Dissolution : le baiser de la mort d’Emmanuel Macron au RN ?

Par Julian Herrero
11 juin 2024 18:55 Mis à jour: 12 juin 2024 15:53

Personne ne s’y attendait. Il avait lui-même balayé l’hypothèse d’un revers de main quelques semaines auparavant. Et pourtant, Emmanuel Macron a annoncé dimanche la dissolution de l’Assemblée nationale. Dans son propre camp, on est « sous le choc » et on évoque de la « folie ». Cette décision sonne effectivement comme un aveu d’échec face à un Rassemblement national qui a de grandes chances d’entrer au gouvernement dans le cadre d’une cohabitation après le 7 juillet. Mais cette décision est peut-être le fruit d’une stratégie mûrement réfléchie visant à disqualifier le parti de Marine le Pen pour 2027.

L’échec d’Emmanuel Macron aux européennes

Le président de la République a annoncé la dissolution de l’Assemblée nationale ce dimanche 9 juin après les résultats des élections européennes. Des résultats marqués par le score historique du RN (31,7 %), plus du double de la liste macroniste portée par Valérie Hayer (14,6 %).

Si la décision du chef de l’État a provoqué un séisme politique et risque d’entraîner une reconfiguration du paysage politique français, elle a également mis en lumière un échec politique cuisant pour Emmanuel Macron. Lors de son élection le 7 mai 2017, il promettait pourtant de réduire le nombre de votes en faveur de Marine le Pen : « Je ferai tout durant les cinq années qui viennent pour qu’ils (les électeurs du RN) n’aient plus aucune raison de voter pour les extrêmes », avait-il déclaré.

On connaît la suite. Le RN a remporté les élections européennes de 2019, Marine le Pen a réalisé lors du second tour de l’élection présidentielle de 2022, un score supérieur à celui obtenu en 2017, le Rassemblement national a brisé le plafond de verre à l’occasion des dernières élections législatives en obtenant 89 sièges et vient de réaliser son meilleur score il y a deux jours, toute élection confondue.

La forte probabilité de la cohabitation et son impact

L’échec politique de l’actuel locataire de l’Élysée est d’autant plus important qu’Emmanuel Macron sera très certainement amené à gouverner avec ceux qu’il s’était juré de combattre et d’affaiblir.

Des sondages pour les élections législatives du 30 juin et du 7 juillet ont déjà été réalisés et promettent au parti à la flamme une victoire (33 %), dix points devant la coalition de gauche (22 %). La majorité présidentielle récolterait 19 %. Selon l’institut Harris Interactive, le RN devrait se contenter d’une majorité relative et obtiendrait entre 235 et 265 sièges contre les 289 requis pour avoir une majorité absolue.

Quoiqu’il en soit, si ce scénario hautement probable voit le jour, le chef de l’État sera dans l’obligation de nommer un Premier ministre issu des rangs du Rassemblement national. La France entrerait donc en cohabitation et l’impact psychologique serait terrible pour Emmanuel Macron et la macronie, en particulier à quelques semaines de l’ouverture des Jeux olympiques. Le monde entier aura les yeux rivés non pas sur l’événement en soi ou sur Emmanuel Macron, mais sur le jeune Premier ministre RN, Jordan Bardella, au côté du chef de l’État lors de la cérémonie d’ouverture le 26 juillet.

Une stratégie plus subtile d’Emmanuel Macron ?

Outre l’aveu d’échec politique que révèle l’annonce de la dissolution de l’Assemblée, il se pourrait que cette décision résulte d’un stratagème politicien qui pourrait servir Emmanuel Macron sur le long terme.

Laisser le Rassemblement national arriver aux affaires pourrait être une manière pour lui de donner le baiser de la mort au parti de Marine Le Pen. Si le RN entre au gouvernement et ne parvient pas au bout des deux ou trois années à améliorer la situation économique du pays ou à mettre en œuvre des politiques efficaces pour lutter contre l’immigration illégale, le président pourra s’en servir comme arguments pour le décrédibiliser.

Il pourra également appuyer sur les positions passées du RN sur la Russie dans un contexte international toujours instable avec une guerre en Ukraine qui fait toujours rage aux portes de l’Europe, et ainsi faire en sorte que le parti soit rejeté par les Français en 2027 et disqualifié pour de nombreuses années.

Mais si cette stratégie est celle d’Emmanuel Macron, elle n’est pas sans risques. Le RN peut très bien arriver au pouvoir et se montrer apte à gouverner le pays et à bâtir des politiques consensuelles. D’ailleurs, le président des Républicains, Éric Ciotti, a annoncé aujourd’hui qu’il souhaitait une alliance LR-RN en vue des élections législatives à venir. Une majorité constituée de députés de droite et du RN et l’arrivée de ténors LR dans un gouvernement dirigé par Jordan Bardella donneraient de la crédibilité au parti de Marine Le Pen, très souvent critiqué pour son « manque de compétences ». LR est un parti dit « de gouvernement » et ses cadres savent par définition comment gouverner.

Un atout de taille pour la formation politique du RN qui n’a jamais exercé le pouvoir, qui briserait la stratégie du chef de l’État et qui pourrait faire de Marine Le Pen sa successeure dans trois ans.

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