Les syndicats CFDT et CGT de Sanofi ont appelé mercredi une grève reconductible à partir de jeudi pour s’opposer à la cession attendue à un fonds américain de la branche santé grand public du groupe, Opella, qui commercialise le Doliprane. Mais, selon l’économiste Olivier Babeau, le problème n’est pas le risque de délocalisation – d’ailleurs minime même à long terme -, mais le risque de ne pas maîtriser « les produits et technologies essentiels de demain ».
La CFDT, syndicat prépondérant chez Sanofi (34%), appelle à « un mouvement de grève générale à partir du 17 octobre pour exprimer sa colère contre la vente d’Opella », sur tous les sites du groupe, selon un tract dont l’AFP a pris connaissance.
Un « appel clair et franc, en illimité »
Cette décision a été prise à la suite d’un courrier de la direction adressé aux salariés qui « continue de minimiser les choses », a précisé à l’AFP Humberto de Sousa syndicaliste CFDT Sanofi. « Elle n’a pas bougé d’un iota, elle a toujours l’intention de vendre à un fonds américain et déroule le plan, quelles que soient les injonctions du gouvernement », a-t-il ajouté.
La CGT (20,3%) lance un « appel clair et franc, en illimité jusqu’au retrait de la vente d’Opella », sur les deux sites français d’Opella à Lisieux (Calvados) et Compiègne (Oise), a indiqué à l’AFP Fabien Mallet, syndicaliste CGT Sanofi France.
Le levier de la souveraineté est ailleurs, d’après un économiste
Dans son point d’information adressé aux salariés dont l’AFP a obtenu copie, Sanofi répète notamment que le Doliprane continuera d’être produit en France et présente son maintien à hauteur de 50 % au capital d’Opella comme une garantie de son ancrage français.
Le groupe pharmaceutique français a annoncé vendredi avoir choisi le fonds CD&R pour lui céder potentiellement le contrôle d’Opella, qui commercialise une centaine de marques de produits sans ordonnance dont le Doliprane (paracétamol). Cette opération soulève de fortes préoccupations chez les salariés et les responsables politiques pour des enjeux de souveraineté sanitaire et d’emplois.
Le gouvernement a demandé des gages aux parties prenantes en matière de maintien de l’emploi, de l’empreinte industrielle, de la localisation du siège et de la recherche et développement.
Mais pour l’économiste Olivier Babeau, interrogé sur Europe 1, « on passe totalement à côté de ce qui devrait vraiment nous inquiéter collectivement ». D’une part, la consommation de Doliprane est principalement en France et l’usine est également en France. « Il y a assez peu de risque dans l’immédiat et même à terme de délocalisation », analyse t-il.
On s’est aperçu durant la crise du Covid19, souligne-t-il, des inconvénients de la fabrication des principes actifs à l’étranger, notamment en Chine, amenant à une rupture de l’offre. Bien que ce ne soit pas le cas pour le Doliprane, l’économiste mentionne que de toute manière, ces médicaments grand public achetés sans ordonnance possèdent de nombreux équivalents faciles à trouver.
Des coûts de productions plus élevés en France
Pour lui le risque n’est pas là. Il faut d’abord s’inquiéter des raisons des délocalisations de la production pharmaceutique. Le marché du médicament serait pris dans « un effet ciseau » : les coûts de productions sont plus élevés en France, et bien sûr par rapport à la Chine, mais le prix du médicament imposé sur le marché « continue d’être la variable d’ajustement compensant notre incapacité à maîtriser les coûts de notre santé ». De plus, un investisseur étranger voulant investir en France est confronté à un « véritable parcours du combattant » : « Complexité du dossier, difficulté d’accès au foncier, délai d’instruction. »
Mais le vrai problème en matière de souveraineté est ailleurs : « Aurons nous le contrôle des produits et technologies essentiels de demain », questionne-t-il. « L’opération dont on parle est précisément pour Sanofi une façon de dégager des moyens afin de pouvoir investir massivement dans les médicaments innovants ». On doit ainsi plus se préoccuper d’avoir les nouvelles biotechs à succès qui vont arriver plutôt que la maîtrise d’une « molécule développé depuis 150 ans ».
On a d’après M. Babeau, raté la maîtrise de tous les leviers de souveraineté de ces 30 dernières années : « Internet, moteur de recherche, réseau sociaux, smartphone et on s’apprête à louper la révolution de l’intelligence artificielle, celle des robots et celle de l’espace. »
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