Dissolution : « Emmanuel Macron ne réalise pas qu’il a provoqué un référendum contre lui-même tout en accélérant l’arrivée au pouvoir du Rassemblement national », estime le journaliste Quentin Hoster

Par Julian Herrero
14 juin 2024 16:38 Mis à jour: 15 juin 2024 00:30

ENTRETIEN – Le rédacteur en chef de Valeurs Actuelles Régions et auteur de David Lisnard, le réveil de la droite (Télémaque), Quentin Hoster, revient sur la dissolution de l’Assemblée nationale annoncée par Emmanuel Macron le 9 juin. Le journaliste livre également son analyse sur l’alliance LR-RN.

Epoch Times – Emmanuel Macron a dissous l’Assemblée nationale dimanche après les résultats des élections européennes. Pourquoi le président de la République a-t-il, selon vous, pris cette décision ?

Quentin Hoster – Il y a, je le pense, un élément psychologique important qui explique sa décision. Emmanuel Macron a opté pour la dissolution, reclus à l’Élysée et entouré de quelques conseillers en pensant renverser la table.

Le président parie sur son charme, son charisme et le « théâtre antifasciste » pour arrêter la progression du RN. Mais il ne réalise pas qu’il a provoqué un référendum contre lui-même tout en accélérant l’arrivée au pouvoir du Rassemblement national.

Éric Ciotti a annoncé une alliance entre Les Républicains et le Rassemblement national pour les élections législatives anticipées. Sommes-nous en train d’assister à une recomposition de la droite autour du RN ?

Il faudrait déjà s’accorder sur ce qu’on appelle la droite. L’union des droites, telle qu’on l’appelle aujourd’hui, ressemble un peu à une auberge espagnole. Elle est composée de gens qui se retrouvent sur les questions régaliennes : l’immigration, la justice et l’insécurité, c’est-à-dire des marqueurs de droite forts. Mais ces mêmes personnes viennent aussi avec les idées de leurs partis respectifs qui ne sont pas toujours de droite, notamment sur les plans économique et sociétal.

Dans cette union, tout un pan de la droite libérale européenne et atlantiste n’est plus du tout représenté.

Finalement, il s’agit d’une combinaison d’appareils qui s’explique surtout par la proximité alléchante du pouvoir. Ceux qui se définissent comme des gens de droite, étant sur le côté depuis longtemps et ne voulant pas voir le train passer impuissamment, décident de rejoindre une formation politique qui a acquis sa place sur un marqueur de droite.

Nous verrons bien s’ils parviennent à imposer leurs autres idées de droite par la suite ou s’ils se renieront à leur tour.

Cette alliance pourra-t-elle tenir longtemps ? Il existe des divergences profondes entre les deux partis ?

Tout dépend de ce qui va advenir du parti des Républicains. En ce moment, il y a une bataille entre Éric Ciotti et le reste des cadres pour savoir qui aura la main sur l’appareil. Il est très probable que, selon les statuts, le « putsch » des ténors du parti s’avère illégal. Éric Ciotti aura donc toute la légitimité pour rester en place et investir des candidats LR-RN. Cela étant, il semble que très peu d’élus LR vont rejoindre le RN et que la droite classique va perdurer, mais elle risque de se retrouver sans leader.

Pour le moment, je vois deux personnalités qui se dégagent tacitement. Laurent Wauquiez, qu’Éric Ciotti nous présentait comme le candidat naturel de la droite en 2027, et David Lisnard, qui propose une offre politique intrinsèquement libérale, en rupture avec les offres actuelles.

Ce « rassemblement des droites » se fait sans Éric Zemmour…

C’est effectivement un peu cocasse. Celui qui défend depuis des années l’union des droites, se fait doubler par Marion Maréchal au moment où cette union advient puisqu’elle a entamé des négociations avec le RN sans lui.

Nous pouvons critiquer la décision unilatérale d’Éric Ciotti d’allier son parti au RN contre l’avis de la moitié des militants dont pourtant, il se revendique.

Mais on peut aussi trouver justifié le sentiment de trahison d’Éric Zemmour, qui voulait se rapprocher du RN dans le cadre d’une coalition pour battre le « Front Populaire », tout en continuant à faire exister Reconquête !.

Même si les idées de son parti sont très proches de celles du RN, il y a des différences à faire valoir, qui, par le jeu des alliances avant même le second tour, se retrouvent diluées.

Vous suivez depuis quelques années le maire LR de Cannes et fondateur du mouvement libéral Nouvelle Énergie David Lisnard. Il s’est opposé à l’accord passé entre Éric Ciotti et le RN et a appelé à un « renouveau ». Peut-il parvenir à créer un espace entre le bloc central macroniste et le RN renforcé par l’arrivée d’Éric Ciotti et d’élus LR ?

Il ne dispose pas d’un capital politique et médiatique suffisant pour briser en deux semaines l’étau du bloc central (maintenant remplacé par la gauche) et du RN qui existe depuis 7 ans.

Et dans le contexte de délai très court entre l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale et la date limite de dépôt de candidatures pour les élections législatives, avec en parallèle l’alliance LR-RN, il faut également savoir se positionner par rapport aux Républicains.

Jusqu’à hier, on ne savait pas ce qui allait advenir du parti, si David Lisnard pouvait ou non y associer les candidats de Nouvelle Énergie. Valider les candidats à l’investiture demande un certain temps et un travail titanesque, d’autant que le parti est présent dans presque toute la France. Par ailleurs, imposer sa ligne en ce moment me paraît extrêmement complexe, car toutes les lignes sont brouillées et les accords d’appareils priment.

Il y aura, a priori, des candidats avec la double investiture LR-Nouvelle Énergie et d’autres qui porteront seulement l’étiquette du mouvement de David Lisnard. Je constate chez ses militants beaucoup d’impatience, nombreux pensent que c’est le moment et qu’il doit se lancer.

Mais encore une fois, le contexte ne lui est pas favorable. S’il cherche trop à s’imposer en ce moment, il prend le risque de passer pour une personnalité peu crédible aux yeux d’une opinion publique qui ne le connaît pas, de passer pour l’énième diviseur et de se mettre à dos inutilement certains ténors de LR qui lui sont pourtant favorables.

Nous verrons ce qu’il va advenir de LR, mais il est certain que David Lisnard comme Laurent Wauquiez pousseront leurs pions dans les mois à venir.

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