contre-vérités » avancées selon eux par le gouvernement. Évoquant les violences alléguées, Me Pascual s’est interrogé : « pourquoi imputer la seule responsabilité aux Soulèvements et pas à la Confédération paysanne ou à Extinction Rebellion ? » alors que les manifestions étaient réunies à l’appel de plusieurs organisations. « Allons-nous, nous aussi, être dissous sous prétexte que nous appelons à des actes de désobéissance civile ? », a ainsi demandé aux juges un représentant de l’association Droit au logement qui s’est jointe à la procédure.
Des appels au delà de la désobéissance civile
Par sa décision, « le Conseil d’État a l’occasion de dire si le simple fait d’appeler à la désobéissance civile justifie en soi un motif légitime de dissolution », a également observé Basile Dutertre. Quelle que soit la décision du Conseil d’État, il ne s’agit que de « la première manche d’une très longue bataille judiciaire », estime celui qui se présente comme « une des voix des Soulèvements de la terre ».
Pour les avocats du collectif, « on ne peut pas mettre sur le même plan des dégradations légères, comme le fait d’aller arracher du muguet, et des actes dangereux qui portent gravement atteinte aux intérêts de la nation ».
Mais pour la représentante de l’État, Pascale Leglise, directrice des libertés publiques et des affaires juridiques au ministère de l’Intérieur, qui évoque des « appels à tout brûler » et des « tutoriels » pour détruire des canalisations, les actes commis par le collectif « vont au-delà de la simple désobéissance civile ». Quant à l’imputation des faits à ce mouvement, elle lui paraît évidente : « Il n’y a même pas à se poser la question de qui a fait quoi car eux-mêmes le revendiquent ».
Les débats ont également porté sur la nature des Soulèvements de la terre : le gouvernement estime qu’ils sont « un groupement de fait » tandis qu’ils se présentent comme un « mouvement composite et horizontal, dépourvu de dirigeants comme de membres identifiés ». « Peut-on réellement dissoudre un courant de pensée ? », s’est ainsi demandé Me Pascual.
Un recours du collectif
Plusieurs associations et partis (dont La France insoumise, EELV, Agir pour l’environnement…) ainsi que des milliers de particuliers – « 4000 à ce jour » selon M. Dutertre – se sont associés au recours des Soulèvements de la terre. Le gouvernement avait annoncé son intention de dissoudre ce mouvement le 28 mars, quelques jours après de violents affrontements entre gendarmes et opposants à la construction de retenues d’eau, les « bassines » de Sainte-Soline (Deux-Sèvres).
Selon le collectif, sa dissolution est « liberticide car attentatoire à la liberté d’expression » et « à la liberté d’association ». « C’est la « première fois qu’il y a la dissolution d’un mouvement aussi important, avec presque 150.000 personnes qui s’en revendiquent publiquement » et c’est aussi « la première fois qu’un mouvement de l’écologie politique fait l’objet d’une telle procédure », a insisté M. Dutertre.
Ces dernières années, la plupart des procédures de dissolution ont visé des groupes d’extrême droite ou des mouvements islamistes. Si la grand majorité des recours contre ces décisions ont été rejetées, en mai 2022, le Conseil d’État avait suspendu la dissolution du Groupe antifasciste Lyon et environs (Gale), estimant que les éléments avancés par le gouvernement « ne permettaient pas de démontrer que le Gale avait incité à commettre des actions violentes et troublé gravement l’ordre public ».
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.